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lundi 24 février 2025

Les subventions publiques doivent aller aux établissements publics de l’enseignement supérieur ! Pas aux officines privées de formation ni à l’église catholique !

Eric Laugerotte - Syndicat CGT FERC Sup de l’université de Rouen & INSA


En Normandie et à Rouen, les collectivités territoriales subventionnent l’enseignement supérieur privé au détriment du service public et de la vie étudiante.

Comme dans toutes les régions françaises, la privatisation de l’enseignement supérieur s’accélère dans les territoires normands, soutenue par la politique gouvernementale. Dès sa création, la COMUE Normandie Université a compté parmi ses membres plusieurs établissements privés. Aujourd’hui, ils sont au nombre de 6 sur 19 membres, et émargent sur les plates-formes sélectives Parcoursup et Monmaster.

Dans son programme, en 2021, l’exécutif régional promettait l’installation d’un nouvel établissement confessionnel ou lucratif tous les ans. Il souhaitait ainsi rendre plus attractif le territoire, stopper « la fuite des jeunes », notamment vers l’Île-de-France, et combler le fort déficit de diplômé·es en Normandie. Dans le même temps, l’insuffisance des dotations de l’État et un contrat de plan état-région CPER des plus réduits, interdisent aux établissements publics de fonctionner correctement et de lancer les investissements indispensables pour pallier la dégradation des conditions de travail et d’étude, ou encore faire face à la misère étudiante.

La promesse de l’exécutif régional d’augmenter le nombre de créations d’établissements privés s’est largement réalisée, d’autant plus que la Métropole Rouen Normandie, bien que de couleur politique différente, a soutenu cette démarche sur son territoire. En 2022, ces deux collectivités s’associaient une première fois pour subventionner deux établissements [1] : l’Institut catholique de Paris (ICP) et la première école vétérinaire privée portée par le réseau UniLaSalle.

L’ICP s’est vue accorder 11 millions d’euros, provenant à part égale de la Région et de la Métropole. La première rentrée s’est déroulée en septembre 2023 sur un campus de 5 000 m², les locaux appartenant au diocèse de Rouen. À terme, 1 000 étudiant·es seront accueillis. Les licences de l’ICP concurrencent directement celles de l’UFR droit, économie, sciences politiques, de l’UFR lettres et sciences humaines et de l’UFR sciences de l’homme et de la société de l’Université Rouen Normandie. Les formations dispensées par l’établissement confessionnel soulèvent des questions d’éthique et d’objectivité. Il est écrit ainsi dans la charte approuvée par l’Assemblée Générale des Évêques fondateurs que « l’ICP participe de manière originale à la mission d’évangélisation de l’Église catholique ».

Malgré l’avis quasi-unanimement défavorable des professionnels du domaine, le Ministère a donné son feu vert à l’ouverture d’une école vétérinaire au sein de l’institut privé UniLaSalle. Cette création a été financée à hauteur de 22 millions d’euros par les collectivités territoriales. Rendu possible par la loi de programmation de la recherche (LPR), ce projet a été soutenu par les Chambres d’agriculture au niveau national dont le président n’est autre que celui d’UniLaSalle, mais aussi le numéro 2 du groupe agro-industriel Avril rassemblant entre autres : Lesieur, Matines, ou encore des sociétés d’agrocarburants… À n’en pas douter, cet environnement économique influence le contenu des formations contre les nouvelles méthodes à trouver pour lutter contre le réchauffement climatique.

La sélection par l’argent pulvérise la mixité sociale. S’inscrire dans un établissement privé est synonyme d’endettement pour les jeunes normands issus d’un milieu défavorisé. Chaque année, il faut débourser entre 3 000 et 7 000 euros de droits d’inscription à l’ICP. Le cursus de 6 ans de l’école vétérinaire coûte 93 000 euros.

Depuis, d’autres établissements privés continuent de s’implanter sur la Métropole, comme l’école supérieure de gestion et l’école supérieure d’action et de recherche commerciale, toutes deux appartenant au groupe lucratif Galileo Global Education, l’une des multinationales présentes sur le marché mondial de l’enseignement supérieur.

La captation de ressources publiques ne s’arrête pas aux subventions des collectivité locales. Des partenariats « pédagogiques » et « scientifiques » sont engagés avec l’Université. Les établissements privés concernés justifient ainsi de la pertinence de leurs formations, tout en consolidant un ancrage territorial. Cet « enrichissement » n’est possible qu’en émargeant sur des fonds publics mais aussi en disposant d’agent·es du service public. À la recherche de personnels qualifiés, les responsables de l’ICP ou d’autres établissements privés ont ainsi approché plusieurs collègues et étudiant·es [2], leur proposant d’effectuer des enseignements dans leur filière. Des annonces tournent sur les réseaux spécialisés. Des comparatifs donnant une vision particulièrement dégradante et diffamatoire de l’Université ont pu servir à l’argumentaire, relevant de techniques de débauchage des plus agressives et participant sans ambiguïté à la marchandisation de l’enseignement supérieur. Très récemment, une nouveauté fâcheuse renverse les rôles. Une personne de l’ICP a été sollicitée pour devenir membre d’un comité de sélection (CoS) de l’Université Rouen Normandie, mis en place pour un concours de maître de conférence. Cette personne participera à la lecture des dossiers, aux auditions et au choix de la ou du candidat·e comme tout autre membre du CoS . Cependant, quelles motivations et quelle éthique guideront ses choix ? Quand on sait que le poste concerne la section maïeutique, cela interpelle d’autant plus. Est-ce que toute ou tout candidat·e qui aborde le sujet de l’avortement sera recalé ?

Dès le 21 mars 2022, lors du vote des subventions à l’ICP et à l’école vétérinaire au conseil de la Métropole [3], la CGT FERC Sup Université & INSA Rouen s’est mobilisée, participant au rassemblement pour dénoncer la ségrégation sociale et l’abandon de l’enseignement supérieur public par l’État. Il est demandé aux collectivités territoriales que les fonds publics dévolus à l’enseignement supérieur ne soient attribués qu’aux établissements publics. En 2023, un collectif de 26 organisations syndicales et associations a adressé une lettre ouverte aux présidents de la Région et de la Métropole. Une pétition a été lancée [4]. La CGT FERC Sup Université et INSA Rouen a soutenu et a participé aux actions dénonçant la venue de René Écochard à l’ICP pour une formation aux professeurs des établissements privés, au moment même de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce personnage est bien connu pour ses idées proches de l’extrême droite, anti-IVG, anti-PMA, homophobes, transphobes… Son service d’ordre était assuré par des membres de la très royaliste Action française et par un identitaire lyonnais condamné en février 2024 pour « violences aggravées à caractère raciste ».

Les établissements confessionnels et lucratifs suivent un modèle économique basé sur la rentabilité et le profit et imposent des conditions de travail dégradées et des bas salaires à leurs propres salarié·es. En soutien local à la CGT SNPEFP, le syndicat national des personnels de l’enseignement et de la formation privés, la CGT FERC Sup Université & INSA Rouen avec l’UD 76 a pu accompagner des salarié·es sans augmentation ou évolution de carrière depuis de trop nombreuses années. C’est aussi la CGT qui a œuvré pour sécuriser le personnel de l’IES business school [5] située à proximité de l’UFR droit, économie, sciences politiques, qui subissait une gestion toxique du patron harceleur, sans véritable action du seul syndicat CFDT représentatif au CSE.