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mercredi 27 janvier 2016

Blog de la CGT FERC Sup Paris3

USPC : A MARCHE FORCEE VERS « L’UNIVERSITE UNIFIEE »

La perspective du jury de l’IDEX qui doit réexaminer le dossier de l’ Université Sorbonne Paris Cité au début de l’année 2016 conduit les dirigeants de la COMUE à accélérer le processus de rapprochement entre les universités partenaires. Le fait marquant de cet automne a été la préfiguration de 4 pôles disciplinaires, décidée par le président Mérindol qui en a nommé les « préfigurateurs ». La direction de l’USPC a rendu son rapport sur l’état d’avancement du projet d’université unifiée le 22 décembre. La « période probatoire » arrivant à son terme, la décision de reconduire les crédits IDEX doit être prise par le Premier ministre en juin 2016, sur la base de l’évaluation du « jury international » de l’IDEX.

« COMUE », « UNIVERSITE UNIFIEE », « FUSION » ? LA DIRECTION DE L’USPC JOUE SUR LES MOTS, MAIS LA PERTE D’AUTONOMIE DES UNIVERSITES EST AFFIRMEE COMME UN OBJECTIF A COURT OU A MOYEN TERME

Face aux oppositions qui se font jour dans les Conseils des universités et leurs composantes, M. Mérindol et ses alliés multiplient les contorsions pour expliquer au jury de l’IDEX que l’unification des universités est en bonne voie tout en s’adressant aux personnels pour leur dire qu’il n’est pas question de fusion pour l’instant. La note du bureau de l’USPC du 23 septembre 2015 rappelle que l’objectif de création d’une « new unified university » a bien été inscrit dans le projet qui a permis de décrocher les crédits IDEX en 2012 et que le travail annoncé, à peine entamé doit être accéléré. D’ailleurs à ce sujet, dans un entretien du 4 décembre à l’AEF (l’Agence Education et Formation), M. Mérindol croit rassurer les personnels en expliquant que le sujet de la fusion n’est pas d’actualité …jusqu’en 2017, c’est-à-dire dans un peu plus d’un an seulement !

LA GOUVERNANCE DE L’USPC, ENTRE AUTORITARISME ET USINE A GAZ

Le rapport d’évaluation IDEX soumis au Conseil d’administration de l’USPC le 29 novembre dernier confirme ce que les statuts de l’USPC démontraient déjà : les formes démocratiques de la collégialité universitaire sont enterrées au profit d’une présidentialisation de la gouvernance. Au nom de la « simplification du dispositif de gouvernance », tous les pouvoirs de décision appartiennent au président et à son équipe de 7 directeurs délégués, entourés d’un bureau composé des « 8 chefs des établissements d’enseignement supérieur » membres de l’USPC. Le Conseil d’administration, issu d’un scrutin à trois degrés (et écornant au passage la parité collège A - collège B) peut déléguer ses pouvoirs au bureau, comme il l’a fait en décembre 2014 pour la gestion du projet IDEX. Les « préfigurateurs » prétendent prendre en compte les « inquiétudes » des personnels, mais les consulter et les impliquer dans la prise de décision leur paraît inutile.

LES « POLES » S’ATTRIBUENT LE PILOTAGE DE LA RECHERCHE ET DES FORMATIONS

On ne parle plus désormais de « divisions » de l’USPC mais de « pôles ». Paris 3 est concernée essentiellement par le pôle « humanités, arts, lettres et langues » et dans la moindre mesure par celui de « sciences sociales ». C’est à la fois par le chantage aux crédits IDEX et par l’attribution de pouvoirs étendus à des responsables de pôles directement nommés par eux que les dirigeants de l’USPC entendent recomposer la recherche et les formations universitaires. D’ores et déjà, les doctorats des universités sont décernés au niveau de l’USPC, les contrats doctoraux sont captés et attribués aux universités par l’USPC. A brève échéance, les responsables de pôles auront un pouvoir décisionnaire sur le périmètre des formations et les profils de postes d’enseignant-chercheur et de BIATSS. Une note au bureau de l’USPC du 23 septembre 2015, dont la teneur est reprise dans l’entretien de M. Mérindol à l’AEF, annonce que les universités devront libérer chaque année une partie de leur masse salariale afin de soutenir des projets stratégiques pour l’USPC. L’objectif de redéploiement de postes, « à réaliser sur la base de l’avis des 4 pôles », figure bien dans les engagements présentés dans le projet de rapport au jury de l’IDEX (p.23). En cas de désaccord sur les profils de poste, annonce aussi M. Mérindol, c’est le bureau de l’USPC qui tranchera.

Dans les six ans qui viennent, la gestion des contrats doctoraux sera transférée des écoles doctorales aux autorités centrales de l’USPC. Pour les licences et les masters, Sciences-Po continuera à bénéficier d’une large autonomie, mais pour les universités partenaires, la fin des « doublons » est clairement annoncée. Pour Paris 3, cela veut dire par exemple deux énormes départements d’anglais et de langues étrangères appliquées, qui seront encore plus difficiles à gérer que les départements actuels et ne permettront de réaliser aucune économie de fonctionnement.

LES SERVICES PARTAGES : DYSFONCTIONNEMENTS ET SOUFFRANCE AU TRAVAIL EN PERSPECTIVE

La marche vers « l’université unifiée » implique aussi la multiplication des services partagés, qui ont fait l’objet d’une note de cadrage validée par le CA de l’USPC le 1er juillet 2015. Ces services, qui relèvent à la fois des établissements et de la COMUE, sont déjà opérationnels dans trois domaines : les études doctorales (Collège des études doctorales, dont relève aussi un bureau d’insertion professionnelle), le LANSAD (programme PERL, Pôle d’Elaboration des Ressources Linguistiques) et l’innovation pédagogique (programme SAPIENS, qui associe l’innovation pédagogique au développement de l’enseignement en ligne). Plusieurs nouveaux services partagés doivent voir le jour lors du prochain contrat quadriennal, notamment pour la valorisation de la recherche, la formation continue des personnels, les systèmes d’information, la documentation et les partenariats internationaux.

Le cas des services partagés montre que le processus de coordination des « politiques partagées » est à géométrie variable : il est bien précisé que l’unification des conditions de travail et de rémunération n’est pas un préalable à la création de ces services. Les personnels affectés aux services partagés - pour tout ou partie de leur temps de travail - resteront domiciliés dans l’un des établissements, dont ils continueront à dépendre administrativement et hiérarchiquement, mais seront placés sous l’autorité fonctionnelle du président de la COMUE et des directeurs des services partagés.

La superposition des tutelles et l’éparpillement géographique des personnels de la future « université multicampus » vont compliquer considérablement l’organisation du travail. Outre la gestion des bibliothèques et des Instituts dits « article 33 » rattachés administrativement à Paris3, les masters « métiers de l’enseignement et de l’éducation » donnent déjà beaucoup d’exemples de dysfonctionnements. Quelle instance tranchera sur les problèmes d’organisation du travail dans les services partagés ? Comment justifier des inégalités de traitement pour des personnels qui font le même travail dans différents établissements ?

VERS UNE UNIVERSITE A DEUX VITESSES

Le fonctionnement de l’USPC laisse présager une forte dose d’arbitraire dans l’appréciation de « l’excellence », de « l’innovation » et de la recherche « à forts enjeux sociétaux ». Le programme « Cofund Inspire » (co-financé par le gouvernement français et l’Union européenne) finance par exemple des contrats doctoraux internationaux mais réduit le rôle des écoles doctorales et des équipes de recherche des universités de l’USPC à un travail de pré-sélection des candidat-e-s, qui sont choisi-e-s par un jury indépendant des universités. Les appels à projet négligent des pans entiers de l’activité des universités. Et il est intéressant de remarquer que sur les 186 contrats doctoraux créés et distribués sur les fonds de l’IDEX, Paris 3 en a récupéré 9… Il est donc évident que nous avons tous à gagner à laisser gérer nos contrats doctoraux par l’USPC et l’IDEX…

Dans le jargon managérial de la direction de l’USPC, c’est la notion peu contraignante de « responsabilité sociale des universités » qui se substitue à la notion de service public d’enseignement et de recherche. Les statuts des personnels et les échelles de rémunération ne sont mentionnés que comme des obstacles à contourner pour gagner en visibilité et en attractivité internationales.

Antidémocratique, opaque, sans le moindre garde-fou la protégeant des comportements abusifs et des copinages, l’Université unifiée piétine déjà les droits des personnels, aggrave la situation des usager-ère-s, entraîne déjà gabegie et gaspillages, et ne peut aboutir qu’à la destruction du service public d’enseignement supérieur, bien loin des fantasmes de visibilité internationale qui lui ont donné naissance.