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mardi 2 octobre 2018

« CAP 2022 » : une offensive sans précédent contre les statuts des personnels et les établissements de l’Enseignement supérieur et de la recherche !


Les scandales de l’été n’ont pas entamé la volonté du gouvernement de multiplier les attaques générales contre les salariés, les retraités, les bénéficiaires des prestations sociales… Outre l’énorme chantier de casse des systèmes de retraites annoncé, le rapport du « Comité action publique 2022 » (CAP 2022) formalise toutes les attaques mises en route contre la fonction publique et ses agents.

Ce rapport, commandé par Édouard Philippe à l’automne dernier, a fuité cet été. Un comité d’une quarantaine de personnalités, dont des chefs d’entreprises, des membres de l’Institut Montaigne connu pour ses publications ultralibérales, a remis sa copie avec 22 propositions en faisant miroiter 30 milliards d’économies sur les dépenses publiques, à condition de « transformer » l’action publique. Le rapport incite l’État à se désengager là où ce n’est pas encore fait : transport ferroviaire (avec ouverture au privé), réseau de transport routier, distribution de l’énergie, logement, financement de l’Office national des forêts, sport pour tous, contrôles (sanitaires, fraudes…)… Même le financement des hôpitaux est dans le collimateur, comme si la situation n’y était pas déjà extrêmement critique ! Tous les services publics, y compris l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, sont attaqués.

Concernant l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), l’accroissement de l’autonomie des établissements, l’encadrement de leur activité par le contrat, l’augmentation de leurs ressources propres y compris par l’augmentation des droits d’inscription, une différenciation accrue des établissements en vue de leur mise en concurrence selon une classification distinguant ceux qui ont une vocation régionale, nationale ou internationale, la dilapidation du patrimoine national avec le transfert de l’ensemble du patrimoine immobilier aux établissements, une gestion inégalitaire et une mise en concurrence des enseignants-chercheurs, tout y est !

Le rapport CAP22 précise : « La politique des formations supérieures, la stratégie nationale de recherche et la tutelle des organismes de recherche continueraient à être assurées par l’administration centrale alors que l’ensemble des autres missions seraient prises en charge par des agences ». Des agences de quelle nature ? Avec quelles missions et quel budget ? CAP22 déplore les mécanismes de financement de l’ESR : « Enfin, le système actuel de subventions de la recherche et de l’enseignement supérieur n’est pas suffisamment incitatif. En effet, les subventions publiques constituent aujourd’hui les trois quarts des ressources des universités et des organismes de recherche. Or, l’attribution de ces subventions n’est pas conditionnée à la performance, à l’atteinte d’objectifs ou de résultats ». De quelle performance est-il question ? Celle des indicateurs des classements internationaux qui n’ont jamais rendu compte du travail réel des équipes de recherche et d’enseignement ? Des enseignants ? Ou bien celle des objectifs de réduction simultanée des moyens et du nombre de fonctionnaires ? Ou encore celle qui consiste à subordonner la recherche publique aux intérêts privés des grands groupes nationaux et européens ?

Ces grands experts en ESR précisent ce qu’ils espèrent :

  • « Piloter les universités et tous les opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche par le contrat, y compris sur la question des moyens. Il s’agit de moduler le financement des opérateurs en fonction de critères clairs et évalués. Cela doit concerner à la fois les universités et les organismes de recherche. », et pour être encore plus clair :
  • « … le financement des organismes doit davantage dépendre des résultats pour constituer une incitation à accroître la qualité de l’enseignement et de la recherche. »

Au niveau des structures, CAP22 suggère d’accroître encore plus l’autonomie des universités. En lien avec le financement, il propose d’« ajuster la carte des laboratoires de recherche aux domaines d’excellence des universités et des grandes écolesles crédits de recherche doivent être alloués selon les domaines d’excellence qui auront été choisis au moment de la différenciation des laboratoires.  ». Les établissements sont donc priés de faire le ménage.

Puisque la plus grande partie des dotations aux établissements de la recherche et de l’enseignement supérieur est consacrée au financement des salaires du personnel, c’est leur statut qui est la cible des experts. Il y a un risque majeur de régression sociale grave : CAP22 déplore que « Les mobilités sont peu encouragées dans les parcours et sont contraintes, notamment par les différents corps. De plus, la gestion des ressources humaines dans la fonction publique est aujourd’hui beaucoup trop centrée sur des questions générales, d’ordre juridique autour du statut ou du contrat, et n’est pas suffisamment individualisée… ». Autrement dit : À bas le statut ! Vive l’individualisation ! Mais « heureusement », le secteur privé arrive à la rescousse : « Il est indispensable d’offrir une flexibilité accrue aux chercheurs et enseignants-chercheurs pour qu’ils puissent bénéficier de carrières dynamiques et envisager des mobilités y compris vers le secteur privé,… ». Dans ce but il faut aussi « revoir la formation des enseignants ». Et pour être bien certain que les règles de « management » du privé seront appliquées au sein de la Fonction Publique, « les talents venant du privé » seront privilégiés pour l’accès aux emplois de cadres dirigeants ! Et si cela n’était pas assez clair, de façon générale, CAP22 suggère « d’élargir le recours au contrat de droit privé comme voie “normale” d’accès à certaines fonctions du service public… », et propose carrément de « donner la possibilité au management de négocier des accords dérogatoires au cadre de la fonction publique, sur l’ensemble des points du statut (rémunération, temps de travail, mobilité …) et de mettre en place des accords sociaux locaux, y compris d’intéressement collectif… ». La mise en route de nombres de ces éléments - non exhaustifs - est déjà effective, notamment dans le cadre des chantiers « Refonder le contrat social » de la direction générale de la fonction publique.

Les organisations soussignées rejettent les mesures proposées par le Comité CAP22 et appellent les personnels à lutter contre leur mise en place.
Nous sommes opposés au pilotage de l’ESR par la carotte financière indexée sur des critères de performance qui n’ont aucune pertinence dans les domaines de la recherche et de l’enseignement et à la remise en cause du statut du personnel de l’ESR.

Nous exigeons :

  • Une revalorisation significative des salaires avec le dégel et la revalorisation du point d’indice, ainsi qu’un rattrapage en nombre de points du pouvoir d’achat perdu depuis 2010 ;
  • un plan pluriannuel de création d’emplois de fonctionnaires, enseignant·e·s-chercheur·e·s, chercheur·e·s, ingénieur·e·s, technicien·ne·s, personnel de bibliothèques et administratif, à hauteur de 6 000 créations par an pendant 10 ans ; et dès à présent, le dégel de tous les emplois vacants ;
  • la fin de la politique de précarisation et la mise en place d’un plan de titularisation des contractuel·le·s et vacataires de l’ESR ; non au contrat de chantier ;
  • une réelle augmentation du financement public de l’ESR : 3 milliards d’euros par an pendant 10 ans pour atteindre l’objectif de 1% du PIB pour la recherche publique et 2% du PIB pour l’enseignement supérieur
    . Elle doit permettre le financement récurrent des établissements nationaux de recherche et des universités à la hauteur des ambitions scientifiques du pays ainsi qu’un plan pluriannuel de création d’emplois titulaires et un plan de construction et de réhabilitation immobilière, afin d’accueillir les étudiant·e·s qui le souhaitent dans la formation de leur choix.

Pour toutes ces raisons, nos organisations appellent les personnels de l’ESR à participer à la journée du 9 octobre pour défendre la Fonction publique et les services publics selon diverses modalités de mobilisation : grèves, rassemblements, manifestations, assemblées générales dans toute la France.

SNTRS-CGT, CGT-INRA, CGT FERC Sup, SNESUP-FSU, SNCS-FSU, SNEP-FSU, SUD RECHERCE EPST, SUD EDUCATION et FO-ESR