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mardi 6 mai 2025

Pour gérer la pénurie dans l’ESR, le gouvernement a une (mauvaise) réponse : les COMP 100%

Contexte

Depuis deux ans, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) a procédé à la mise en place de Contrats d’Objectifs, de Moyens et de Performance (COMP) qui permet aux universités d’obtenir sur projets des moyens complémentaires à leur dotation soclée (c’est-à-dire garantie de base), leur Subvention pour Charge de Service Publique (SCSP). Ces COMP concernaient jusqu’ici une part très faible (moins de 1%) du budget global des universités ; ces COMP visaient à financer des projets spécifiques sur une durée d’au maximum trois ans, l’obtention de l’intégralité des montants négociés étant dépendante de la réussite de ces projets (réussites mesurées par des « indicateurs de performance » et des valeurs cibles à atteindre).

A titre d’exemple, pour son COMP 2024-2026, l’université de Tours a négocié un COMP d’un montant global de 4,28 M€ (50% étant versés en 2024, 30% en 2025 et au plus 20% en 2026, l’obtention des derniers 20% étant suspendus à l’atteinte des cibles visées, par exemple des taux de réussite d’étudiant·es dans certaines filières).

Une réforme réalisée dans l’urgence et sans concertation nationale, afin de gérer la misère

Après 10 ans de budgets structurellement à la baisse, après un budget 2025 de l’ESR calamiteux, et alors que le gouvernement Bayrou vient d’annoncer près de 500 M€ de coupes supplémentaires dans l’ESR, le ministre Philippe Baptiste annonce, le 8 avril 2025, la généralisation des COMP qui représenteraient maintenant l’intégralité (100%) des budgets des universités, au premier euro négocié entre l’État et les universités. Cette décision, sans aucune concertation nationale, sans loi ni décret, sans discussion dans les assemblées, alors qu’elle touche aux fondements même de l’existence et des missions des universités, s’appliquera dès 2025 dans deux régions (PACA et Nouvelle-Aquitaine) avant d’être généralisée en 2026. Elle est pourtant très discutable et extrêmement préoccupante pour plusieurs raisons :

  • Elle met fin à tout espoir de mise en place d’un financement national transparent et équitable des universités, au moins pour les services fondamentaux qu’elles se doivent d’offrir sur leur territoire. Suite à la mise en place de la LRU en 2013 (Loi Relative aux libertés et responsabilités des Universités) et à la LPR en 2021 (Loi de Programmation de la Recherche), la Cour des comptes a constaté, dans un rapport de 2023, que les inégalités historiques de financement entre les établissements d’enseignement supérieur et de recherche n’avaient fait que croitre. Ainsi, une formation d’une même discipline peut bénéficier suivant l’établissement, la ville et l’académie où elle est dispensée d’un financement par étudiant variant d’un rapport de 1 à 5. Une telle situation est inacceptable pour la CGT FERC Sup, qui défend un service public d’ESR national, laïque et émancipateur, un cadre national des diplômes et la péréquation des services publics. Elle a parfois été dénoncée par quelques président·es d’universités (au moins par ceux et celles des universités les moins dotées, cela va de soi). Des modèles d’allocations des moyens transparents et équitables existent et doivent être mis en place ; c’est une question de volonté politique. Il est urgent que nos élu·es nationaux, locaux, départementaux ou régionaux se mobilisent à nos côtés sur ces questions. L’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche en France et des divers territoires en dépend.
  • Comme l’annonçait la CGT FERC Sup en 2007, la mise en place de la LRU, ardemment défendue par la grande majorité des Président·es d’universités à l’époque, a conduit à l’effondrement des moyens et une dégradation sans précédent des conditions de travail et d’étude. L’État ne finance plus l’intégralité des salaires de ses personnels (y compris des titulaires). La prétendue « autonomie » marque en fait le retour au mandarinat et à une forme de féodalisme, les compétences » budgétaires n’autorisent qu’à dépenser de l’argent qu’elles n’ont pas, en ajoutant à la charge des établissements des dépenses supplémentaires : quand le point d’indice est augmenté, quand les collègues ne peuvent pas partir en retraites en raison des contre-réformes, ce n’est plus l’État qui finance intégralement cette augmentation de masse salariale. C’est à chaque fois aux universités de financer ces hausses (ou de procéder à des non-renouvellement de contrats pour combler leur déficit). Avec le passage des COMP à 100%, ce qui se dessine, c’est l’absence de tout financement garanti de notre masse salariale, et donc l’impossibilité de construire des stratégies de recrutement à moyen ou long terme et de réduire la précarité dans nos établissements. Au contraire, sans financement garanti, il deviendra par exemple encore plus difficile de procéder à la CDIsation de personnels, même s’ils ou elles travaillent sur des missions pérennes depuis de longues années. C’est même le maintien des postes de fonctionnaires qui est menacé puisque l’État pourrait refuser de verser à l’université la masse salariale correspondant à certains postes afin de la contraindre à les supprimer. Mais plus généralement, par la mise en place de COMP à 100%, c’est le principe même de service public national de l’ESR, c’est la possibilité d’offrir des formations financées de manière équitable sur tout le territoire national et dans toutes les disciplines qui est remis en cause.
  • Le passage de COMP à 100%, c’est enfin une perte d’autonomie encore plus avancée et une mise sous tutelle complète des universités (contrairement à ce que diront certain·es président·es d’université qui y verront au contraire un moyen de renforcer leur responsabilité, mais surtout leur pouvoir). L’expérience de la négociation des premiers COMP, pour une part alors minime du budget, a montré que la marge de manœuvre des président⋅es d’université était très faible. En effet, comment négocier des moyens sans chercher à répondre directement aux attentes de votre « tutelle » ? Par exemple, l’insertion professionnelle immédiate des diplômés (à moins de six mois) n’est pas l’unique priorité de votre établissement ? Vous n’aurez pas de moyens pour l’insertion professionnelle. Vous ne souhaitez pas fermer certaines formations, jugées inutiles par l’État ; vous n’aurez pas de moyens pour éviter une telle fermeture. Vous ne souhaitez pas mettre en place des frais différenciés pour les étudiant·es internationaux ? Vous n’aurez pas de moyens pour cela.

Dans ce contexte extrêmement préoccupant, pour nos établissements et notre jeunesse, il est encore temps d’agir et de réagir. Il est urgent de se mobiliser :

  • pour arracher enfin un budget à la hauteur des besoins et des enjeux de l’ESR ;
  • pour arrêter immédiatement cette expérimentation des COMP à 100% ; alors que l’intérêt des COMP à 1% n’a même pas encore été évalué. On ne gère pas la misère, on la combat !
  • Pour obtenir la mise en place dès 2026 d’un mode d’allocation des moyens de base des universités juste et transparent au niveau national. Cela fait des années que le MESR, France Universités et les organisations syndicales travaillent sur cette question ; il est incompréhensible qu’un tel dossier n’aboutisse pas, sauf à y voir une orientation politique implicite.

Non à la mise sous tutelle des universités, oui à un financement pérenne et égalitaire de l’enseignement supérieur, à la hauteur des besoins et des enjeux !

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