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jeudi 13 février 2014

Communiqué intersyndical : les ZRR

ZRR. Mise au pas de la recherche, l’armée veille.

Une zone à régime restrictif (ZRR*), c’est quoi ?
Le gouvernement est en train de mettre en œuvre le décret de 2011 permettant le classement de laboratoires en zone à régime restrictif (ZRR). Tout se fait dans la plus grande opacité.
Pourtant, un classement en ZRR change du tout au tout la vie d’un laboratoire, avec principalement trois conséquences :

  • la création de « locaux sensibles » : une ou plusieurs pièces au sein du laboratoire (voire le laboratoire dans son entier) seront physiquement sécurisées avec un accès très contrôlé.
  • le contrôle des visiteurs du laboratoire. Cela concerne l’ensemble du laboratoire et pas seulement les « locaux sensibles ». Tout visiteur (étudiant, stagiaire, post-doc, chercheur étranger, participant à un séminaire, etc.) devra faire une demande deux mois à l’avance au ministère de la défense, qui n’a d’ailleurs aucune justification à donner en cas de refus ! Un premier filtrage sera effectué par le fonctionnaire sécurité défense de l’établissement. Il s’agit d’un contrôle direct sur nos collaborations avec des chercheurs ou étudiants étrangers, selon des critères arbitraires reposant principalement sur une série de mots-clefs. Ce dispositif est en total contradiction avec le droit existant (liberté de recherche, droit syndical de visite des labos etc.).
  • Enfin, le futur règlement intérieur type des labos classés en ZRR que fait circuler le CNRS précise : « Pour les seuls secteurs scientifiques sensibles : toute communication, enseignement, qu’il s’agisse d’un colloque, d’un séminaire ou d’un congrès est soumise à autorisation du Haut Fonctionnaire Sécurité Défense du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche”.

C’est du délire ! D’où ça sort ?
Ce décret, datant du gouvernement Sarkozy, entend « protéger le potentiel scientifique et technique de la nation ». L’administration présente ce décret en martelant les insuffisances de sécurité dans les labos, à grand renfort de vocabulaire militaire et patriotique, avant d’en conclure que le classement en ZRR est inévitable. Or les mesures préconisées, tout droit sorties du délire de fonctionnaires sécurité défense, auront des conséquences très importantes pour la vitalité des équipes de recherche mais seront sans grande incidence sur la protection de nos recherches. Alors, simple erreur d’appréciation du ministère ? Pas sur ! On est ici dans la continuité des nouvelles missions de transfert technologique qu’entend imposer la loi Fioraso : pour le ministère la recherche doit être centrée sur des applications industrielles immédiates, développées dans le secret des labos, au lieu d’une recherche publique ouverte, collaborative, au service de la société. Si on voulait vraiment protéger nos travaux, alors il y aurait d’autres réponses à apporter, en termes de locaux et de moyens informatiques (cluster de sauvegarde par exemple), plutôt que ces mesures d’un autre âge.

Qui est concerné ?
La liste des domaines scientifiques concernés est publique (voir l’arrêté cité plus haut) mais elle est très vaste puisqu’elle englobe, la notion d’« intérêts économiques de la Nation », et va donc bien au-delà des impératifs de défense nationale. Tous les laboratoires de recherche de « sciences dures » sont concernés.

Ainsi, le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale du Premier ministre, qui a établi une première liste de laboratoires, affirme ouvertement vouloir classer en ZRR la moitié des laboratoires de maths et d’informatique, ce qui a entraîné une réaction vive de l’ensemble des directeurs d’unité de maths auprès de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en novembre dernier. L’ UPMC, envisage de classer dès maintenant au moins 50% des laboratoires en ZRR.

À la demande du secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale du Premier ministre, les chefs d’établissement (CNRS et UPMC) ont nommé leurs fonctionnaires sécurité défense, chargés de contacter les directeurs d’unité, un à un, pour qu’ils effectuent le zonage de leur laboratoire. Les directeurs d’unité seraient bien avisés de prendre conscience des risques auxquels ils s’exposent (sans compter la charge de travail et le budget que cela représentera). Si, même par inadvertance, ils laissaient s’échapper de leur laboratoire des informations sensibles, l’article 413-10 du code pénal prévoit jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende. Pourtant l’université, malgré l’interpellation des organisations syndicales en Conseil Académique (ancien CS et CEVU) et en Comité Technique, reste une grande muette sur le sujet.

La mise en place des ZRR telle qu’elle se dessine portera un coup probablement fatal à de nombreuses équipes, déjà mises à mal par la baisse systématique des crédits récurrents et les charges administratives accumulées. Il est donc urgent d’agir. LE conseil scientifique du CNRS a déjà adopté une motion exigeant l’abandon du dispositif ZRR (en pièce jointe). L’intersyndicale de Paris 6 :

  • demande l’arrêt immédiat de la mise en place des ZRR et de la militarisation de la recherche publique,
  • demande que la présidence de l’UPMC se prononce clairement contre la mise en place des ZRR qui ne peuvent qu’entraver nos activités de recherche.
  • invite les personnels à saisir leur conseil de laboratoire et demander à leurs directeurs d’unité de ne pas répondre aux requêtes de zonage,
  • invite les personnels à informer de la mise en place des Zones à Régime Restrictif dans leur unité.

L’université n’est pas une entreprise, encore moins une caserne !

Organisations syndicales signataires : CGT (Fercup, SNTRS), FSU (Snesup, SNCS), FO, SUD Education

* Les ZRR sont régis par des textes réglementaires consultables par tous (décret 2011-1425 du 2 novembre 2011, l’arrêté du 3 juillet 2012, circulaire d’application du 7 novembre 2012)