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Menu ☰Accueil > Les dossiers > Luttes en cours > Enseignement supérieur et recherche > Revoyure LPR 2025 - les revendications de la CGT
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La situation de la recherche en France et plus largement en Europe est inquiétante.
Les constats de recul sont faits depuis les dernières décennies : le recrutement des enseignant.es-chercheur·ses a baissé de 10% quand le nombre d’étudiants augmentait de 15% en quinze ans, la part des publications de la France a baissé d’un quart dans le corpus total (rapport 18 février 2025 de l’observatoire des sciences et techniques du HCERES), passant du 6e rang mondial en 2010 au 13e rang en 2022, 2/3 des bâtiments sont dans un état de délabrement avancé, 30% des enseignements sont assurés par 170 000 vacataires ultra-précaires (l’équivalent de 30 000 postes), les salaires ont perdus 30% de leur pouvoir d’achat en 25 ans, etc.
Le besoin d’investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche est unanimement reconnu : un des 3 axes principaux proposés dans le rapport Draghi sur la compétitivité européenne pour réformer et relancer la croissance durable est « Innover et combler le retard technologique ». Une de ses propositions phares est d’Accroître l’innovation en doublant le budget du programme-cadre de recherche et d’innovation pour le porter à 200 milliards d’euros sur 7 ans.
La loi de Programmation de la Recherche, initiée en 2019, combattue par la communauté scientifique, a été adoptée en 2020, imposant une nouvelle fragilisation de l’édifice statutaire. Pour le reste, les quelques 3 à 4 milliards sur cinq ans, annoncés tambour battant, ont en fait, été immédiatement mangés par l’inflation. Le protocole social adossé à la LPR n’a pas non plus freiné la perte d’attractivité des carrières de la recherche (techniciens, ingénieurs, chercheurs) : le nombre de candidats aux concours est passé de 8 à 4 candidats par poste.
La dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD) en % du PIB a augmenté de 0 % en France entre 1996 et 2021, soit un pénible 2,2% du PIB. Durant la même période, l’augmentation en Allemagne a été de 46 %, aux USA de 43 %, en Chine de 329 % et pour l’ensemble de l’OCDE l’augmentation est de 23 %.
Pour la CGT, la clause de revoyure de la LPR n’a de sens que si elle s’inscrit en rupture de la LPR de 2020. C’est ce que détaille cette contribution.
En 20 ans les dividendes du CAC 40, distribués aux actionnaires, ont augmenté de 269%. Le chiffre d’affaires global de ces entreprises a augmenté (+74 %) ainsi que leur profit (+77%). En 2024, les groupes du CAC 40 ont versé des coupons pour un total de 72,8 milliards d’euros en hausse de 8,5% sur un an. Pourtant, l’aide publique aux entreprises a atteint la somme vertigineuse de 200 milliards d’euros par an, sans engagements, ni contreparties de la part des entreprises.
Dans le même laps de temps, le gel du point d’indice et l’inflation, ont fait baisser le pouvoir d’achat des fonctionnaires de près de 30 % depuis 2000. Cette baisse de près d’1/3 est très loin d’avoir été compensée par la politique indemnitaire : les primes des agents de l’ESR sont les plus faibles de toute la fonction publique, à l’exception des enseignants. C’est pourquoi la CGT revendique une revalorisation de 30% du point d’indice et son indexation sur l’inflation, une revalorisation des primes statutaires à hauteur de 25% du traitement indiciaire (comme dans le reste de la fonction publique) avant leur intégration dans le salaire.
Les rémunérations dans l’ESR doivent être rapprochées de celles des emplois publics comparables.
Pour les IR, l’échelle de la rémunération, concernant la grille indiciaire comme le niveau de prime, avec un salaire net moyen mensuel inférieur de plus 2 000 € à celui des ingénieurs A+ de l’État58 et un taux de prime dans la rémunération inférieur de moitié.
La CGT revendique que le niveau de rémunération des IT et des ITRF soient équivalents. De plus le niveau de rémunération de l’ensemble des agents du MESR doit être identique au reste de la fonction publique d’État pour un même niveau de qualification.
Le SMIC, indexé sur l’inflation, a progressivement rattrapé les premiers échelons de salaires de la fonction publique, conduisant à l’écrasement des grilles des agent·es de catégorie C et B (seulement 21 points d’indice, soit 103 €/mois d’augmentation après 19 ans de carrière pour un agent de catégorie C), et à la perte de sens des carrières des agent·es de catégorie A : recruté 70% au-dessus du SMIC en 1980, un agent de catégorie A n’est plus recruté que 3% au-dessus du SMIC aujourd’hui ! Un Maître de conférences ou un chargé de recherche (qualification Bac+8) en fin de carrière termine moins de trois fois au-dessus du SMIC, contre six fois au-dessus du SMIC en 1980.
La CGT revendique d’ouvrir une négociation sur les grilles de la fonction publique afin de redonner du sens à la carrière de fonctionnaire, sur la base d’un recrutement entre 1,2x (niveau BEP) et 2,3x (niveau doctorat) le SMIC et d’un doublement au moins du salaire sur une carrière complète.
Le retard pris dans le pyramidage des corps des enseignants-chercheurs et des BIATSS, faute de possibilités de promotions, a conduit à l’introduction de possibilités d’avancement de corps supplémentaires pour les EC et les BIATSS (repyramidage) dans le protocole LPR d’octobre 2020. Cette disposition, défendue par la CGT, a été le seul vrai succès de la LPR jusqu’ici, avec un taux de succès de plus de 95% (seul l’accès au corps des ASI a été empêché, sans explication de la DGRH).
Les taux de promotions des filières IT/ITRF restent faibles.
La CGT revendique de pérenniser les possibilités de promotions de corps supplémentaires introduites par le repyramidage en portant à 5% de l’effectif du corps les possibilités d’avancement de corps, pour l’ensemble des corps de l’ESR, sur la base des propositions des inspecteurs généraux (rapport ITA-ITRF 2024).
S’agissant des avancements de grades, la CGT revendique qu’il soit mis fin aux grades, barrages artificiels introduits au sein d’un même corps, afin de garantir une évolution de carrière plus lisse et homogène et de simplifier les opérations de gestions locales ou nationales.
Le repyramidage hors grade pour les corps des CR a pris du retard et la sélection professionnelle pour les IE sera mise en place pour la première fois seulement en 2025.
En attendant, nous revendiquons que la composante individuelle C3 du Ripec (chercheurs et enseignants-chercheurs) soit intégrée à la composante C1 (touchée par tou∙tes les chercheur∙euses).
Par ailleurs, nous demandons la revalorisation des carrières, le doublement des promotions CR-DR et la fusion DR2-DR1 en un seul grade.
Les conditions de reclassements après un recrutement ont été significativement améliorées pour les chercheurs et enseignants-chercheurs ces quinze dernières années, c’est là un progrès à souligner. Il faudra néanmoins en tirer toutes les conséquences, en particulier en révisant les bas de grilles rendues inutiles par ces avancées.
Mais ces mesures ont rendu d’autant plus injustes les règles toujours appliquées pour les BIATSS (hors doctorat) et les IT, qui pourtant rentrent eux aussi dans la carrière de plus en plus tard. La CGT revendique d’abord un alignement des règles de reclassement entre IT et BIATSS, ensuite une révision des règles de reclassement des IT / BIATSS en prenant en compte au moins les 2/3 de la durée du parcours professionnel avant le concours (sur la base des propositions des inspecteurs généraux, rapport ITA/ITRF).
Le patrimoine de l’ESR souffre gravement du désinvestissement chronique de l’État dans ce secteur, qui confine à l’abandon pur et simple. Le deuxième patrimoine immobilier de l’État après l’armée, unique par sa diversité et sa fréquentation quotidienne par 300 000 salarié·es et 2,5 millions d’étudiant·es, est délabré à plus de 60 % selon un rapport récent de l’IGESR. Glacière en hiver, four à cuire en été, toilettes délabrées, quand elles sont encore fonctionnelles, les conditions de travail des agent·es et des étudiants en sont gravement dégradées.
La CGT revendique d’ouvrir immédiatement le chantier de la rénovation du bâti de l’ESR et d’accélérer enfin la transition énergétique timidement amorcée, par un investissement d’État de 15 Milliards d’€ sur 10 ans. Rénovation complète, isolation, agencement des salles, bureaux et ateliers, doivent être discutés avec les travailleur·ses et leurs instances (FS-SSCT). Elle revendique que 5 milliards supplémentaires soient investis sur 5 ans pour la bifurcation écologique (énergie renouvelable, gestion des déchets, récupération d’eaux de pluie, soutien au déplacement doux, ...)
Le nombre d’agents doit être suffisant à l’accomplissement des missions et en tenant compte des temps de congés (annuel, maladie ...) et des temps de travail dans le cadre des missions d’intérêt collectif (participation aux instances nationales, référents dans divers domaines ...) pour répondre aux obligations réglementaires.
Les métiers en tension doivent faire l’objet d’une surveillance afin d’anticiper le risque de disparition des compétences et ainsi anticiper les embauches.
Les organisations très pyramidales et la mise en concurrence des équipes de recherches liée aux appels à projet (AAP) nuisent au travail collaboratif spécifique de la recherche. Les temps de travail peuvent aussi nécessiter des adaptations en fonction du type de recherches. Ces spécificités doivent être prise en compte.
La préparation-soumission consacrée par les scientifiques aux AAP est « perdue » à 80% puisqu’au mieux 20% seulement des projets soumis sont retenus.
Les titulaires passent plus temps à former les collègues sur contrats qu’à effectuer les missions principales correspondant à leur poste (faire un réel travail de recherche, assurer les missions support ...).
L’essentiel des missions transverses (assistant de prévention, référents parité, référents formation, responsable en radioprotection ...) est effectué par les titulaires dont le nombre se réduit d’année en année. Là encore, ces missions se font au détriment des missions initiales inscrites sur leur fiche de poste.
La CGT revendique la fin des appels à projet, un retour aux financements pérennes, la fin du recours à l’emploi contractuel et le recrutement massif de fonctionnaires.
La dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) de la France stagne depuis
30 ans. De 1996 à nos jours elle est restée de 2,2% du PIB. Dans le même temps, l’Allemagne est passée de 2,1% (en 1996) à 3,1% (en 2021). La part de la dépense intérieure de recherche et développement de l’administration (DIRDA) s’établit à 0,76 % du PIB en 2021, et celle des entreprises, la DIRDE à 1,46% du PIB.
La hausse des dépenses pour l’enseignement supérieur et la recherche entre 2022 et 2023 n’a été que de 0,2% (Cour des comptes d’après données Chorus), ce qui est loin d’avoir compensé l’inflation de 15% depuis 2022. Et les mesures salariales (augmentation du point d’indice et CAS pension) n’ont pas été compensées en intégralité.
Pour l’année 2023, le coût total du Crédit Impôt Recherche (CIR) est évalué à 7,06 milliards d’euros et les 467 dispositions fiscales dérogatoires induisent une diminution des recettes fiscales de l’État chiffrée à 81,3 milliards d’euros (chiffres du projet de loi de finances pour 2024).
Si des scientifiques sont d’accord sur le fait que certains crédits soient obtenus par des appels à projet, le ratio actuel entre AAP et crédits récurrents n’est pas tenable.
En effet, l’affichage ministériel que la recherche française est financée à 80-90% sur fonds récurrents et 10-20% seulement sur contrats est très contestable puisqu’il intègre les salaires des statutaires.
Hors salaire, le résultat s’inverse. Seul 10 à 20% des budgets arrivent dans les laboratoires pour la recherche elle-même. 80 à 90 % des crédits sont obtenus sur AAP.
Cela induit un manque de visibilité sur les projets scientifiques constant à moyen et long terme pour les organismes de recherche et les laboratoires. La plupart des recherches doivent s’envisager sur un minimum de 10 ans et non 3 ou 5 ans, durée des APP standard.
La variabilité des ressources et l’absence de crédits récurrents suffisants pour fonctionner entre deux AAP déstabilisent le système en créant des fonctionnements en dents de scie.
La recherche publique est un vivier pour les entreprises. Son rôle est essentiel dans l’apparition de technologies innovantes. En effet, quelle entreprise privée investirait pour se lancer des recherches à risque dans des domaines qui ne sont pas les siens ?
La recherche publique n’a pas les mêmes objectifs, son rôle pour la société n’est pas seulement de rapporter de l’argent mais bien de faire avancer les connaissances au profit de la population française et du plus grand nombre.
Avec l’enseignement supérieur, les EPST accroissent le niveau des étudiants en les formant aux métiers de la recherche. L’excellence de ces formations est reconnue au niveau mondial.
C’est pourquoi, nous demandons :
"Les inventions puisent dans les connaissances scientifiques pures". "Comme les entreprises privées ne peuvent capter qu’une part modeste des rendements financiers incertains de la recherche fondamentale, elles tendent à sous-investir dans celle-ci, ce qui plaide fortement pour l’intervention des pouvoirs publics." (De l’importance des sciences pures pour la croissance économique, Philip Barrett, Niels-Jakob Hansen, Jean-Marc Natal et Diaa Noureldin.
https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2021/10/06/blog-ch3-weo-why-basic-science-matters- for-economic-growth)
L’État doit assurer le financement des universités et des EPST dans le domaine de la science fondamentale.
L’autonomie des universités ne doit pas permettre le gel des postes prévu par l’État, ni être le frein de programmes de recherches nationaux.
Le financement public doit couvrir l’intégralité des frais d’infrastructure et de fonctionnement des équipes, afin de favoriser la continuité et le développement normal des activités de recherche. L’État doit permettre à ses équipes d’initier des recherches originales dans la sérénité.
Le fonctionnement des grands instruments et des plateformes de recherche ne doit pas être financé par des AAP mais par des crédits dédiés.