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mercredi 5 janvier 2022

Ceci est-il un colloque universitaire ?

Communiqué de la CGT FERC Sup Sorbonne Université

Les 7 et 8 janvier 2022 se tiendra, dans un amphithéâtre de la Sorbonne, un événement intitulé « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture ».

Cette réunion se présente comme un colloque « d’échanges scientifiques » visant à « étudier les tenants et aboutissants de la pensée décoloniale », « wokisme », ou « cancel culture et comment elle s’introduit dans le système éducatif pour y imposer une morale au détriment de l’esprit critique ».

Ce colloque va être ouvert par Blanquer le ministre de l’Education nationale qui affirmait il y a un an, sans jamais être revenu sur ses dires que «  Notre société a été beaucoup trop perméable à des courants de pensée », « Ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme fait des ravages », « Il fait des ravages à l’université, il fait des ravages quand l’UNEF cède à ce type de chose, il fait des ravages quand dans les rangs de la France Insoumise, vous avez des gens qui sont de ce courant-là et s’affichent comme tels. Ces gens-là favorisent une idéologie qui ensuite, de loin en loin, mène au pire ».

Ce colloque pourrait-il être instrumentalisé en meeting politique qui s’inscrirait dans la droite ligne des discours de Blanquer et Vidal ? Blanquer, comme Vidal, prétendent que l’islamogauchisme (terme maintenant remplacé par celui de wokisme) «  gangrène l’université ». Or, cette parole ministérielle, pendant une année de campagne présidentielle, et en pleine pandémie qui étouffe encore un peu plus les personnels de l’éducation nationale et l’hôpital, dans un colloque universitaire, soulève des questions bien légitimes.

En outre, cet événement est organisé sur le site de Sorbonne Université. Dès lors, la responsabilité et l’image de notre université sont engagées.
La plupart des intervenants de cette manifestation sont signataires du « manifeste des 100 » qui appelait à la dénonciation des « islamo-gauchistes ». Un certain nombre sont également membres de l’« Observatoire du décolonialisme », dont l’activité principale semble aussi être de dénoncer des collègues sur internet. Cet événement qui aura lieu les 7 et 8 janvier reprend les mêmes thèmes, en évitant soigneusement le terme d’« islamo-gauchisme » (devenu trop sulfureux ?) mais en ciblant les études décoloniales, sans laisser place au débat contradictoire. Ainsi, le colloque annoncé pourrait paraître comme une opération politique à laquelle participeront des personnes qui appellent régulièrement à la dénonciation et à la censure de collègues sur le site de l’« Observatoire du décolonialisme ».

Il y a pourtant moins d’un an, l’ancien président de Sorbonne Université, Jean Chambaz avait pris position très clairement au sujet de l’« islamo-gauchisme », à contre-courant des déclarations de la ministre Mme Vidal : « Il y a une orientation de ce gouvernement qui va draguer des secteurs de l’opinion publique dans des endroits assez nauséabonds », «  L’islamo-gauchisme est un terme absolument peu précis, issu des milieux de la droite extrême, repris par certains députés LR qui voudraient interdire l’enseignement de certaines disciplines à l’université. On se croirait dans l’ancienne Union soviétique. Ça me fait davantage penser aux slogans du 20e siècle dénonçant le judéo-bolchévisme. » Selon l’ancien président de Sorbonne Université, le mal qui « gangrène » la société n’est pas cet « islamo-gauchisme » mal défini et qui est agité, selon lui, comme un chiffon rouge. « On accole deux mots qui font peur pour ne pas définir une réalité. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? » martèle-t-il. « Qu’est-ce qui gangrène la société ? C’est la discrimination, c’est la ghettoïsation, c’est l’inégalité sociale dans l’accès au travail, dans l’accès à l’éducation, à la culture, et l’échec des politiques publiques dans ce domaine depuis cinquante ans. »

Nous ne demandons pas l’annulation de cette manifestation qui doit être reconnue comme telle. Mais il ne peut y avoir d’appel à la délation et de chasse à certains collègues. Ce que nous attendons de la nouvelle présidente de l’université, c’est un engagement lié à sa fonction qui la charge d’une mission de protection des personnels de l’université.
Pour mémoire, début 2021, comme 2000 personnes qui avaient signé cette réponse au manifeste des 100, votre prédécesseur M. Chambaz avait accordé la protection fonctionnelle aux collègues qui en avaient fait la demande après avoir été mis en cause publiquement dans cette chasse aux sorcières.

Ce que nous attendons donc de la présidence de l’université, c’est qu’elle donne l’assurance à nos collègues :
• qu’il sera accordé systématiquement le bénéfice de la protection fonctionnelle à toutes celles et tous ceux qui seront mis·es en cause publiquement dans l’exercice de leurs missions d’enseignement et de recherche,
• qu’il sera donné pour consigne à la direction des affaires juridiques de l’université d’effectuer un signalement auprès du ministère de l’intérieur pour toute dénonciation calomnieuse publiée sur internet ou ailleurs, sur simple demande de la personne concernée.