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vendredi 22 février 2013

Le projet de loi d’orientation de l’ESR au CNESER

Portant un projet de loi dont les propositions sont aussi éloignées que possible des revendications portées par la communauté universitaire lors des mouvements historiques de 2007 et 2009, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a pris la responsabilité d’user d’une stratégie lui permettant de réduire la portée politique des débats du CNESER. Après les différentes étapes de la consultation factice des assises qui ont permis aux directions universitaires et rectorales, ainsi qu’aux représentants des pouvoirs locaux, de rivaliser pour nourrir la boîte à idée dont on était supposé faire émerger les réformes que le ministère souhaitait mettre en œuvre, de dernier a su endormir le CNESER en lui faisant accroire qu’il pouvait avoir un rôle de collaborateur.

Jouant l’ouverture et la concertation, la ministre ouvre la séance du 18 février en invitant les membres du CNESER a un ultime mois de dialogue pour, dit-elle, faire avancer ensemble le texte de loi. Or ce texte est déposé au même moment au Conseil d’État : il peut donc être encore modifié, mais seulement à la marge, dans le cadre limité d’une procédure de saisine rectificative. Certains syndicats se prêtent à la manoeuvre et lui emboîtent immédiatement le pas en s’engageant dans une interminable bataille d’amendements, pendant deux jours qui ne déboucheront sur aucun vote du texte. Les amendements découverts en séance, un vote morcelé, des amendements de tous bords sont votés ou rejetés : une profusion qui, au fil de l’entrelacs des discussions fait perdre le sens général du texte. C’est aussi la parfaite illustration de l’absence de négociation réelle avec les organisations syndicales pour l’élaboration du projet.

Au terme de 16 heures de débats tardifs, le ministère décide de reporter le vote solennel du CNESER sur l’ensemble du projet de loi au lundi 25, au motif qu’il faudrait relire et nettoyer l’ensemble des amendements votés pendant ces deux jours alors que chacun avait pourtant eu tout le loisir de les lire pour les voter. Mais le ministère voulait surtout pouvoir informer le CNESER des amendements qu’il entendait éventuellement retenir ou modifier, sans que le vote du CNESER sur le texte, amendé ou non, puisse y changer quoi que ce soit. Cette même stratégie avait été employée au mois de janvier lors de la présentation de la loi sur l’école : avant le vote final, le représentant du ministère avait tenu à préciser au CNESER quels amendements lui semblaient éventuellement pouvoir être retenus par le ministère et lesquels n’avaient vraiment aucune chance de l’être. Ce qui enlève quasiment tout intérêt au vote du CNESER sur le texte amendé puisqu’il n’a plus aucune maîtrise sur ses propres amendements.

Cette nouveauté à un effet politique extrêmement grave sur le sens et le rôle de l’institution du CNESER. En émettant son avis sur les amendements qu’il juge éventuellement dignes d’être considérés, le ministère signifie aux membres de cette instance qu’ils sont au mieux des collaborateurs de troisième ordre, certes moins experts que les fonctionnaires du ministère, mais éventuellement dignes de sympathie s’ils se plient à l’exercice et apportent leur collaboration complice au travail des rédacteurs du texte. Le CNESER n’est donc plus reconnu dans son rôle politique d’expression des personnels et usagers, lieu éventuel d’un dissensus politique, où la communauté dit tout simplement haut et fort son avis, éventuellement opposé à celui du ministère. Un tel CNESER, respecté dans son rôle politique, n’a pas à attendre de connaître l’usage que le ministère entend faire de ses amendements pour voter. En outre, le report du vote du CNESER après la consultation cette semaine du Conseil Supérieur de l’Éducation (CSE) et du Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie (CSRT) prive ces deux instances de l’avis politique du CNESER, c’est-à-dire l’appréciation du projet par les représentants de la communauté universitaire et scientifique, sur lequel elles auraient pu s’appuyer. Mais on préfère sans doute qu’il y ait le moins possible de politique dans ces instances consultatives. La fusion annoncée par la loi du CNESER et du CSRT vise sans doute cet objectif, en diluant encore plus l’expression et les aspirations des personnels et des étudiants.

Les syndicats qui se sont engouffrés dans cette bataille d’amendements portent leur part de responsabilité dans cette dérive. Surtout ceux qui par ailleurs disent leur opposition à la loi et pensent qu’imiter les batailles d’amendements du parlement peut avoir du sens dans une institution consultative. Prétendre que son opposition à la loi va pouvoir se traduire en amendements qui vont en altérer le sens est non seulement vain - puisque ces amendements sont soumis à l’avis du ministère qui pourra décider de les ignorer - mais cela crée les conditions de la réduction du CNESER au rang de co-écriture subalterne. En prenant le risque de ce jeu d’amendements, on donne au ministère l’occasion de signifier aux membres du CNESER, avant leur vote, que leur travail est insignifiant et sans portée.

Après les différentes négociations concernant la mise en œuvre de la loi Sauvadet au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et après avoir expérimenté les méthodes de ce ministère lors des réunions du CTMESR, un tel contexte pour cette discussion au CNESER étant largement prévisible, la FERC Sup CGT a décidé de conserver une position cohérente pour exprimer son désaccord avec ce projet de loi : nous avons affirmé notre opposition politique au texte et notre refus de l’amender ou de discuter les amendements. Les élus de la FERC Sup CGT ont également exprimé leur opposition à la méthode mise en oeuvre au moment de l’annonce du report du vote : le CNESER n’a pas à connaître les avis du ministère pour donner solennellement l’avis de la communauté sur le projet de loi. La FERC Sup CGT sera bien présente le lundi 25 février pour voter CONTRE la loi telle qu’elle a été présentée au CNESER et CONTRE le projet amendé issu, après censure du ministère, de l’exercice vain qui vient d’avoir lieu, dans une version que nous ne connaissons toujours pas à moins d’un week end avant la prochaine réunion du CNESER.

Après une assemblée générale qui a réuni un peu plus de 400 participants le premier jour des débats, un rassemblement d’environ 150 personnes s’est tenu devant le CNESER le second jour pour manifester l’opposition au projet.

La FERC SUP CGT appelle ses syndicats et l’ensemble des personnels et des étudiants à participer activement et massivement à l’amplification du mouvement pour construire la lutte contre cette loi qui grave dans le marbre l’autonomie des Universités et l’inscrit durablement dans un processus de régionalisation du Service public d’Enseignement supérieur et de Recherche.