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Nous sommes très inquiets pour l’avenir de l’Inspé. Une fois de plus une énième réforme est annoncée sans aucune concertation avec un agenda délirant. A cela s’ajoute des difficultés récurrentes au sein de notre établissement (travaux à Batignolles, mal-être au travail, distribution inégalitaire et injuste des primes CIA/P2I pour les BIATSS …). Et comme si cela ne suffisait pas, on apprend que l’Inspé de Paris va changer de rattachement (de la faculté des Lettres au niveau inter facultaire) sans même que les personnels ne soient consultés ou informés …
Tout cela risque d’aggraver les problèmes et renforcer la souffrance au travail au sein de notre institution.
Après le fiasco de la réforme annoncée par Macron en avril 2024 (concours en L3), suspendue suite à la dissolution, la ministre de l’éducation nationale Elisabeth Borne a annoncé il y a quelques semaines son intention de « relancer rapidement une concertation sur la réforme du recrutement par concours des métiers de l’enseignement en vue d’une entrée en vigueur à la rentrée 2026 ». Lors de son audition par la commission éducation de l’Assemblée nationale ce 12 février, la ministre a évoqué une « mise en œuvre pour les recrutements de 2026. […] C’est un sujet qu’on a pris à bras-le-corps et qu’on va continuer à porter sur les prochains mois ».
On se retrouve donc dans la même situation que l’an dernier avec une mise en place d’une éventuelle réforme sans aucune concertation ni préparation sérieuse et avec un agenda intenable. A ce jour, le ministère n’a d’ailleurs fourni aucun document précisant sa réforme aux organisations syndicales. Un groupe de travail ministériel a été annoncé aux syndicat pour le 25 mars mais nous n’avons aucune nouvelle concrète à ce jour. Comment croire que de nouvelles formation pourront être ouvertes en septembre 2025 (Licences préparatoires aux concours de professeur des écoles et modules de formation pour les candidats au CAPES en Licence) ? Cet agenda est tout simplement délirant et relève de la maltraitance institutionnelle.
Et le problème majeur de l’année dernière va se reposer : quels financements pour cette réforme ? Macron avait annoncé que cela se ferait à budget constant, que pour ouvrir de nouvelles formations, les universités devraient en fermer d’autres !!! Déjà l’année dernière la discussion avait achoppé sur le financement des élèves fonctionnaires en M1. Ils devaient être élève fonctionnaires rémunérés à hauteur de 1400€ net/mois. Et déjà c’était « trop cher » pour le ministère. Le ministre de l’économie de l’époque Bruno Lemaire (celui qui distribue plus de 80 milliards d’€ /an de cadeaux aux entreprises) avait calculé qu’une simple « allocation » de 900€ /mois à des reçus concours sous statut étudiant (et non fonctionnaires stagiaires) coutait 600 millions d’€ par an en M1 et avait bloqué le décret au moment de la dissolution. Pour financer plus de 20 000 élèves fonctionnaires stagiaires, cela reviendrait à 1,5 à 2 milliards d’€/an. Nous pensons que c’est légitime et nécessaire si on veut rendre le métier enseignant plus attractif (le nombre de candidats aux concours du 2d degré a encore baissé de 4% cette année et les démissions explosent …). Mais est ce que le gouvernement va financer cela alors qu’il multiplie les coupes budgétaires ? Le budget 2025, adopté en force à coups de 49-3, baisse de plus de 1,5 milliards d’€ les financements des universités. 60 universités sur 75 sont en déficit cette année. Sorbonne Université, notre tutelle, est elle-même en déficit de 16 millions d’€ pour 2025 !
Nous craignons donc une fois de plus que les annonces n’aboutissent à rien d’autre que dégrader davantage la formation des enseignant-e-s et que le recrutement d’enseignants fonctionnaires soit sacrifié au détriment de la généralisation du recrutement d’enseignant-e-s contractuel-le-s, précaires et sous-payés.
Une fois de plus, ce seront les formatrices et formateurs, les BIATSS et les étudiant-e-s qui seront les victimes de cette politique. C’est bien une véritable maltraitance institutionnelle qui est mise en place par nos ministères respectifs, éducation nationale et enseignement supérieur. Nous devons donc refuser toute réforme bâclée et sous financée. Cela mènera à la mort progressive des Inspé. On voit déjà des sites fermer dans certaines académies car les universités n’ont plus les moyens de financer. Le site de Saint-Denis, à l’Inspé de Créteil va être fermé à la rentrée 2026 car l’université (UPEC) n’a plus les moyens de payer. Cela concerne 50 agents et des centaines d’étudiant-e-s. A Bordeaux, l’université a déjà fermé un des deux sites pour faire aussi des économies…
Nous ne voulons pas mourir à petit feu …
Depuis plusieurs années, nous alertons la direction de l’Inspé et de l’université de la situation de plus en plus dégradée de notre école. Il y a plus de 2 ans, suite à des alertes des syndicats, un audit avait été mené par le cabinet Sudperformance et le CHSCT. Des préconisations avaient été faites pour améliorer les choses. Mais au final rien n’a été fait, aucun suivi des mesures proposées. Et la situation s’aggrave : souffrance au travail, organisation générale défaillante, turn-over dans de nombreux services, risques psycho-sociaux qui explosent …
Un site cristallise cette situation : Batignolles. Les « grands » travaux ont été lancés en juin 2023 dans une précipitation suspecte, sans la moindre communication préalable aux personnels, et menés sans aucune cohérence dans le plus grand désordre et l’improvisation permanente. Après plus de 18 mois de travaux en site occupé, le résultat est une catastrophe. Il n’y a plus de restauration collective, les malfaçons s’accumulent. Les personnels ont pourtant tout fait pour maintenir le service aux étudiant-e-s dans des conditions de travail très dégradée. Et aucune prise en compte réelle de ces efforts pour les personnels : les primes promises (PIC surcroit d’activité) ont été distribuées au compte-goutte, dans la plus grande opacité, après plusieurs relances par les syndicats dans différentes instances (CSA, F3SCT, …). Les personnels de Batignolles n’en peuvent plus de cette situation.
La nouvelle prime CIA/P2I pour les BIATSS, comme nous le craignons, a aggravé les tensions. C’est d’ailleurs pour cela que tous les syndicats CGT, FSU, SUD, UNSA/SNPTES, CFDT sauf Réunis avaient voté contre cette prime au CSA. Les conseils de faculté des Lettres et Sciences et Ingénierie avaient aussi voté une motion refusant la modulation de cette prime. C’est une prime distribuée en toute opacité, à la tête du client, « modulable » sans aucun critère. Cela n’a pu que susciter un sentiment de frustration et d’injustice chez de nombreux collègues. A l’Inspé, la modulation a été particulièrement forte. Alors que dans certaines UFR, il n’y a pas eu de modulation et tous les collègues ont eu le niveau 4 (300€ pour un fonctionnaire de catégorie C, 400€ pour un B, 700€ pour un A et 1000€ pour tous les contractuels quelle que soit la catégorie). A l’Inspé, certains ont eu plus, d’autres moins sans que cela soit justifié. Deux agents de l’Inspé s’étaient même vu « non attribué » 0€ de CIA, en toute (incompétence ?) illégalité, avant que cela soit rectifié par les DRH facultaires …
Les successions de réformes de la formation, combinées à une gestion toxique de notre école, font que de nombreux collègues sont à bout. Les accidents du travail se multiplient (deux rien qu’à Batignolles en raison des travaux), et les arrêts maladie (par exemple, à la F3SCT, suite à notre demande, nous avons appris que 20 agents sur 25 à Batignolles ont été en arrêt maladie au cours de l’année 2024). C’est énorme et cela témoigne de problèmes structurels.
Nous avons appris mi-février dans un mail du directeur Alain Frugière que « La place de l’INSPÉ au sein de Sorbonne Université » allait être modifiée : « En présence de la présidente de Sorbonne Université qui a été invitée à la demande des représentants des personnels, le conseil de l’INSPÉ s’est prononcé à l’unanimité en faveur de la sortie de la Faculté des Lettres et du rattachement direct à Sorbonne Université. En accord avec nos élus, je vais vous proposer une réunion après les vacances d’hiver pour échanger sur ce point. »
La décision est prise et on va ensuite être consulté. C’est la méthode classique des réorganisations à Sorbonne Université, qui globalement ont des conséquences négatives.
Avant toute décision il nous semble qu’il aurait d’abord fallu procéder d’une autre manière :
• Etat des lieux des problèmes à l’Inspé, qu’est ce qui relève des problèmes liés au niveau facultaire ? Qu’est-ce qui relève du niveau universitaire (par exemple les travaux de Batignolles en sont un exemple dramatique) et qu’est ce qui relève des problèmes de la gestion interne de l’Inspé (l’audit Sudperformance avait mis en évidence de nombreux problèmes et fait des recommandations mais rien n’a été fait) ?
• Quelles seraient les conséquences du rattachement au niveau universitaire ? En terme de budget, de gestion RH ... ?
• Quelle articulation avec la refondation probable des Inspé avec la réforme annoncée de la formation des enseignants par Borne pour la rentrée prochaine ?
• Il aurait également fallu consulter les instances de l’université. La F3SCT et le CSA sont des instances obligatoires qui doivent être consultées pour l’élaboration des projets mais comme d’habitude la direction les court-circuite.
Pour nous ce projet de réorganisation est apparu publiquement très tardivement à l’occasion du projet d’établissement 2025/29 voté en force au CA de janvier. Nous nous sommes exprimés publiquement, comme d’autres syndicats (Sud, UNSA, FO) contre ce projet délétère pour les personnels.
Pour nous, voter puis consulter les collègues, revient à du foutage de gueule !!!
On a l’impression que tout le discours disant que « les problèmes viennent de la faculté et on retrouvera le temps béni de l’IUFM en se rattachant à l’université » est juste un vaste enfumage et évite de voir et régler les nombreux problèmes qui existent au sein même de l’Inspé.
Ce n’est pas un quelconque rattachement à n’importe quel niveau qui réglera les RPS, les problèmes de management, la désorganisation de l’Inspé ...
Alors que la direction de l’université multiplie les mutualisations de service et ne cesse de supprimer des postes, comment croire que cette réorganisation sera différente ? Les garanties orales (avec le sourire) et promesses démagogiques de la présidente Nathalie Drach Temam ne nous donnent aucune confiance dans la suite. La méthode, est toujours la même : "les promesses n’engagent que ceux qui y croient".
Pour justifier cette réorganisation, le conseil d’école s’appuie sur le rapport de l’HCERES qui « s’étonne du positionnement actuel de l’INSPÉ au sein de la Faculté des Lettres et recommande de réexaminer le positionnement institutionnel de l’INSPÉ en son sein ». Pourtant ces rapports, comme ceux de la Cour des Comptes d’ailleurs, sont systématiquement utilisés par nos directions pour justifier les baisses de crédits, les coupes budgétaires, les réductions d’effectifs, etc... Nous n’oublions pas que c’est l’HCERES qui soutient la "liquidation" d’une bonne partie des formations en Sciences Humaines et Sociales fustigées par son dernier rapport.
Lors de ce dernier conseil, la présidente de SU, Nathalie Drach Temam a d’ailleurs clairement posé les enjeux : « Travailler le budget directement entre la présidence et l’INSPE permettra d’identifier très précisément ce qui est propre à l’INSPE et ce qui peut être mutualisé ». Mutualiser... Action qui consiste à regrouper des moyens financiers, humains, organisationnels, etc., pour optimiser l’efficacité d’une procédure ou diminuer les coûts d’un projet. Rien ne vous choque ? Pas de souvenir de l’UPMC/P6 qui a siphonné l’ensemble du fond de roulement de P4 dès la fusion actée ? Nous craignons que cela se traduise également par des restructurations et des suppressions de postes.
Nous ne sommes ni pour ni contre le rattachement au niveau U, mais celui-ci devrait être étudié et présenté aux personnels avant toute décision.
Cette réorganisation ne va pas impacter que les services de l’Inspé. Quelles conséquences au niveau des services facultaires ? Par exemple sur la gestion RH. Quelles conséquences sur les services du niveau U ? Quels moyens pour gérer le budget, la gestion RH ? Par exemple il n’y a aucune gestion des personnels enseignants au niveau U. Quid donc du rattachement de 150 enseignants au niveau U. Comment vont-ils être gérés ? Lorsque l’on a posé la question au CSA de janvier 2025, la présidente nous a répondu « que c’était une bonne question » ! « Et qu’on pouvait imaginer que les BIATSS soient gérés au NIF, les enseignant-e-s de Lettres, SHS, langues … pourraient dépendre de la DRH de la faculté des lettres et les enseignant-e-s de sciences (Maths, Physique-chimie, SVT) eux dépendraient de la fac de sciences et Ingénierie » (donc de Jussieu) ! Quelle vaste usine à gaz et cela ne va pas simplifier les choses mais au contraire les complexifier. C’est un peu comme les promesses de la fusion P4/P6 en 2018 qui devait simplifier et finalement aboutit à un gigantesque « paquebot ivre » !
Contrairement à ce que laisse entendre la direction, de nombreux collègues ont des interrogations sur l’avenir de l’Inspé. Il faudrait au moins essayer de les entendre.
Face à toutes ces menaces, il est essentiel que les personnels se rassemblent pour discuter, exiger des informations. Il faut que les instances représentatives des personnels au niveau de SU (CSA, F3SCT) soient informées et consultées.
Aucune réorganisation, aussi bien au niveau national qu’au niveau local, ne peut se faire sans les personnels. L’Inspé ne doit pas être bradée !
Il faut arrêter de subir mais agir.
Participons aux réunions d’information syndicales. Mobilisons-nous pour défendre le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche le 11 mars.
Et préparons d’autre initiatives. L’Inspé et ses personnels veulent vivre et pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
cgt@sorbonne-universite.fr
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