Université Grenoble Alpes (UGA)

L’année 2024 a été mouvementée, marquée par une crise démocratique et institutionnelle à l’échelle de la France, mais aussi à l’échelle de l’UGA. Elle a aussi été marquée par des conflits armés et des catastrophes climatiques. La question des violences faites aux femmes est revenue sur le devant de la scène avec les procès de Mazan, ainsi qu’avec l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire relative aux violences dans le monde du cinéma. Il y a également eu la mobilisation contre la loi asile et immigration, dont certaines mesures ont finalement été censurées.
La CGT s’est engagée sur tous ces sujets.
En ce début d’année 2025, nous commémorons les 50 ans de la loi Veil, qui a légalisé l’interruption volontaire de grossesse et les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz. Ceci nous rappelle de ne pas baisser la garde face à l’extrême droite. En 2025, 10 années se seront écoulées depuis les attentats terroristes de 2015 qui ont bouleversé la France.
2025 sera aussi l’année des 130 ans de la CGT !
En 2025, poursuivons nos luttes, contre l’extrême droite, pour les droits humains (y compris les droits des femmes !) et l’égalité et contre le capitalisme et ses conséquences sur la planète et le climat. Poursuivons aussi nos luttes dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour l’accès de tous et toutes aux études et à la culture, contre les tentatives de censure de certaines thématiques de recherche progressistes et humanistes, et bien sûr pour le service public, nos salaires, nos moyens et nos conditions de travail.
Que ces luttes soient collectives, nombreuses et joyeuses !
Vœux du président : mais où est passée la CGT ?
Les vœux de nouvelle année, quel beau moment de concorde... Dans un grand élan consensuel, le président de l’UGA se pique même d’un chaleureux remerciement en direction de toutes les organisations syndicales :
« Sur le plan institutionnel, Serge Slama a été élu Président du Conseil Académique le 20 décembre sur ma proposition. Je remercie à cette occasion les organisations syndicales (Sgen-CFDT, UNSA, SNPTES, FSU) pour la qualité des échanges. »
Toutes les organisations syndicales ? Pas tout à fait... Cherchez bien... Il semble qu’il y en ait une qui ait été oubliée... Le président aurait-il oublié la CGT ? Nous sommes confus, avons-nous été un peu trop discrets l’année passée ?
Ou bien alors, les échanges auxquels les élu.es CGT ont participé n’ont peut-être pas été de « qualité » ?
Ou bien encore... mais nous n’osons le croire... l’expression de désaccords avec la politique de la présidence suffirait pour que le président ne considère plus les échanges comme étant de « qualité » ? On ne peut qu’écarter une telle hypothèse aussi peu compatible avec nos valeurs démocratiques évidemment partagées.
Les vraies raisons d’une mise à l’écart
Nous avions fait état, en juillet dernier, des raisons du blocage institutionnel à l’UGA, lié à l’absence de président du conseil académique (CAC).
Des discussions ont eu lieu depuis, entre certaines listes et organisations syndicales, pour sortir de cette situation de blocage. Un programme a ainsi été proposé par la FSU, la CFDT, l’UNSA et la liste UGA en commun, avec la candidature de Serge Slama comme président du conseil académique sur la base de ce programme.
De notre côté, nous avions annoncé et communiqué sur le fait que nous nous prononcerions sur ce programme sur la base de nos revendications.
Sur cette base, nous avons fait plusieurs remarques (remarques qui, visiblement, n’ont donc pas été jugées « de qualité »).
La première sur le fait que le programme proposé se restreint aux seules prérogatives du CAC : cette restriction nous semblait discutable, puisque certaines prérogatives des différentes instances se recoupent ou peuvent être interdépendantes.
Enfin, sur les seules prérogatives du CAC et toujours sur la base de nos revendications :
- rien dans ce programme ne propose de solutions contre la précarité, autant des étudiant.es que des membres du personnel, notamment des enseignant·es, contractuel·les ou vacataires. Pourtant leurs conditions d’enseignement est une prérogative du CAC.
- Le handicap est aussi omis alors que le CAC est censé proposer au CA un « schéma directeur pluriannuel en matière de politique du handicap ».
- Les droits syndicaux sont mentionnés de manière très allusive dans une phrase qui n’engage à rien : on rappelle à ce propos que les représentant·es des personnels et les militant·es (souvent de la CGT) sont régulièrement victimes d’attaques concernant leurs droits et leur activité syndicale, de la part du président mais aussi d’autres membres de la présidence ou des directions.
- Pour nous, « refuser une hausse des frais d’inscription » n’est pas suffisant, il faut une politique volontariste d’exonération des frais d’inscriptions (étudiant·es en situation précaire, privé·es de papiers, salarié·es, doctorant·es en tant que travailleur·ses de la recherche).
- Rien sur les discriminations et notamment le racisme à l’encontre des étudiant·es. Notamment, on revendique le droit d’inscription à l’université sans condition de papiers ; idem pour l’accès aux services du Crous (logement, restauration, aides sociales).
- Rien non plus concernant les doctorant·es (seuls les « anciens doctorants » sont mentionnés dans le programme), on peut rappeler nos revendications concernant les CSI qui ne doivent plus être utilisés comme outil d’évaluation des doctorant·es, mais soient plutôt utilisés comme outil d’accompagnement et de prévention des conflits, des situations de discrimination ou de harcèlement.
- La question des financement des doctorant·es n’est pas non plus abordée : la CGT demande la création massive et le financement de contrats doctoraux non fléchés, l’enjeu étant la liberté académique des doctorant·es ; cette même liberté académique nécessite des engagements concernant les possibilités de poursuite de thèse en cas de conflit avec la direction de thèse (possibilités réelles de changement de direction sans avoir à trouver un nouveau financement, conditions favorables pour la réinscription, recours en CR suspensif concernant les licenciements de doctorant·es).
- Sur la politique académique, rien sur la volonté de conserver des formations diplômantes, et de conserver le lien entre diplômes et qualifications, alors qu’on voit se multiplier les formations certifiantes et le découpage des diplômes en blocs de compétences.
- Sur la transition écologique : le programme propose la mise en place de formations à la transition écologique, ce qui va dans le bon sens ; il est ensuite mentionné uniquement un ’module’. Les contraintes mises dans le programme semblent assez irréalistes en tout cas si on ne parle pas de moyens supplémentaires pour y arriver (les moyens étant une prérogative du CA...). Par contre, le programme aurait pu être largement plus ambitieux notamment pour la création de filières de formation, qualifiantes et à tous niveaux (technicien·nes, ingénieur·es, enseignant·es, chercheurs·ses) pour former les travailleurs·ses nécessaires pour la bifurcation écologique. Les qualifications existantes ne peuvent pas suffire au vu des enjeux et ce n’est pas un simple module en 1er cycle qui suffira à y répondre. Il faudrait aussi pouvoir discuter de comment ces nouvelles formations seraient créées : notre position serait que ces formations soient décidées et construites par des équipes pluridisciplinaires formé·es d’enseignant·es, de chercheur·ses, d’étudiant·es, et d’autres partenaires, en lien avec les organisations syndicales et associatives qui travaillent sur ces questions. Par ailleurs nous revendiquons l’arrêt des partenariats avec les entreprises qui promeuvent l’extraction des énergies fossiles.
- Toujours sur la transition écologique il y a des enjeux en terme de recherche, et notamment de liberté académique (soutien de l’établissement aux collègues qui se verraient menacé·es, ou qui engagent leurs travaux ou leur parole publique) ; par ailleurs les mêmes enjeux existent concernant les travaux en sociologie, en géographie, en histoire, en économie politique, en littérature, en droit, et le rapport entre ces travaux et les luttes contre les discriminations, contre le sexisme, le racisme, les LGBT+phobies, les inégalités ou toute forme de domination ou d’exploitation. Pour l’instant on constate plutôt soit des entraves soit un manque de soutien de la présidence. Il y a aussi les effets de domination entre domaines disciplinaires, sur lesquels ce programme reste muet. Concernant la transition ou bifurcation écologique, pour prendre en compte le fait que ce sont des enjeux systémiques (liés au modèle de société, notamment capitaliste, productiviste et colonialiste), tous les domaines de recherche sont donc concernés, en tenant compte aussi des questions politiques et de l’existence de controverses scientifiques, avec une pluralité des méthodes scientifiques qui doit pouvoir s’exprimer.
- Sur la transition écologique, et en se concentrant sur les prérogatives du CAC (diffusion culturelle et scientifique), il y a des enjeux dont les élu·es CGT ont parlé en CAC ou en commission recherche à plusieurs reprises, concernant les brevets, la politique d’ouverture vers le domaine public et le partage de connaissances ou transfert technologique au niveau international.
- Rien enfin dans ce programme sur l’égalité femmes/hommes : en plus des enjeux académiques, il y a des enjeux concernant les carrières et primes des collègues (prérogative du CAC restreint). Sur cette question aussi il pourrait y avoir des questions académiques, en terme de recherche mais aussi de formation et d’intervention sur les questions de genre et de prévention des VSS auprès des étudiant·es (et aussi bien sûr des personnels mais cela relève d’autres instances que le CAC).
Pour toutes ces raisons, les élu·es CGT ont voté contre la candidature de Serge Slama.