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mercredi 22 avril 2015

Solidarité avec les étudiants kényans et leurs familles

Le Bureau national de la CGT FERC Sup, réuni le 17 avril 2015, exprime sa profonde et totale indignation face au violent attentat particulièrement meurtrier, commis par un commando du mouvement islamiste somalien Al-Shebab, qui a ensanglanté le campus universitaire de Garissa au Kenya, le 2 Avril 2015, et s’est soldé par 150 morts, dont 142 étudiantes et étudiants, et quelques 80 blessés. Elle tient à assurer en ces instants tragiques le peuple kényan de toute sa sympathie solidaire dans le deuil cruel qui le frappe.

Dénoncer la barbarie en toutes circonstances

L’université de Garissa est la seule université de la province du Nord-Est du Kenya, un territoire plus vaste que la Grèce. Ce crime barbare a manifestement pour objectifs, outre semer la mort et la terreur, de mener une offensive radicale violente et obscurantiste contre les valeurs fondamentales telles que la liberté d’expression, le savoir, l’enseignement et la recherche, la culture, les Lumières, en somme. Massacrer des jeunes femmes et des jeunes hommes, les assassiner dans les conditions inhumaines décrites par les survivants, c’est aussi la volonté fanatique de créer la désespérance au sein du tissu social kényan ; la jeunesse n’est-elle pas l’avenir d’un peuple ? Au-delà des considérations géopolitiques locales, abattre des étudiantes et des étudiants sur un campus universitaire, lieu d’acquisition et d’élaboration des savoirs qui rendent possible l’émancipation des peuples c’est, comme la destruction des traces de l’histoire des hommes, un avertissement à l’humanité dans son ensemble qui est à nouveau lancé.

Et pourtant, pour les médias comme pour les politiques qui nous gouvernent, une barbarie semble chasser l’autre, voire l’occulter parfois comme on a pu le constater pour la tuerie de l’université de Garissa. Pas de marche ni de veillée de masse place de la République en solidarité avec les victimes, aucune manifestation d’envergure. Les réactions officielles, politiques ou syndicales, ont été réduites à la portion congrue. Les chaînes de télévision si promptes à ouvrir des éditions spéciales déversant une information à jet continu qu’elles n’hésitent pas à entretenir, ont réagi bien timidement, voire parfois tardivement ou seulement en fin de journal.

"L’esprit du 11 janvier" dont se prévalait à cor et à cris le président de la République s’est-il dissous dans le sang de ces jeunes gens parce qu’ils sont africains ? Reliquat d’une certaine culture coloniale du mépris et de l’indifférence ?

Comme le laisse percevoir un blogueur : "Oubliées derrière le nombre, les ombres de Garissa".

Le résultat de la logique implacable du chaos

Notre émotion, bien légitime, ne doit cependant pas empêcher de s’interroger sur les causes de tels actes de barbarie. Les analyses, les réflexions, ont été aussi indigentes et rares que l’indignation à géométrie variable manifestée ces derniers jours.

La mouvance Al-Shebab, proche d’Al-Qaïda (soutenue par l’Arabie Saoudite, alliée des USA) dans la péninsule islamique (Aqpa), exporte ses exactions vers le Kenya en réaction à l’intervention régulière de l’armée kényane en Somalie depuis 2011.

Comment en est-on arrivés là ?

Les causes historiques sont multiples et complexes mais portent un nom : les impérialismes.

À l’origine du chaos somalien actuel, il y a l’instauration par un coup d’État de la seconde république de Siyaad Barre en 1969, soutenue tout d’abord par l’URSS, puis à partir de 1977 par les États-Unis. Le point d’orgue a lieu en 1992 avec l’opération militaire US, Restore Hope, menée au nom du prétendu « droit d’ingérence humanitaire ».

Des décennies de guerre vont s’en suivre et plonger les populations somaliennes dans une pauvreté extrême (famine de 2011), déstructurer l’État et les institutions, laissant place aux violences (montée de l’islamisme radical) et aux trafics en tous genres. Là aussi, comme en Irak, en Lybie, en Syrie, aujourd’hui au Yémen, la logique de la désintégration des États et du repartage du monde par l’impérialisme a prévalu avec son cortège de ruines, de meurtres de masses, de guerres civiles méticuleusement entretenues afin de dresser les peuples, voire les populations, les uns contre les autres à des fins de tribalisations religieuses ou ethniques. Il s’agit bien d’une stratégie reposant sur la « logique du chaos ».

Comme l’écrit Michel Raimbaud, ancien ambassadeur de France, « les États-Unis n’ont qu’une logique : celle du chaos ».

La CGT salue la lutte des travailleurs des pays coloniaux • Affiche Septembre 1955

Le Kenya, quant à lui, héritage du colonialisme oblige, demeure miné par des conflits entre les communautés et par une situation économique désastreuse sous perfusion impérialiste.
En outre, le gouvernement kényan tend à s’impliquer de plus en plus depuis 2002 comme auxiliaire militaire « contre le terrorisme » aux côtés d’Israël et des USA.

Les horreurs perpétrées par Al-Shebab au Kenya, et sur le campus de Garissa en particulier, relèvent des mêmes symptômes qu’au Moyen-Orient, en Afghanistan, en Ukraine, etc.
Elles annoncent la même suite macabre des agressions impérialistes sur le continent africain qui ont pour dessein la désintégration des États et des nations sur des bases tribales, ethniques et religieuses à des fins de pillage et d’oppression.

Il ne faut pas se leurrer : il ne s’agit en aucun cas d’un conflit entre civilisations. S’il y a bien une crise, c’est celle de l’impérialisme et du capitalisme dans sa variante financière jusqu’au-boutiste lequel procède en ce début de siècle à un nouveau partage du monde sous la houlette de l’impérialisme américain. Cette entreprise a un prix, le prix fort : désintégrations des États existants, ruines économiques et pauvreté extrême, exils, migrations forcées des peuples, massacres, misère sociale. Un simple rappel s’impose : il y plus de réfugiés dans le monde aujourd’hui que pendant toute la seconde guerre mondiale !

Les divers agissements spectaculaires et criminels d’organisations fanatiques et obscurantistes ne sont que des exécutants de basses œuvres destinés à déstabiliser les États et servir d’alibi aux diverses interventions « humanitaires » de l’impérialisme américain et de ses alliés occidentaux afin de créer un immense big-bang, au Moyen-Orient notamment. Les Talibans, à l’origine, ont été armés et financés par les USA pour contrer la pénétration militaire de l’URSS en Afghanistan dans les années 80 du siècle dernier. De même aujourd’hui, le soi-disant califat en Irak est en fait lui aussi une créature surarmée US comme l’avoue la candidate démocrate aux présidentielles américaines Hillary Clinton dans son livre Hard Choices, Le Temps des décisions.

De même, on peut assister à des renversements d’alliances stupéfiants : les terroristes d’hier deviennent soudain fréquentables : le parti des travailleurs kurdes (PKK) et les Kurdes sont appelés à la rescousse contre Daesch, Al-Quaïda au Yemen contre les chiites.

Comme on le voit la logique implacable du chaos n’a rien à voir avec le soi-disant choc des civilisations. Il s’agit manifestement d’une stratégie destinée à faire sombrer les peuples dans « les eaux glacées du calcul égoïste » (Marx) pour déboucher sur un nouvel ordre qui n’a rien à envier à la Pax Romana que le rétheur grec, Dion de Pruse, définissait comme une « Paix dans la servitude » !

La CGT FERC Sup est solidaire des étudiants kényans et du peuple kényan.