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jeudi 23 avril 2020

Communiqués de la CGT FERC Sup Paris 8 (année 2019-2020).

Paris 8 • Pour la neutralisation du second semestre !

Ça suffit ! La crise qui frappe notre pays n’est pas seulement sanitaire. Elle est aussi sociale, politique, et écologique [1].

Elle est sociale dans la mesure où s’y dévoilent de façon tragique les inégalités qui n’ont cessé de croître au sein de notre société depuis vingt-cinq ans. Comment s’étonner qu’une part non-négligeable de la population connaisse aujourd’hui la faim alors que les gouvernements qui se sont succédés n’ont cessé de rendre plus précaire le travail, qu’en dépit des promesses l’accès au logement est de plus en plus difficile, que les services publics, au premier rang desquels les services de santé, ont été à ce point maltraités.

Elle est politique car elle s’inscrit dans un moment où le pouvoir s’essaye à de nouvelles impostures, laissant penser qu’il aurait été touché par la grâce du commun, alors que toutes les mesures qu’il prend tendent toujours et encore à renforcer l’emprise du capital dans notre société et à contrôler les « classes dangereuses ».

Notre université est bien placée pour connaître de l’intérieur cette situation. Que ce soient les étudiant·es du 93, les étudiant·es étranger·es qui viennent en nombre s’inscrire dans nos cursus, les salarié·es et les parents qui viennent y parfaire leur formation… La précarité et la misère sont le lot quotidien d’un grand nombre de celles et de ceux qui fréquentent nos cours. Pour notre établissement, plus que pour tout autre, la crise sociale et politique que traverse notre pays ne saurait constituer qu’un simple objet d’étude. Elle est notre réel.

Il nous semble dès lors que nous devons absolument tenir compte de cette situation pour envisager les conditions dans lesquelles cette année universitaire va s’achever ainsi que les conditions dans lesquelles l’année prochaine va s’ouvrir.

Demander aujourd’hui à l’ensemble des étudiants de « mériter » leur diplôme par le rendu d’un travail nous semble être, non seulement un déni de réalité, mais un déni d’humanité.

Ce sont plus de 800 demandes de colis alimentaires au collectif Secours Populaire-Solidaires Étudiant·es-RUSF et plus de 1000 de demandes d’aide d’urgence auprès du service de la vie étudiante qui ont été faites ! Nous pouvons ainsi affirmer qu’il y a au moins 1 étudiant·e sur 20 qui est dans la détresse économique.

Celles et ceux qui pensent que les cas d’étudiant-es qui n’arrivent même pas à manger sont « rares » sont invité·es à rejoindre les rangs des volontaires de notre université qui distribuent une à deux fois par semaine des colis alimentaires devant l’université. Dans la longue file, certain·es de ces étudiant·es font des crises d’hypoglycémie, d’autres pleurent à la réception de ces colis « de survie ». Ils et elles pourront alors estimer si ces personnes sont capables de suivre leurs cours à distance et de les valider ! Elles et ils pourront juger de l’angoisse qui est la leur lorsque ces étudiant·es pensent ne pas valider leur année, risquant alors de perdre leurs bourses de misère et leur visa, et de plonger avec certitude dans une misère durable.

A cela s’ajoute le stress, l’angoisse et des cas de dépression, qui prolifèrent au sein du confinement. Celui-ci accroît l’isolement qui atteint en particulier les plus fragiles ; un isolement psychique, sociale, mental, qui les empêche le plus souvent de recevoir (ou d’offrir) du soutien et du réconfort.

Qui plus est, au-delà des inquiétudes sanitaires qui toutes et tous nous affectent, des deuils même qui frappent certains, comment ne pas comprendre l’angoisse éprouvée par ces étudiant·es à qui il est d’ores et déjà promis une décennie de crise économique laissant déjà augurer qu’ils pourraient être une « génération sacrifiée » ? Nous savons tous que pour beaucoup de nos étudiant·es, la seule ressource documentaire dont elles et ils disposent – et parfois même leur seul lieu de travail – est notre bibliothèque universitaire. Comment peut-on imaginer qu’il leur soit possible dans les conditions actuelles de mener un travail sérieux dès lors que cet accès est rendu impossible ?

Si nous maintenons les partiels, les rendus de dossier, qu’allons-nous évaluer, sinon les effets d’une distinction sociale contre laquelle notre université, depuis sa fondation, s’est toujours donnée comme objectif de lutter ? Qui allons-nous pénaliser, sinon les plus fragiles ?

Celles et ceux d’entre nous qui ont eu la possibilité de ne pas rompre le fil pédagogique avec les étudiant·es savent qu’en vérité cela n’a touché qu’une minorité d’entre elles et eux et que les conditions de partage et d’expérimentation du savoir sont extrêmement difficiles.

Nous en appelons donc à la raison de toutes et de tous. Cette situation exceptionnelle appelle de notre part une réponse exceptionnelle. Faire comme si la situation était « normale » participe directement de l’élimination des classes les moins favorisées. C’est un acte politique !

Nous ne voyons pas d’autre solution que la neutralisation de ce semestre, autrement dit la validation de l’année en ayant comme base un seul semestre.

De la même façon, il nous semble tout à fait irréaliste de penser que la rentrée puisse s’effectuer le 14 septembre. Nous demandons que le début des cours soit différé d’un mois afin que septembre soit un mois de ré-ajustage des problèmes engendrés par cette crise.

On nous dira que ces revendications sont irréalistes. Elles nous semblent au contraire coller à la réalité et être portées par la volonté de défendre, non seulement l’intérêt des étudiant·es, mais la valeur de nos diplômes. Face à cette menace commune, il nous faut abandonner nos habitudes d’avancer en groupes dispersés, voire individuellement, chacun·e pouvant décider au gré de son humeur ou de sa sensibilité comment il ou elle va faire valider son cours.

Nous refusons d’être complices d’un ministère dont la seule réponse à cette crise consiste à faire croire qu’il y a de la continuité là où la majorité subit de plein fouet une rupture.

Nous refusons d’être complice d’un ministère qui n’a en rien renoncé à la LPPR, laquelle n’est jamais qu’un degré de plus dans le démantèlement du service public de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Nous comptons sur vous pour ne pas aggraver la situation de celles et ceux qui sont déjà les plus victimes de cette crise sanitaire.

Le syndicat CGT FERC Sup de l’université Paris 8, le 23 avril 2020


[1Le Covid-19 étant une zoonose, provoquée par la rupture des équilibres écologiques.