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vendredi 27 juin 2025

Université Grenoble Alpes (UGA)

Secret médical : quand le président s’en(m)mêle

Suite au mail du président de l’UGA à tous les personnels au sujet des accidents du travail / maladies professionnelles, nous tenons à apporter certaines précisions et rectifications. En effet, certains des éléments apportés et annoncés comme « factuels » sont contradictoires avec notre message du 17 juin ; nous apportons donc ici des preuves que le « factuel » est ici de notre côté.

Extrait du mail du président :

« L’article 7 de l’ordonnance n°2020-1447 du 25/11/2020 permettait l’accès par l’administration, sous conditions strictes, à certains éléments médicaux dans le cadre de l’instruction des dossiers. Sur cette base, des agents soumis au secret professionnel, ont pu avoir accès à des informations du dossier médical à des seuls fins de transmission au conseil médical ou aux médecins agréés en charge de l’instruction des dossiers, conformément à l’ordonnance susmentionné.

Ces agents ont été amenés à traiter ces informations afin de faciliter la gestion des dossiers et améliorer le service rendu aux déposants. Ils bénéficient, toutes et tous, de la pleine confiance et du soutien de l’établissement. »

Réponse de la CGT :

Nous prenons acte et approuvons pleinement ce soutien de l’établissement exprimé à ces agents, par le président. La conséquence directe de cette confiance et de ce soutien, est que le président endosse la pleine responsabilité des actions accomplies et décisions prises par ces agents sous son mandat.

« Factuellement », nous constatons aussi qu’aucun soutien n’est apporté dans ce message du président aux agent·es directement concerné·es par ces violations du secret médical.

Extrait du mail du président (souligné par nous) :

« L’article en question a fait l’objet d’une censure de la part du conseil constitutionnel en juin 2021. Suite à l’alerte d’un agent, et dès la connaissance de l’application erronée des dispositions réglementaires, l’UGA a modifié sa procédure afin de se mettre en conformité, de manière à ne plus permettre l’accès par les agents administratifs à des informations soumises au secret médical. »

Réponse de la CGT :

Reprenons la chronologie précise, telle que nous l’avions énoncée dans notre communication du 17 juin, mais cette fois-ci avec des éléments de preuve (« factuels »).

  • Le 11 avril 2025, suite à de longs mois ponctués de nombreux échanges, de demandes d’une agente, de procédures, d’observations sur le registre SST, la CGT envoie un mail à la DGDRH et à la VPRH (mail en annexe), reprenant les différentes réponses apportées par l’administration, et apportant tous les éléments notamment la décision du Conseil constitutionnel déclarant contraire à la constitution l’article de l’ordonnance citée par les services de l’UGA. Le 17 avril, il nous est signalé en réponse que ce mail est transmis « à la DRH ».
  • Le 2 mai 2025, le président du conseil départemental de l’ordre des médecins envoie un courrier au président de l’UGA, lui demandant de « [le] tenir informé des actions entreprises par [son] université pour que le secret médical soit respecté » (cf courrier en ligne).
  • Le 12 mai 2025, la DGDRH répond à notre mail (réponse en annexe), sans proposer d’apporter des modifications de la procédure pour respecter le secret médical, mais seulement « d’ajouter dans les informations disponibles sur Intranet mais également sur les annexes des déclarations d’AT et de MP, des éléments sur l’usage des documents médicaux et leur stockage » et « la mise en place d’une attestation », c’est-à-dire de mieux informer sur la procédure existante.
  • Le 13 mai 2025, ces mêmes éléments de réponse sont proposés en F3SCT (ajout d’informations et mise en place d’attestations), toujours sans proposition de modification de la procédure allant dans le sens du respect du secret médical.

Chacun jugera à quel point cette chronologie, sourcée, est compatible avec l’affirmation du président selon laquelle « dès la connaissance de l’application erronée des dispositions réglementaires, l’UGA a modifié sa procédure afin de se mettre en conformité, de manière à ne plus permettre l’accès par les agents administratifs à des informations soumises au secret médical ».

Extrait du mail du président :

« Le traitement de ses informations est réservé à la médecine du travail dans le strict respect des dispositions en vigueur. Cela a pu être rappelé lors de la F3SCT du 13 mai 2025 et la nouvelle procédure, travaillée en concertation avec les médecins du service de Santé au Travail, sera présentée aux représentants des personnels lors de la F3SCT du 10 juillet 2025. »

Réponse de la CGT :

Nous nous réjouissons que l’UGA décide enfin de se mettre en conformité, et nous serons attentifs à la procédure présentée en F3SCT le 10 juillet.

Nous exprimons notre soutien aux agents qui subissent ces pratiques mais aussi à ceux qui sont en conflit de valeurs dans leur travail ou qui subissent une organisation du travail délétère. Nous rappelons qu’en tant qu’agents publics nous avons des obligations morales, de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité et d’égalité de traitement (articles L121-1 et 2 du code général de la fonction publique). Nous rappelons que l’agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (L121-10). Nous sommes disponibles et à l’écoute des agents subissant des pressions ou des ordres manifestement illégaux.

Rappelons aussi que la collectivité publique est tenue de protéger l’agent public contre les atteintes volontaires à l’intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (L134-5).

Ces événements ne doivent pas dissuader les agents de déclarer les accidents de travail et maladies professionnelles. Le but de nos alertes est de faire respecter les droits des personnels, et de faire évoluer les pratiques, afin qu’elles deviennent conformes à la réglementation, dans l’intérêt général.

Annexe - mails complets par ordre chronologique

1. Le 11 avril 2025, mail de la CGT à la DGDRH / VPRH

Bonjour,

Nous souhaitons vous alerter sur des pratiques qui nous paraissent problématiques au sein de l’UGA, en ce qui concerne la procédure de gestion des demandes de reconnaissance de congés pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS).

En effet, nous avons pu constater dans le cadre de cette procédure à l’UGA un non respect du secret médical par l’administration de notre université : les rapports d’expertise des médecins agréés arrivent sous enveloppe cachetée, avec mention « secret médical », et sont destinés à des médecins, et donc soumis au secret médical. Or nous avons constaté que ces enveloppes étaient décachetées et que les rapport d’expertise complets étaient scannés par l’administration (service DGDRH-DES) et accessibles sur les serveurs et ordinateurs des agents du service DGDRH-DES, sans que les personnes concernées n’en soient informées, et sans leur accord. Les agents de ce service DGDRH ne sont pas des médecins ni des professionnels de santé. Les agents qui gèrent les serveurs ont donc aussi potentiellement accès à ces données, et ils ne sont pas médecins non plus.

Il est stipulé dans le guide fonction publique :

« Dans tous les cas, L’administration qui fait procéder à expertise médicale doit, lorsqu’elle saisit le médecin agréé, lui préciser que seules les conclusions de cette expertise doivent lui être transmises et que le rapport complet d’expertise doit être transmis sous enveloppe cachetée indiquant clairement « pli confidentiel – secret médical ». »

Nous insistons sur le fait qu’il s’agit bien des rapports complets contenant tous les détails médicaux et personnels, et sur le fait qu’il s’agit d’un service de ressources humaines, et non du service de médecine du travail. Nous précisons aussi que plusieurs personnes ont constaté ces faits, qui semblent généralisés d’après les réponses de l’administration.

En effet, lorsque les personnes ont demandé des explications, l’administration leur a donné les réponses suivantes (voir ci-dessous) :

Question : « Est-ce que la lettre avec des données médicales et destinées aux médecins du conseil médical a bien été versée au dossier conservé par la direction de l’environnement social ? Cela relève-t-il de la procédure normale ? »

Réponse : « Oui, le document a été ouvert et est conservé dans le dossier d’accident du travail géré par la Direction de l’Environnement Social. C’est la procédure normale car ce document est transmis à la Médecine du Travail de l’UGA (et en fonction des situations au Conseil Médical), à un autre médecin agréé ou au Ministère en cas de demande d’allocation temporaire d’invalidité.

Les agents de la DRH, et plus particulièrement les agents en charge des Accidents de travail / Maladies professionnelles sont soumis au secret professionnel.

Cette mesure de conservation des documents est valable dans le cadre des accidents du travail. Cela n’aurait pas été le cas en matière de maladie ordinaire. »

Question : « Sur le stockage de ce document numérique comportant des données médicales qui me concernent, ces données médicales sont-elles conservées localement sur un disque dur ou sur un serveur ? qui a accès au serveur ou au disque dur dur selon la réponse précédente ? »

Réponse : « Les données sont conservées sur le serveur UGA de la direction de l’environnement social avec les autres éléments du dossier de l’agent. L’accès au dossier est possible par les 2 agents gestionnaires des accidents du travail et par la direction de la Direction de l’Environnement Social uniquement.

Enfin, vous nous interrogez sur le respect de la confidentialité des plis avec mention du secret médical.

Les agents en charge de l’instruction des dossiers d’accident du travail numérisent les éléments d’expertise médicales dans votre dossier afin de le transmettre pour information au service de médecine du travail et au conseil médical le cas échéant.

L’ordonnance n° 2020-1447 du 25/11/2020 et notamment l’article 7 précise « Nonobstant toutes dispositions contraires, peuvent être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs placés auprès de l’autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision et dont les agents sont tenus au secret professionnel, les seuls renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l’examen des droits définis par le présent article. »

Ce compte-rendu n’est pas diffusé à d’autres personnes que le corps médical. »

Cependant, l’ordonnance n° 2020-1447 du 25/11/2020 et notamment l’article 7 a été jugée anticonstitutionnelle et annulée par le conseil constitutionnel.

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021917QPC.htm

Nous nous sommes renseignés auprès de médecins et auprès de collègues d’autres universités, leurs retours étaient unanimes, d’après eux ces pratiques ne sont pas conformes.

Par la présente, nous vous demandons de mettre fin à ces pratiques immédiatement. Nous demandons à ce que les documents relevant du secret médical soient supprimés des serveurs et des ordinateurs de l’UGA et que les documents papier soient remis dans des enveloppes cachetées (ou détruits si il s’agit de copies). Nous demandons aussi des explications concernant ces pratiques (depuis quand elles ont lieu, quels documents sont concernés, l’ouverture de ces documents est elle systématique ou concerne elle seulement certains personnels, etc...). Nous attendons des garanties sur l’arrêt de ces pratiques ainsi qu’une information transmise à toutes les personnes qui ont subi cette violation du secret médical.

Cordialement,

La CGT Université de Grenoble

2. Le 12/05/2025, réponse (anonymisée) de la DGDRH à la CGT

Bonjour

Pour faire suite à la réponse apportée sur le registre SST déposé par [l’agente concernée], veuillez trouvez ci après la réponse à votre mail.

Cordialement

La DGDRH

Les gestionnaires de l’UGA sont confrontés à la problématique de concilier les exigences du secret médical et celles du traitement administratif du dossier en matière notamment de l’imputabilité au service.

La décision d’admettre ou de refuser une imputabilité relève uniquement de l’administration et non du pouvoir médical ou du conseil médical.

Cette compétence implique que l’administration puisse s’appuyer sur un dossier contenant des éléments tant administratifs que médicaux.

La jurisprudence en matière de conservation des expertises médicales dans la fonction publique repose principalement sur l’équilibre entre ces deux principes :

  1. L’obligation pour l’administration de disposer des éléments nécessaires à la gestion du dossier de l’agent.
  2. Le respect de la vie privée et des données sensibles de santé, protégé notamment par le RGPD et les règles applicables au sein de l’UGA.

La conservation des documents médicaux des agents publics est autorisée tant qu’elle est strictement nécessaire à la gestion de leur situation administrative, conformément aux principes de proportionnalité et de limitation de la durée de conservation des données personnelles. (RGPD – art. 9 : les données de santé sont des données sensibles, soumises à des garanties renforcées)

Dans le cadre de son pouvoir de décision, et conformément à l’article 47-4 du Décret n°86-442 du 14 mars 1986, l’administration qui instruit une demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service peut faire procéder à une expertise médicale du demandeur par un médecin agréé.

Dans ce cadre, et conformément au code de la santé publique, le médecin agréé mandaté envoie à l’administration ses conclusions sur la situation qui lui est soumise.

Les éventuels développements relatifs à l’état de santé de l’agent, compte rendu d’observations ou rapport détaillé d’expertise médicale, sont transmis sous pli confidentiel cacheté qui sera, si le conseil médical est saisi, transmis au conseil par l’administration. Ce document pourra également être transmis à un médecin agréé saisi dans le cadre du suivi du dossier de l’agent mais également au Ministère en cas d’Allocation Temporaire d’Invalidité ou au service des Retraites en cas de Retraite pour invalidité imputable au service.

Il s’avère malheureusement que les gestionnaires en charge du traitement des dossiers de CITIS reçoivent sans qu’ils en fassent la demande, l’entier rapport d’expertise sous pli confidentiel et ce n’est qu’après ouverture que le gestionnaire découvre s’il dispose des conclusions administratives seulement ou de l’entier rapport. Les médecins agréés ne respectent pas l’obligation qui leur est faite de transmettre à l’administration deux plis séparés, d’une part les conclusions administratives, d’autres part le rapport d’expertise.

Il n’est de sorte pas envisageable de saisir le conseil médical à chaque fois qu’un médecin agréé adresse à l’administration un pli confidentiel. La garantie pour les agents d’un traitement rapide ne serait pas respectée.

L’expertise par médecin agréé est effectivement prévue avant la saisine du conseil médical, pour aider l’administration dans sa prise de décision. Si le médecin agréé ne respecte pas son obligation, l’administration ne peut être tenu pour responsable de ce manquement.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision nº 2021-917 QPC du 11 juin 2021, effectivement déclaré inconstitutionnelles les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance nº 2020-1447 du 25 novembre 2020.

Il résulte de cette décision que ces dispositions ont été déclarées inconstitutionnelles en tant qu’elles " autorisent des services administratifs à se faire communiquer par des tiers les données médicales d’un agent sollicitant l’octroi d’un CITIS. Cette décision est néanmoins sans incidence sur l’obligation faite à un agent de transmettre de lui-même à son administration, conformément aux dispositions précitées de l’article 47-2 du décret du 14 mars 1986 précité, le certificat médical le concernant et indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l’accident, s’il souhaite obtenir le bénéfice d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service. Il en est de même de la réception par l’administration de façon fortuite des rapports d’expertise du médecin agréé.

La circonstance que l’administration dispose du pouvoir de diligenter une enquête administrative ou de faire procéder à une expertise médicale, si elle s’estime insuffisamment informée, permet en partie d’écarter les dispositions précitées.

Néanmoins, l’obligation de secret professionnel impose de ne pas divulguer les faits secrets intéressant les particuliers et connus dans le cadre de certaines fonctions (CGFP art L 121-6).

C’est le cas notamment des renseignements concernant les personnes, acquis par les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions ; la jurisprudence à d’ailleurs étendu cette obligation à des « confidents nécessaires », tels que sont les représentants syndicaux dans le cadre de leur fonction.

Dans ce cadre-là, l’UGA accorde une protection particulière pour garantir non seulement le droit au respect de la vie privée de ses agents mais également le droit à un traitement rapide et efficient de leur demande de CITIS.

Le but de la procédure de traitements des dossiers de CITIS par l’UGA étant de s’assurer que l’agent remplit les conditions fixées par la loi pour l’octroi de ce congé et, en particulier, qu’aucun élément d’origine médicale n’est de nature à faire obstacle à la reconnaissance de l’imputabilité de l’accident ou de la maladie au service.

Le traitement des données est donc assuré de façon sécurisée par les dispositions mise en place par l’UGA et garantissant effectivement la protection des données conformément au RGPD, dans le cadre de la transmission ou de la conservation des données sensibles.

Afin de garantir une information la plus transparente possible aux agents, il est proposé, en réponse à votre demande :

 d’ajouter dans les informations disponibles sur Intranet mais également sur les annexes des déclarations d’AT et de MP, des éléments sur l’usage des documents médicaux et leur stockage

 la mise en place d’une attestation complétée par chaque agent qui nous transmet des éléments médicaux. Cette attestation informerait l’agent du lieu de stockage, ainsi que les personnes ayant accès aux documents et que ceux-ci peuvent être transmis au Conseil Médical, au médecin agréé, au médecin du travail, au service des retraites ou au Ministère.