"Pour un Service public national d'Enseignement supérieur et de Recherche laïque, démocratique et émancipateur"
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Le 6 décembre 2023, la FERC a été auditionnée par la mission d’information sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
Deux représentant·es de la fédération, du SNPEFP (Syndicat National des Personnels de l’Enseignement et de la Formation Privés) et de la CGT FERC Sup, y ont présenté les éléments ci-dessous.
Pour la Fédération de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture (FERC CGT et ses organisations fédérées (SNPEFP-CGT, CGT FERC SUP), l’Enseignement supérieur doit être national, gratuit, laïque, de haut niveau, démocratique et émancipateur. En conséquence, les politiques publiques doivent permettre la démocratisation et l’égalité d’accès de tous et toutes à l’Enseignement supérieur. Elles doivent protéger les activités d’enseignement de toute marchandisation et de toute mise en concurrence commerciale.
La FERC CGT défend le principe fondateur du monopole de la collation des grades par l’Enseignement supérieur public et la fin de toute subvention publique pour les établissements privés de l’Enseignement Supérieur Recherche (ESR). Pour la FERC, attachée à la défense de tous les salariés, la suppression de ces subventions devra s’accompagner de la prise en compte des intérêts des travailleurs des établissements d’enseignement supérieur privés.
Elle revendique un service public de l’ESR, d’égale exigence et qualité sur tout le territoire, gratuit, délivrant des diplômes nationaux, reconnus par les statuts et conventions collectives.
Le nom de la CCN 2691 n’est plus enseignement privé hors contrat mais Enseignement privé
indépendant qui comprend :
• Pour le primaire et secondaire, les établissements n’ayant pas de contrat avec l’État. Il s’agit essentiellement des Écoles Montessori et des Écoles internationales et/ou Bilingue
• Pour l’enseignement supérieur privé, elle regroupe les établissements à but lucratif et en partie non lucratif comme les universités catholiques (ex EPNL), les écoles d’ingénieurs et de commerces qui adhèrent à la FESIC.
Sont concernées par le champ certaines écoles d’art, de cinéma, de mode, d’audio-visuel et d’arts graphiques, les ex écoles des CCI (HEC, Kedge Business School)
• Les entreprises lucratives peuvent aussi relever de la CCN des Organismes de formation (N° IDCC 1516). C’est bien pour cela que le syndicat national de l’enseignement et de la formation privés (SNPEFP-CGT) couvre les deux CCN. Nous sommes négociateurs aux deux branches.
À noter que les partenaires sociaux ont signé en 2016 un accord prévoyant d’étendre le champ de la CCN 2691 aux CFA associatifs actuellement au code du travail. Contre toute attente et au mépris de la volonté de tous les acteurs de la branche, le Ministère du travail s’est bien gardé de prendre l’arrêté qui prenait acte de cette modification. Ce malgré de multiples relances, de la CPPNI et des organisations syndicales. Nous y voyons le lobbying des grands groupes (Eduservices, Galiléo, etc.) qui visent l’entrée de ces structures dans le champ des OF, CCN moins disante.
Nous demandons avec force que le Ministère agisse en conformité avec le souhait de la branche de l’EPI. Ce d’autant plus que des opérateurs importants comme le CESI n’appliquent pas la CCN de l’EPI mais celle des OF alors que leur activité principale ressort du champ de l’EPI.
Le ménage doit être fait à cet égard
La CCN comme toutes les CCN définit
Le cadre juridique de la convention avec les instances qui président ses travaux
Les relations collectives
Le contrat de travail, la formation professionnelle
La durée et l’organisation du travail, le temps partiel
Les congés payés, maladie, maternité et autres congés, la prévoyance
Les classifications
Les rémunérations (minima de branche)
L’égalité professionnelle
Les conditions d’emploi des travailleurs handicapés, etc.
Dans tous les établissements où nous sommes présents, il est constant que nous devons intervenir pour faire respecter l’application de la CCN dans de nombreuses matières :
L’abus de CDD d’usage
Le respect des temps de préparation des heures de face à face
Les classifications (spécialement des enseignants dans le supérieur sans recherche)
La délimitation des activités induites
L’octroi des jours mobiles
Les dispositions en matière de forfait jour,
Les changements d’emploi du temps et les garanties en cas de surpression de cours
etc. voir ici : https://efp-cgt.reference-syndicale.fr/archives-de-la-cpnic-de-lepi/
Sur le développement
Pour le SNPEFP-CGT, il faut parler d’entreprises lucratives d’enseignement supérieur privé, tant la dimension « enseignement » passe derrière la dimension « financière ».
Le phénomène majeur réside dans les effets de la financiarisation de ce secteur marchand qui conduit à l’augmentation des prix des formations, à leur baisse de qualité et à des conditions sociales dégradées des enseignants et formateurs (abus de CDDU, imposition du micro- entreprenariat, de la facturation).
La financiarisation s’observe à travers une frénésie d’investissement et à la constitution d’une bulle financière. Attirés par un niveau de profit très élevé et par l’argent public déversé sur l’enseignement supérieur privé lucratif, les fonds d’investissement se bousculent pour acheter des groupes et des écoles privées. Depuis 6 ans, on assiste à des acquisitions où les prix d’achat atteignent 15 à 25 fois l’EBITDA*. Il y a une véritable course à la taille pour accroître le chiffre d’affaires et les chances de plus-value élevées à l’issue des « Achats à effets de levier » LBO (Leverage by out). Cette course à la taille peut sinon conduire à un oligopole, du moins à un « trop gros pour tomber » (too big to fail). Par ailleurs, la prise de risque est démesurée, les dettes accompagnant ces opérations financières deviennent lourdes. Le remboursement de ces dettes induit des stratégies inquiétantes : gestion serrée des dépenses pédagogiques, recherche exacerbée de productivité, recherche de toujours plus de flexibilité avec des prestataires en honoraires, distanciel, etc.
Ce sont des supermarchés de la formation qui entretiennent le flou entre certification et équivalence à des diplômes d’université, profitant de la bulle financière du marché de l’Enseignement Supérieur et faisant peu de cas de l’endettement de leurs « clients », de la qualité de leurs formations et du devenir des apprenants. Rappelons que l’enseignement supérieur privé lucratif connaît ses premières faillites en Angleterre avec 40% d’étudiants dans l’incapacité de rembourser leurs prêts (114,6 milliards d’euros en 2017) et, outre-atlantique, les 40 millions d’étudiants américains surendettés (20% en défaut de paiement) avec une dette qui s’élevait, en 2018, à 1.500 milliards de dollars.
La financiarisation a également une facette « immobilière ». Les entreprises d’enseignement privé lucratif acquièrent des immeubles dans le but : soit de les occuper avec les différentes écoles du groupe, qui versent alors des loyers aux sociétés immobilières de ces mêmes groupes, soit de louer des chambres ou des studios à des étudiants. Ces entreprises dites d’enseignement se confondent alors avec des sociétés immobilières. L’acquisition de ces immeubles génère aussi des dettes importantes qu’il faudra, là encore, rembourser via l’efficacité, le pressurage des équipes.
Par ailleurs, hormis la recherche exacerbée de la plus-value à la revente, génératrice de la dégradation des conditions de travail et de casse sociale, nous vous alertons aussi sur le risque que fait peser un groupe mondial comme Galileo Global Education, acheté en 2020 pour 2,3 Mds d’euros, sur le système public en tendant à le supplanter.
* Bénéfice effectué par une société avant la soustraction des intérêts, des impôts, taxes, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisation.
Les principaux facteurs de développement de ces établissements ?
• Le désengagement de l’État : l’enseignement supérieur connaît aujourd’hui une régression accélérée sous le poids des reculs imposés aux services publics pour accompagner et initier « la toute-puissante rentabilité ». Dans ce contexte, faire de l’Enseignement Supérieur Recherche une marchandise à vendre au plus offrant était un des objectifs majeurs des politiques européennes depuis 1999 : en 10 ans (2011-2021), 584 000 nouveaux étudiants et étudiantes sont arrivés dans le Supérieur, mais aucune place supplémentaire n’a été ouverte dans le public.
• La croissance démographique (avec des capacités d’accueil en baisse dans le public) et le financement via des fonds publics, par exemple la politique de soutien à l’apprentissage sont les leviers de croissance de ces écoles privées : leurs frais d’inscription, honteusement élevés, sont ainsi pour partie pris en charge par les cotisations des entreprises et les aides de l’État. Rappelons qu’obtenir un visa de l’État permet également l’attribution de bourses aux étudiants de ces établissements privés. Ainsi, alors que l’État renonce à donner les moyens aux établissements publics, l’impôt finance indirectement mais massivement ces écoles privées.
• La concentration capitalistique via les fonds de pension et autres « Achats à effets de levier » auxquels participe Bpifrance.
• Le soutien des banques avec le financement à crédit des études.
• L’ouverture de Parcoursup aux formations du privé qui permet ainsi aux bacheliers de voir valider au moins un de leurs vœux : c’est bien un arrêté de la ministre Vidal (Arrêté du 19 novembre 2021 pris pour l’application de l’article D. 612-1 du code de l’éducation), sur lequel le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) avait d’ailleurs émis un avis négatif, qui autorise l’intégration dans la plateforme de formations dispensées par des établissements privés qui ne sont ni sous contrat avec l’État ni d’intérêt général. Sous couvert d’une prétendue transparence, le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) a organisé une véritable campagne publicitaire gratuite pour ces formations privées, qu’il met directement en concurrence avec des formations publiques reconnues mais avec de moins en moins de moyens. Ces formations privées n’apportent pourtant aucun gage de leur qualité, puisqu’une seule inscription au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) les autorise à apparaître sur Parcoursup. Le Ministère lui-même reconnaît en CNESER en octobre 2021 ne pas avoir la main sur leurs contenus de formation puisque ces établissements ne sont pas sous contrat avec l’État. Ces entreprises privées lucratives se nourrissent de l’angoisse des parents et futurs étudiants de se retrouver sans place dans le service public à la rentrée universitaire.
• Le manque de contrôle par France compétences des formations réellement dispensées, de la publicité mensongère, de la réalité des emplois et des salaires obtenus relevant du « déclaratif ». Les parents et les élèves croient, à tort, acheter un métier et surtout un niveau de salaire.
• Pour les formations en principe adossées à la recherche et non directement professionnalisantes, l’attribution généreuse par le MESR de visas (autorisations à délivrer un diplôme conférant le grade de…) à des « entreprises écoles », souvent sans tenir compte de l’expertise de ses propres services sur le contenu des formations et malgré l’opposition des représentants du personnel au CNESER (voir les comptes rendus du groupe CGT au CNESER).
• La publicité mensongère sur les titres RNCP et l’ignorance entretenue sur les pseudo-diplômes délivrés (« Bachelors », « Mastères » …), perçus à tort comme étant de l’Université.
Le dialogue social au sein de la branche de l’enseignement privé indépendant est de très mauvaise qualité, à cela plusieurs raisons :
• D’une part une convention collective nationale EPI (Enseignement Privé Indépendant) qui s’adresse à des établissements de la maternelle au supérieur et qui prend très mal en compte les spécificités de l’enseignement supérieur, en particulier concernant la recherche, les temps de préparation, les suivis de mémoires et d’étudiants.
• D’autre part une délégation employeur qui n’a pas les coudées franches : tout se décide en commission sociale de la fédération employeur ; les négociateurs employeurs en commission paritaires se référant constamment à cette commission et pouvant être démentis par elle.
• Par ailleurs, le poids des mastodontes du secteur dont les intérêts financiers se heurtent aux nécessités du dialogue social : Galileo Global Education, Omnes Education, Eduservices, Ionis Education Group, AD Education). Plus globalement, l’arrivée des fonds d’investissement dans le secteur s’est traduite par une dégradation du dialogue social. Les fonds ne sont pas là pour garantir le dialogue avec les institutions représentatives du personnel et assurer de bonnes conditions de travail : Ils visent une optimisation des résultats et une revente avec plus-value conséquente.
• On note aussi une certaine vision paternaliste des relations sociales chez les négociateurs employeurs. Notamment, en ce qui concerne l’égalité femme-homme.
• Enfin, certains établissements comme le CESI dont l’activité principale est l’enseignement initial supérieur échappent indûment à la CCN de l’EPI et appliquent la convention des organismes de formation, moins disante, ce qui tire vers le bas la négociation.
Précisons que le dialogue social avec les organisations syndicales de l’Enseignement Supérieur Recherche est inexistant : les écoles privées à but lucratif, lorsqu’elles demandent un visa (Licence, Master) du MESR sur leurs formations, viennent les présenter devant le CNESER. Les débats sont souvent houleux, les représentants du personnel formulent des remarques judicieuses sur les dossiers, par ailleurs généralement confirmées par l’expertise des services dédiés du ministère (HCERES par exemple) : frais de scolarité exorbitants, pas ou peu d’adossement à la recherche, instances de gouvernance dévoyées, défaut de lisibilité des formations, faible nombre d’enseignants-chercheurs, pas ou peu d’analyse sur l’insertion professionnelle, pas d’information sur les possibles poursuites d’études … Le CNESER n’est pas écouté, les votes CONTRE l’attribution de visas de l’État à ces écoles, lettres mortes.
Nous vous conseillons la lecture de notre document d’orientation de mai 2023 à ce sujet :
On constate qu’une partie des établissements d’enseignement supérieur privé à but lucratif ont une proportion faible de professeurs permanents, les formations étant assurées par des vacataires, professionnels d’autres secteurs. D’une part, partagez-vous ce constat ? D’autre part quels sont vos capacités de représentation et le cas échéant d’intervention à l’égard de ces personnels ?
Non seulement nous partageons le constat mais nous déplorons et combattons cette situation qui se traduit par une précarisation des enseignants et par un recours à des formes de travail atypiques et prohibés par la CCN (portage salarial, micro-entrepreneurs). C’est une manière de développer une soumission exagérée en direction des enseignants et de maintenir un clientélisme en faisant miroiter qu’avec suffisamment de docilité, certains enseignants pourront obtenir un CDI.
Cela a des conséquences délétères sur la qualité des formations puisque le secteur ne peut pas fidéliser le corps professoral et alourdit la charge de travail de ceux qui sont les soutiers du système, qui pour gagner correctement leur vie doivent multiplier les « piges ». Les établissements usent et abusent d’intervenants sous statut contraint de micro-entrepreneur ou d’indépendant qui n’ont aucun droit collectif : ils ne sont ni électeurs, ni éligibles aux élections professionnelles, pourtant ils font partie de la communauté de travail. En réalité, il s’agit de travail salarié déguisé et proscrit par les conventions collectives de nos champs.
Signalons aussi les procédés visant à économiser la présence des enseignants : saturation des salles de cours ; réduction des heures de face à face ; limitation du « présentiel » par le duo « e-learning et pédagogie inversée » (aux élèves de lire les cours en ligne puis d’être réunis autour d’un exercice d’application rebaptisé « travail collaboratif », « workshop », « projet » et autre « learning by doing » …) et aussi, le « travail en autonomie ».
Les formations ne préparent pas à l’apprentissage de métiers mais à l’acquisition de prétendues compétences. L’enseignement est ainsi saucissonné à la mode Qualiopi. Le projet industriel semble ainsi résider dans la transformation de l’enseignement supérieur en fabrique à CAP. Pourtant, l’Enseignement supérieur est censé former les travailleurs et plus largement les citoyens de demain, pas de la main-d’œuvre immédiatement employable ou pour reprendre la vulgate néolibérale des « collaborateurs souples et agiles, entrepreneurs d’eux-mêmes » c.à.d. taillables et corvéables à merci, s’auto-formant sans rémunération hors temps de travail. Nous assistons ainsi à l’hybridation des programmes (formation initiale, formation en alternance formation continue) et des méthodes (présentiel, distanciel, comodal).
Par ailleurs, une partie de ces formations, celles en alternance où l’étudiant passe la quasi-totalité de l’année en entreprise, s’apparente à du travail dissimulé.
Les heures de face à face sont sans cesse réduites au profit de l’enseignement à distance et à des semaines consacrées à des « projets » et autres « learning by doing ». Les apprenants, le plus souvent, n’ont pas les bases nécessaires pour « apprendre en faisant ».
De plus, l’enseignement des langues se fait souvent via des plateformes où les intervenants peuvent être situés en dehors du territoire national dans les pays du Sud. C’est un véritable dumping social.
Pour prendre la mesure de l’enregistrement numérique des cours et de leur diffusion en ligne, en tout temps et en tout espace, sans tenir compte du droit à l’image et du droit de la propriété intellectuelle, il est à noter le rachat en 2022 par le groupe AD Education d’Oktogone spécialiste de la formation à distance pour 200 M€ soit 20 fois l’EBITDA après celui, en 2018, de Studi par Galileo Global Education.
Pour les formations de niveau Licence ou Master, les équipes pédagogiques sont rarement constituées d’enseignants-chercheurs en nombre suffisant, l’adossement à la recherche est quasi nul, il n’y a pas ou peu de préparation méthodologique à la poursuite d’études en doctorat.
Les « prospects », et autres « clients » seraient avisés, de vérifier le nombre des pseudo-ECTS traduits en heures de cours en face à face qui devraient au moins comprendre 700h … Rappel : la charge de travail d’un étudiant dans l’enseignement supérieur européen est comprise entre 1500 et 1800 heures pour une année universitaire, ce qui signifie qu’un crédit correspond à 25/30h de travail (30 crédits ECTS par semestre, 60 crédits ECTS par année). En France, la conférence des présidents d’université devenue France universités recommande 1650h par année académique et 25/30h par ECTS. Au Royaume Uni, champion de l’application des recettes néo-libérales, un crédit comprend 20h et l’année universitaire peut descendre de 1800 à 1200 heures ! Payer plus pour avoir moins …
Pour l’obtention des titres RNCP et de leur niveau les entreprises dudit enseignement lucratif mettent en avant des salariés titulaires d’un doctorat qui ne sont pas rémunérés en fonction de leur niveau de diplôme mais de l’année d’exercice ni n’interviennent dans les maquettes d’enseignement. Cet usage est tout aussi trompeur que scandaleux.
Voir ci-dessous la nécessaire révision des contrôles des formations et nos recommandations sur le cadre légal.
Ils sont totalement insuffisants. Le secteur de l’enseignement supérieur privé rassemble aujourd’hui près d’un quart des étudiants français dont les entreprises lucratives d’enseignement supérieur se taille la part du lion en connaissant un développement inédit sans encadrement digne de ce nom.
Les réquisits de Qualiopi sont fondés sur la forme et non sur le fond et France compétences joue insuffisamment son rôle de contrôle et semble se contenter de gérer des datas. France compétences délègue à des opérateurs privés la première étape vers la certification c.à.d. l’obtention du label Qualiopi et à des certificateurs le contrôle de titres RNCP qui sont loués, prêtés ou échangés. Les organisations en groupe ou en réseau permettent ainsi de suppléer à toute perte de titre et d’assurer leur marchandisation.
En consultant le Rapport d’activité 2021 de France compétences on peut trouver, page 43, sur la politique de contrôle des certificateurs, la mise en demeure de 52 d’entre eux : Elles portaient principalement sur le défaut de déclaration des partenaires ou sur une communication dysfonctionnelle quant à la certification ou aux formations préparant à celle-ci. Une partie de ces problématiques de communication traduisent une mise en œuvre de la certification significativement différente du cadre initialement prévu. On apprécie l’euphémisme « communication dysfonctionnelle ». À notre sens, France compétences ne peut limiter son contrôle du qualitatif à quelques « sondages » numériques sur les sites internet des certificateurs, mises en demeure et à l’édition de notes voire d’un FAQ. En tant qu’autorité constitué elle doit, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, quand elle a : la connaissance d’un crime ou d’un délit (elle) est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. Les délits visés sont ceux de « tromperie » (Code de la consommation L441-1) et de « tromperie en bande organisée » (Code de la consommation L454-3).
Le MESR avait lancé une mission sur l’Enseignement supérieur lucratif en octobre 2022, largement attendue par les organisations syndicales du Supérieur, mais l’a finalement intégrée au « groupe de travail sur les formations privées », mis en place pour « réfléchir à un label de qualité » pour l’aide à l’orientation, et sans plus faire de distinction entre privé non lucratif et privé lucratif, considérant que la « porte d’entrée » est la formation. Ce n’est pas notre position.
Le MESR considère que les procédures et critères d’évaluation autour du label « grade de licence ou de master » pour les formations adossées à la recherche, fonctionnent. Ce n’est pas notre position non plus (voir plus haut).
Pour les formations professionnalisantes délivrées par les établissements privés, elles ne sont pas du tout regardées par le MESR. Et le ministère du Travail appréhende uniquement l’adéquation entre la formation proposée et les attentes des employeurs, notamment en matière de compétences, via l’inscription au RNCP.
Avant tout, nous demandons la stricte application de l’article 13 du « Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 » :
La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État.
Nous rappelons aussi que l’article L613-1 du code de l’éducation stipule : L’État a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires. Cela posé,
• Il faut déjà faire appliquer la loi : les articles L. 731-14 et L. 731-19 du Code de l’éducation, en vigueur depuis la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche ont été mis en place pour, d’une part, prévoir une sanction pécuniaire élevée (30 000 euros) pour le responsable d’établissement qui décerne des diplômes portant le nom de master, ou qui décerne des diplômes en référence au grade de master sans avoir été accrédité ou autorisé par l’État ; d’autre part, faire obligation aux établissements d’enseignement supérieur privés de faire figurer dans leur publicité et leur document d’inscription une mention précisant leur statut et la nature de leurs relations avec l’État (voir le rapport 2022 de la médiatrice de l’Éducation Nationale et de l’enseignement supérieur).
• Nous sommes opposés à Parcoursup et demandons son abandon, mais en attendant, il faut annuler l’arrêté de 2021 qui permet d’entrer dans Parcoursup avec une seule inscription au RNCP.
• D’ici là, il faut qu’une distinction claire soit opérée sur la plateforme entre les formations publiques et celles du privé, lucratif ou pas. Il faut spécifier que les titres RNCP ne sont pas des « équivalences » aux diplômes d’État et éclaircir les notions de visas, de grades, de diplômes (diplômes d’État, diplômes visés, diplômes d’établissement) en proposant des outils aux futurs étudiants leur permettant de vérifier la nature des formations et leurs perspectives en termes de poursuite d’études et d’insertion professionnelle.
• Nous demandons la suppression de la possibilité de louer, échanger ou prêter les titres RNCP que ce soit au sein d’une même entreprise, un groupe ou un réseau. La marchandisation des titres doit être prohibée à l’exemple des diplômes d’État de l’Université.
• Nous demandons que soient prises des dispositions spécifiques aux métiers de l’enseignement supérieur qui permettent de sécuriser les parcours des enseignants et enseignants-chercheurs. Une interdiction des CDD d’usage à répétition et du recours au micro entreprenariat pour des besoins pérennes des établissements. Ce qui a aussi des répercussions sur les droits syndicaux et la représentation du personnel dans les Comités Sociaux et Économiques.
• Nous demandons le renforcement des règles sur les conflits d’intérêt de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique qui semblent notoirement insuffisantes vu le nombre de très hauts fonctionnaires employés par le groupe Galileo et plus récemment chez Ionis Education Group.
• Enfin, nous demandons l’inscription au code du travail de la possibilité de recourir à la négociation en vidéo-conférence des protocoles d’accord pré-électoraux à la demande des organisations syndicales représentatives. Les grands groupes, férus d’enseignement à distance voire en
« comodal », nous refuse systématiquement cette possibilité, ce qui en dit long sur leur appréciation du fait syndical et la réalité du dialogue social.