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Menu ☰Accueil > Les dossiers > Enseignement supérieur > Rapport IGESR/IGF sur les « ressources propres » des universités : vers la (…)
À l’inverse, pour la CGT FERC Sup, le financement de l’ESR doit être pérenne et assuré par l’État à hauteur des besoins.
La CGT FERC Sup apprend, via une dépêche AEF (dépêche n° 737612, 19/09/2025), qu’un rapport de l’IGESR (Inspection Générale de l’Education, du Sport et de la Recherche) et de l’IGF (Inspection Générale des Finances) propose des pistes pour augmenter les « ressources propres » des établissements d’enseignement supérieur.
Une autre dépêche AEF (dépêche n° 738670, 07/10/2025) précise ce qu’on dit depuis des années : la part de l’État dans la dépense intérieure d’éducation (DIE) consacrée à l’enseignement supérieur a diminué de 12 points. Alors que le nombre d’étudiant·es est passé de 2,47 millions à 3,01 millions entre 2014 et 2024 (+21,9%), le financement public n’a pas suivi, et ceci a eu pour conséquence une baisse drastique de la dépense moyenne par étudiant (de 14 160 € en 2014 à 13 300 € en 2024, -6,1%). Dans ces conditions –que le projet de budget pour 2026 va encore dégrader–, on comprend pourquoi les « ressources propres » des universités intéressent autant le gouvernement…
Le rapport, entre autres joyeusetés (voir ci-dessous), propose ni plus ni moins que de faire exploser les droits d’inscription de façon généralisée, à 2 850 € par an en Licence et 3 879 € par an en Master (contre 178€ et 254€ actuellement pour les étudiant·es de France et de l’UE, voir l’arrêté du 19 avril 2019). Cette idée, chère aux libéraux de tout poil, placerait les droits d’inscription à l’université au niveau des tarifs appliqués dans l’Enseignement supérieur privé.
Pourquoi ce rapport n’a-t-il pas été rendu public ? Ses conclusions ne seraient-elles pas en phase avec les projets des différents gouvernements Macron ? Que nenni, l’idée de faire payer les étudiant·es est inscrite noire sur blanc dans la lettre de mission envoyée par les ministres de l’époque, nous indique l’AEF. C’est d’ailleurs un projet toujours répété des gouvernements de droite qui s’y sont, jusqu’ici, toujours cassé les dents (projet de loi Devaquet en 1986). Une telle mesure est, en principe, inconstitutionnelle puisque le préambule de la Constitution de 1946, qui fait toujours partie des textes constitutionnels valides, oblige l’État à offrir une éducation gratuite à tous les niveaux. Le Conseil Constitutionnel a considéré en 2019 que cette gratuité de principe n’empêche pas une contribution « modique ». Cette décision honteuse a ouvert la porte à une augmentation des frais d’inscription, en commençant par les écoles d’ingénieur publiques et les étudiant·es extra-communautaires (cf. le très mal nommé plan « Bienvenue en France »). Mais peut-on sérieusement considérer que des droits d’inscription de l’ordre de 3 000 euros constituent une contribution « modique » ?
L’application d’une telle mesure aurait bien entendu des conséquences sociales dramatiques. Cette mesure entraînerait un appauvrissement des familles, ces frais représentant peu ou prou 11% à 15% du salaire net médian annuel. Elle conduirait également à une augmentation importante du taux d’étudiant·es obligés de travailler pour financer leurs études. Elle induirait certainement une explosion du taux de renoncement aux études et une réduction de la part des diplômé·es dans la population française. Est-ce là la réponse du gouvernement, face à la pénurie de places dans les amphis ?
Mais tout n’est pas perdu, le rapport prévoit une solution miracle à la multiplication par 16 (!) des frais d’inscription : le prêt étudiant ! Ces prêts, garantis par l’État à hauteur de 70%, étendraient la précarité au-delà des années d’études pour rembourser cette dette ! En outre, cela ouvrirait un nouveau marché de prêt aux étudiant·es très lucratif (et sans risque pour les banques puisque c’est le contribuable qui assumerait l’essentiel de la garantie).
Pour faire passer la pilule, le rapport évoque aussi une remise à plat de la politique de bourses. Mais il n’est pas prévu de fournir des bourses sociales à tout le monde ( !). Donc cela provoquerait à court terme d’une part la réduction drastique du nombre d’étudiant·es issus des classes populaires, mais aussi l’accroissement de la différenciation entre les universités accueillant les étudiant·es les plus défavorisés socialement d’un côté, et les « universités d’excellence » de l’autre.
En un mot, l’augmentation drastique des frais d’inscription aggraverait la concurrence stérile entre établissements et les inégalités d’accès aux diplômes.
Le rapport note que les frais d’inscription, 500 millions d’euros, représentent seulement 2,7 % des recettes des universités, une contribution « marginale ». En passant à une contribution « modique » –2 850 € / an en Licence et 3 879 € / an en Master, c’est « modique » pour eux–, cela permettrait de lever 3 Milliards d’euros par an, soit 6 fois plus qu’actuellement. Le « rendement net » ne serait que de 2,5 Mds €, car en effet, le rapport envisage 443 M€ de dépenses supplémentaires pour les bourses et 158 M€ pour les garanties bancaires des prêts.
Pour résumer, on ponctionne les étudiant·es de 3 Mds € et on en redistribue 440 M€ (15%) sous forme de bourses et on développe les prêts bancaires. Vous sentez l’arnaque ?
Revenons au plan « Bienvenue en France » de Macron–Vidal en 2019 auquel s’oppose toujours la CGT FERC Sup : le gouvernement a imposé aux étudiant·es étrangers extra-communautaires de payer des frais différenciés aux niveaux proposés par le rapport IGESR/IGF. La loi avait été mise en place sans réelle étude d’impact sur l’évolution du nombre d’étudiant·es étrangers venant en France, mais on sait qu’ailleurs une telle politique a fait chuter drastiquement le nombre d’étudiant·es étrangers en provenance de pays pauvres. C’est probablement le but recherché par le gouvernement, mais c’est à l’opposé des échanges indispensables pour le développement des savoirs et l’amélioration globale du niveau d’études.
La forte résistante de la communauté universitaire contre ce plan a permis la mise en place d’exonérations plus ou moins automatiques à ces frais exorbitants. Une limite de 10 % maximum d’étudiant·es exonérés a été inscrite dans la loi, mais, poussées par leurs personnels et étudiant·es, certaines universités ont décidé de s’affranchir de cette limite. À l’inverse, le rapport préconise de renforcer le contrôle de ce plafond de 10 %…
Dans les pays où le financement des universités repose pour une proportion significative sur les frais d’inscription des étudiant·es, on assiste à une relation marchande entre un établissement qui vend des services (dont des diplômes) à des « client·es ». Cela pervertit la relation pédagogique (clientéliste), porte une suspicion sur la véracité des résultats universitaires obtenus et peut porter atteinte à l’indépendance intellectuelle et scientifique des universités. On a vu ainsi dans une université nord-américaine les notes de Master ne pas pouvoir être inférieures à 18/20 (sauf à rédiger un rapport justificatif), dans une autre une enseignante licenciée parce qu’elle mentionnait comme objets d’analyse des mots qui déplaisaient aux étudiant·es, ou, dans une université britannique, des étudiant·es contester les dates des examens et exiger des dates individuelles personnalisées que les enseignant·es ont été contraints d’accepter par leur direction.
Les « ressources propres » des établissements augmentent nettement : elles sont passées de 3,16 Mds € en 2019 à 4,37 Mds € en 2023 (+38%), avec notamment le développement des appels à projet (+50 %) et de l’apprentissage (x2). Il existe une forte disparité selon les établissements : pour Paris-Dauphine, fac prestigieuse au statut de grand établissement et aux diplômes d’université (DU) luxueux, les ressources propres s’élèvent à 35 % du budget. C’est près de 30 % pour Sorbonne Université. Pour la plupart des autres établissements, la part des ressources propres reste entre 20 et 25 % des recettes.
Il y a fort à parier que les universités exsangues, étranglées par l’État qui ne les finance pas à hauteur des besoins, se rueraient sur la manne des frais d’inscription. Sur les starting blocks, la CDEFI (conférence des directeurs d’écoles d’ingénieurs) a annoncé publiquement qu’elle « soutient la mise en place de la modulation des droits d’inscription dans les écoles d’ingénieurs publiques ». De nombreux établissements ont créé leurs propres diplômes (sorte de « marque » commercialisable) : les écoles d’ingénieurs bien sûr, mais aussi quelques grandes écoles se sont lancées dans la course à la vente de diplômes (Écoles Centrales, ENS...). Ces établissements ont déjà commencé à relever régulièrement leurs frais d’inscription locaux, en justifiant, pour faire avaler la pilule, que les sommes récoltées serviraient aux étudiant·es (rénovation d’équipements sportifs, d’installations culturelles…).
Car l’objectif est aussi de différencier les universités entre elles : les centres universitaires prestigieux pourront sans trop de peine faire venir des étudiant·es à ces tarifs prohibitifs. Mais les autres universités, de périphérie ou de villes moyennes, dont la plupart des étudiant·es proviennent de classes populaires, seront amenées à se transformer radicalement ou à disparaître. Et la question du statut unique des personnels, de leur rémunération identique –au moins en théorie– sur tout le territoire serait rapidement mise à mal…
Par exemple, le crédit impôt recherche (CIR : 7,6 Mds € en 2024) est donné sans contrôle aux grandes entreprises censées faire de la recherche et de l’innovation, mais il sert principalement à alimenter les dividendes. Il pourrait utilement financer l’ESR public... C’est la première dépense fiscale de l’État à destination des entreprises, équivalente au budget du ministère de l’agriculture.
Au final, pour le gouvernement, augmenter les frais d’inscription n’a que des avantages : cela permettrait de réduire le nombre d’étudiant·es (surtout des classes populaires), couvrir le sous-financement chronique de l’ESR, transformer le service public en service marchand et préparer sa privatisation partielle, développer la concurrence entre établissements et entre collègues, développer le marché juteux et sans risque des prêts bancaires étudiants. L’exact opposé du service public que nous défendons.
D’autre pistes toutes aussi inacceptables sont avancées pour remettre à flots les établissements d’enseignement supérieur :
Rappelons ici que l’Éducation est un droit fondamental, qui ne peut souffrir aucun critère social, sexiste ou raciste. Ce droit est garanti par l’article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui affirme que « l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite ». On en est bien loin !
Alors pourquoi tout ça ? Encore et toujours l’antienne libérale du désengagement de l’État de ses missions et de la marchandisation de l’Éducation. La croissance du secteur de l’enseignement supérieur privé en témoigne.
Pour la CGT FERC Sup, nos revendications sont et resteront :
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