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vendredi 5 juin 2020

Site web CGT FERC Sup Sorbonne Université

Nous refusons un service public dégradé de l’enseignement supérieur

Des annonces précipitées

Début mai, la ministre de l’ESR, Frédérique Vidal a déclaré dans la presse qu’en raison des risques sanitaires liés à la pandémie de Covid 19 les enseignements dans les universités pourraient se dérouler à la rentrée de septembre essentiellement à distance, ou tout au moins sous une forme "hybride".
Notons qu’un communiqué de presse du Ministère, sorti le 2 juin, annonçait d’abord que "sous réserve de l’évolution de la situation sanitaire, les activités de formation initiale en présentiel pourraient reprendre de manière régulière au sein des campus à la rentrée." Mais le communiqué (modifié dès le lendemain !) indique désormais que "les établissements doivent prévoir des enseignements en distanciel et/ou en présentiel dans une mesure et selon des modalités qu’il leur appartiendra de déterminer et qui leur permettront d’anticiper une éventuelle dégradation des conditions sanitaires."

Très vite notre université a répercuté les annonces de la ministre et les directions des facultés ont donc demandé aux départements de formation d’adapter leurs enseignements dans l’hypothèse d’un accueil restreint sur les campus. Concrètement, la quasi-totalité des CM et la moitié voire 70% des TP et des TD de licence et de master se feraient à distance au 1er semestre de la prochaine année universitaire (2020-2021), et aussi possiblement au 2nd semestre. Par ailleurs, des déclarations ambiguës de la part du président de Sorbonne Université ou de certain-e-s responsables de formation semblent indiquer que cet enseignement hybride pourrait se prolonger au-delà de la crise sanitaire.

Pour quel objectif ?

Plutôt que de s’appesantir sur le côté branquignol de notre bon ministère, on peut se demander quel est l’objectif poursuivi par nos dirigeants quand ils veulent mettre en place de manière massive des enseignements à distance (EàD), en remplacement de l’enseignement présentiel.

Bien sûr il y a une crise sanitaire en cours, face à laquelle il n’est pas question de reprendre comme si de rien n’était. Il est vrai que les politiques d’austérité budgétaire menées depuis des années dans l’ESR ont conduit à des amphis surchargés qui ne facilitent pas le respect de la distanciation physique !

Mais en réalité, la mise en place du distanciel est surtout une réponse économique à cette crise sanitaire. On voit bien où sont les priorités du gouvernement, quand il autorise la réouverture du Puy du Fou avant de donner les moyens aux écoles, aux universités, d’accueillir correctement les élèves et étudiants ; ou quand il offre aux banques 400 milliards d’euros pour garantir des prêts aux entreprises.

En effet, l’EàD semble à première vue très économique : un seul enseignant peut faire cours à des milliers d’étudiants en même temps, et une fois le cours ou le TD "on-line" créé, il peut être répété à l’identique l’année d’après, sans coût supplémentaire en heures d’enseignement.

Une autre motivation de la présidence de SU pourrait être de proposer une offre à distance, pour répondre à un marché au niveau national ou international. Il s’agirait de faire venir à SU des enseignants et des étudiants "d’élite", qui pour le moment ne viennent pas en raison du coût exorbitant de la vie parisienne. Ces personnes pourraient continuer à vivre en province ou à l’étranger tout en participant à des enseignements en ligne.

Le miroir aux alouettes

En réalité, monter un véritable enseignement à distance de qualité coûte très cher : il implique un plan de formation ambitieux des enseignants, des équipes techniques bien plus étoffées que ce qui existe aujourd’hui, du matériel informatique et audiovisuel en nombre suffisant, et enfin un temps de travail plus important pour l’équipe pédagogique pour monter une formation réfléchie, pertinente.

Il doit par ailleurs, obligatoirement, reposer sur le volontariat aussi bien des enseignants que des étudiants.

Au-delà du fait que l’enseignement tel qu’il est dans notre culture présuppose l’échange personnel, l’EàD présente l’inconvénient de nous rendre entièrement dépendants de technologies numériques, grandes consommatrices en énergie électrique et en métaux rares, mais aussi de remettre en cause notre souveraineté technologique, en s’adressant à des sociétés privées peu soucieuses de nos données personnelles...

L’EàD peut aussi créer d’énormes difficultés pour travailler, aussi bien pour les étudiants que pour les enseignants, ceux qui ne bénéficient pas de bonnes conditions matérielles (accès à un ordinateur, à un endroit calme pour travailler, à une bonne connexion internet) ou qui sont dans des situations personnelles difficiles (colocation, enfants en bas age, personnes à charge à domicile, ou au contraire trop grand isolement) étant largement défavorisés. L’EàD peut donc d’accroître considérablement les inégalités entre étudiants.
De plus, l’expérience montre que le distanciel, même mis en place de façon pertinente, sur la base du volontariat des enseignants comme des étudiants, demande plus de temps et d’énergie que l’enseignement en présentiel : plus de travail pour les enseignants, mais aussi plus de temps pour les étudiants (licence en 4 ou 5 ans au lieu de 3, etc.), qui doivent en outre être peu nombreux et faire preuve d’une grande maturité.

En définitive, l’EàD ne peut pas remplacer le présentiel ; ce n’est pas parce qu’il se révèle pertinent pour certains cursus, pour certains étudiants, qu’il peut ou doit être généralisé.

Le distanciel ne s’improvise pas, ne s’impose pas - alors faisons du low cost !

Ce qu’on nous propose pour la rentrée de septembre, ce n’est pas de l’EàD, c’est simplement – et tristement - un enseignement dégradé.

On a vu pendant le confinement les dégâts du distanciel mise en place à la va-vite, malgré les efforts immenses de l’ensemble des personnels de SU : de nombreux étudiants ont décroché partiellement ou totalement.

On peut craindre par ailleurs que la mise en place de cours en ligne imposés appauvrira la liberté pédagogique des enseignants, faute d’avoir pu prendre le temps de réfléchir à l’adaptation du contenu de l’enseignement à un nouveau rythme d’apprentissage ou de maîtriser totalement les outils.

Enfin, un enseignement dégradé signifie que l’université délivrera des diplômes au rabais. Le distanciel dans les conditions que nous avons connues pendant le confinement ne permet pas de faire autant qu’en présentiel.

La CGT refuse cette réponse à bas coût

Nous exigeons la réouverture avec les moyens les moyens pour assurer un enseignement en présentiel, avec toutes les garanties sanitaires.

Pour cela, nous revendiquons :

  • le dédoublement des groupes, et des locaux en nombre suffisant pour accueillir ces groupes en présentiel
  • le recrutement massif d’enseignants pour permettre un meilleur suivi des étudiants
  • le recrutement additionnel d’ingénieurs pédagogiques, d’informaticiens et de techniciens audiovisuels pour permettre un meilleur emploi des technologies numériques dans l’enseignement quand elles se révèlent pertinentes.