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jeudi 30 janvier 2025

Page web du Syndicat CGT FERC Sup de l’Université Lyon 2

Communiqué à propos du HCERES et des (auto-)évaluations

Actuellement, les agent.es de l’Université Lyon 2 sont mobilisé.es dans un processus « d’auto-évaluation » des formations et de certains laboratoires de recherche, à la demande du Haut Comité de l’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES). La CGT Lyon 2 souhaite exposer sa position et ses revendications à l’égard du HCERES et des évaluations.

Le HCERES : une gouvernance douteuse

Le HCERES est une autorité publique indépendante, créée par la « loi Fioraso » en 2013. Comme son nom l’indique, il a pour mission d’évaluer la recherche (laboratoires) et l’enseignement supérieur (diplômes). Son président est nommé par le Président de la République sur proposition du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Dans les faits, le bon plaisir du prince de l’Elysée semble avoir prévalu sur les procédures du ministère : le précédent président de l’HCERES (2020-2023) était Thierry Coulon, ancien conseiller scientifique d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République (2017-2020). A ce titre, il était partie prenante du processus de recrutement du HCERES qui a donc débouché sur le succès de sa propre candidature : après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Le prudent Collège de Déontologie du ministère avait lui-même tiqué sur les conditions de cette nomination.

Actuellement, la présidence du HCERES est vacante depuis plusieurs mois, celle-ci étant assurée par intérim par son secrétaire général. Le prochain président pressenti est Michel Deneken, prêtre et professeur de théologie à l’Université de Strasbourg, soit deux titres universitaires indispensables pour évaluer la qualité des productions et formations scientifiques françaises, à n’en pas douter. Michel Deneken est par ailleurs président de l’UDICE, une association de 13 universités françaises dites « de recherche » (les autres apprécieront), ce qui signifie en clair : les universités les plus grosses, bénéficiaires des financements « d’excellence » (Idex, PIA...), fusionnées ou regroupées en établissement public expérimental (EPE, Lyon 1 étant l’exception), et surtout pas dominées par les lettres, les sciences sociales et les humanités. Bref, la « vraie » science, celle de la recherche « d’excellence », dont Michel Deneken a été un promoteur zélé à l’Université de Strasbourg depuis 2009 (ses deux mandats de président suivaient deux mandats de premier vice-président, il est un parfait bureaucrate universitaire).

Outre son président, l’HCERES est dirigé par un collège de 30 personnes. Notons parmi la présence du collège actuel le député Philippe Berta, ancien rapporteur de la Loi pour la programmation de la recherche (LPR) en 2020, mais encore de Cathie Vix-Guterl, directrice R&D du groupe Total, soit deux personnalités là encore sans nul doute hautement qualifiées pour évaluer nos universités.

Une autorité d’évaluation... mal évaluée et inutile

Le HCERES dispose d’un budget annuel de 24 millions d’euros environ, soit trois fois le déficit anticipé de l’Université de Lyon 2 pour la fin de cette année 2025. L’indemnité annuelle du président du HCERES s’élève à 80 000 euros, ce qui explique les appétits des uns et des autres pour s’y recaser.

Le faste de ces dépenses récompense un travail pourtant critiqué par la Cour des comptes dans un référé de 2021. Le rapport pointe en effet des procédures d’évaluation bureaucratiques, à l’aide « de référentiels très normés et de procédures particulièrement longues ». En moyenne, l’évaluation d’un établissement coûte 33 000 à 50 000 euros, et d’un laboratoire environ 11 000 euros !

Au total, selon la Cour des comptes, les évaluations du HCERES « peinent à participer à l’élaboration ou à la mise à jour d’une politique nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche » : en clair, le HCERES ne sert strictement à rien !

Si le constat de la Cour des comptes est lucide, ses recommandations sont désastreuses. La CGT, force de proposition toujours constructive, en propose une bien plus simple, efficiente et logique : la suppression du HCERES. Ce sont de belles économies en perspective à redéployer vers les universités, et du travail bureaucratique absurde en moins pour les collègues.

L’auto-évaluation ne pose pas les bonnes questions

La CGT Lyon 2 estime qu’une discussion collective est toujours souhaitable sur nos formations, nos méthodes pédagogiques, nos recherches et nos pratiques scientifiques. Dans le rythme effréné du quotidien de travail qui est le nôtre, ce recul réflexif et ce temps de débat sont bien trop rares. Si l’auto-évaluation permettait d’enclencher cette discussion, elle aurait alors une certaine utilité : tant mieux si des collègues y parviennent. Mais l’absurdité des référentiels bureaucratiques imposés par l’HCERES sont loin de rendre cela possible, et renforce au contraire la dépossession des personnels de l’Université du sens de leur travail par les injonctions de la bureaucratie néolibérale.

Ainsi, le HCERES demande que soit fournie pour chaque formation « une analyse de type SWOT [strenghts, weaknesses, opportunities and threats] synthétisant les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces identifiées » : la pauvreté intellectuelle de ce prêt-à-penser pour consultants ferait sourire si celui-ci ne tenait pas lieu de méthode d’évaluation de nos universités.

Quiconque a ouvert la « trame d’évaluation » fournie par le HCERES, qui se présente sous la forme d’un tableur composé de plusieurs dizaines de lignes d’indicateurs à compléter, pourra éprouver la déconnexion de cette (auto-)évaluation avec les nécessités matérielles et les contingences pratiques qu’éprouve aujourd’hui une université française comme Lyon 2.

Par exemple, le tableur demande que l’on renseigne des informations relatives au fait que « La formation propose des modalités d’enseignement variées, dont des enseignements entièrement ou partiellement à distance, pour faciliter l’accueil et l’accompagnement de ses différents publics ». Ou encore, il faut indiquer en quoi « La formation prépare à l’insertion professionnelle et à l’entrepreneuriat au cours du cursus ».

Dans cette myriade d’indicateurs, seule une infime minorité pose la question pourtant cruciale des moyens. Parmi les questions qui ne figurent pas dans la trame du HCERES, mais que tout le monde se pose aujourd’hui à l’université : combien d’enseignant.es titulaires et précaires dans chaque département ? Combien de gestionnaires de scolarité dans chaque composante ? Combien de gestionnaires financiers dans chaque laboratoire ? Combien d’étudiant.es par groupe de TD ? Quels sont les budgets disponibles pour développer des projets pédagogiques ? Combien d’heures le référentiel attribue aux enseignant.es pour gérer les diplômes dont ils et elles ont la responsabilité ? Les outils et processus de gestion sont-ils adaptés aux besoins de l’administration ?

Pour le HCERES, tout cela semble secondaire, alors que pour nous, c’est l’essentiel.

Les revendications de la CGT

Les personnels de l’université sont ainsi confrontés à une impasse : soit accepter la charge de travail accrue que représente l’auto-évaluation, la plupart du temps sans moyens supplémentaires dédiés, et sans aucune reconnaissance matérielle ou symbolique, au détriment des missions fondamentales de l’université (l’enseignement et la recherche, le suivi des étudiant.es) ; soit en cas de refus d’obtempérer, s’exposer à des sanctions individuelles dans les services, ou à un retour de bâton pour l’Université Lyon 2 ou pour certaines de ses composantes lors du prochain processus d’accréditation des diplômes.

La CGT revendique donc la suppression de l’HCERES et des politiques d’évaluation néo-managériales du service public, pour privilégier la mise en place d’institutions délibératives, collectives et démocratiques sur les pratiques et les finalités de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Si l’Université, prise dans un rapport de force défavorable et fragilisée dans ses missions par les politiques gouvernementales, fait le choix de se plier à l’injonction d’évaluation du HCERES, alors nous incitons nos collègues à répondre a minima aux demandes du HCERES pour prioriser les missions de service public de l’Université. Nous souhaitons bon courage à chacun et chacune mobilisé.e dans cet exercice fastidieux.

Dans tous les cas, nous appelons la direction de Lyon 2 à respecter ses obligations légales en termes de droit du travail et de prévention de la souffrance au travail, et en particulier des risques psycho-sociaux, en veillant à adapter la charge de travail aux moyens disponibles, en quantifiant puis en rémunérant le travail supplémentaire, sans l’imposer, et en proposant une organisation du travail claire et propice aux bonnes relations de travail dans les équipes.

La CGT Lyon 2