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mardi 12 septembre 2023

CNESER plénier du 12 septembre 2023 - Déclaration liminaire et compte rendu

Le CNESER s’est réuni le 12 septembre 2023 pour sa séance d’installation suite aux élections du 15 juin dernier

Compte rendu des élu·es CGT FERC Sup au CNESER

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Le CNESER s’est réuni le 12 septembre 2023 pour sa séance d’installation suite aux élections.

A ce titre, les élu·es ont eu droit à la présence de la ministre pour un discours introductif et un échange avec la salle. Voici les principales orientations présentées, qu’on retrouve d’ailleurs en partie dans d’autres interventions / interviews :

Dans son discours d’introduction, Retailleau présente brièvement les trois axes de son programme : un ESR au service des étudiants et de leur projet professionnel (discours creux), amélioration de la qualité de vie des étudiants (bourses, repas à un euro, etc.), et enfin "transformation" des établissements de l’ESR (notamment, le rapport Gillet apporte des pistes de simplification). Elle se félicite de la rentrée, Parcoursup s’est "bien passé", d’après elle tout le monde le dit (elle cite la médiatrice ; le reste de "tout le monde" n’est pas clair). MonMaster aussi. Et puis le gouvernement finance fortement l’ESR. Bref, tout va bien.

D’une manière générale, son discours démontre bien qu’elle estime que l’offre de formation doit s’adapter aux besoins des employeurs. Cela confirme la vision utilitariste du gouvernement, niant la portée émancipatrice de l’ESR ; vision par ailleurs totalement inefficace car de trop courte vue.

Sur les aspects budgétaires, bien qu’on n’ait pas de financement à la hauteur des besoins (sur le patrimoine, sur les postes, sur les budgets de fonctionnement...), rassurons-nous : le MESR ne va pas ponctionner dans les fonds de roulement des universités.

Simplement, il ne va financer que 50% des mesures Guérini et laisse les universités se débrouiller... donc ponctionner leur fonds de roulement !

Retailleau estime que ce fameux milliard qui dort dans les universités provient d’une gestion "prudentielle" des établissements. Donc après avoir contraint les établissements à gérer leur budget via "l’autonomie", après leur avoir intimé de mettre en place des fonds de roulement comme toute entreprise qui se respecte, le gouvernement décide maintenant de sanctionner les établissements qui ont suivi les ordres ; pour les autres qui sont déjà dans le rouge, pas de réponse claire sur l’apport éventuel du ministère.

Sur le budget toujours, la ministre considère que les COMP (Conventions d’Objectifs, de Moyens et de Performance) permettent d’accompagner les établissements dans leur "modèle économique" et d’optimiser leur gestion financière : selon elle, ce guichet unique est une fabuleuse avancée.

Sur les INSPE et la énième réforme déjà évoquée par Macron, elle confirme que la réflexion en cours sépare le 1er degré et le 2nd degré. Retailleau "concerte les gens des INSPE" : on suppose que "les gens", ce sont les directeurs, qui rappelons-le ne représentent pas les personnels puisqu’ils sont nommés. Mais rien de précis sur la réforme à venir.

Sur les frais d’inscription, la ministre répond qu’il faut distinguer les diplômes nationaux de toutes les autres formations (diplôme d’établissement, formation continue ou à distance...). Et précise qu’elle ne touchera pas aux diplômes nationaux. Le sous-entendu est donc limpide : elle invite les établissements à augmenter les frais d’inscription de toutes les autres formations.

Sur les ESAS (enseignants du secondaire affectés dans le supérieur = les PRAG-PRCE), la ministre corrige le collectif 384 qui considère qu’ils font le même travail que les enseignants-chercheurs. Elle assure que le ministère tend à harmoniser leurs primes avec celles des EC - ce qui est faux par ailleurs.

Pour le reste, pas de réponse sur le glissement général vers le privé, sur le glissement forcé vers l’alternance (pour les néo bacheliers n’ayant obtenu aucune place dans l’enseignement supérieur qu’on oblige à prendre des formations en apprentissage), sur les étudiants délogés pour les JO, sur le logement étudiant et même sur le rôle des CROUS en général, etc.

Elle part en assurant que sa porte reste ouverte, nous voilà rassurés.

Suite à l’introduction de la ministre, le seul texte réglementaire présenté à ce CNESER était la création d’une Université à Mayotte (ou plus précisément la transformation du Centre de formation universitaire et de recherche de Mayotte en Université ; ce qui lui permettrait notamment de délivrer des diplômes en propre).
Nous ne pouvons qu’être favorables à la création d’une Université dans un département insulaire favorisant l’égalité d’accès au service public d’enseignement sur l’ensemble du territoire.
Néanmoins, cette création pose des difficultés liées aux conditions de vie générale de Mayotte (problèmes du manque d’eau potable, de transports...), mais aussi des conditions d’accueil des étudiants (pas de restauration ni de logement étudiant, pas de réelle BU, manque de personnels enseignants et administratifs). Nous sommes intervenus pour défendre la création de cette Université, mais aussi pour exiger du Ministère qu’il mette les moyens pour que l’accueil des étudiants soit équivalent à celui des étudiants de la métropole.

Déclaration liminaire du groupe CGT au CNESER plénier d’installation du 12 septembre 2023


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Madame La Ministre,

Pour l’enseignement supérieur et la recherche, la rentrée 2023 s’effectue dans un climat particulier sur au moins trois niveaux :
-  la rentrée universitaire,
-  la rentrée de la recherche,
-  et enfin - la rentrée sociale, économique et écologique.

D’abord, concernant la rentrée universitaire, la CGT dénonce les cafouillages dans la mise en place de la plateforme MonMaster et les difficultés récurrentes désormais de Parcoursup qui accentuent la sélection dans l’enseignement supérieur et conduit au désarroi bien des lycéens et des étudiants. Nous pouvons nous satisfaire de la croissance de la population étudiante, mais pas de telles conditions d’accueil indigne du Service public et encore moins que de constater l’augmentation globale des étudiants est captée pris par l’enseignement privé (et non public). De nombreux étudiants ne trouvent pas de place dans l’Université, et pour ceux qui en ont une, le manque d’encadrement est dramatique et conduit à une souffrance au travail des personnels enseignants et administratifs comme le montre les mouvements des STAPS à Nantes, Créteil ou Brest.

Ensuite, sur le plan de la recherche, la situation est grave  :

  • les fonds de roulement : en effet que dire de la captation par le gouvernement des fonds de roulement des universités et opérateurs de l’Etat ? Le gouvernement décide sans coup férir d’un programme militaire de 400 Md€ mais vient piocher dans la caisse des Universités, pourtant rendues autonomes selon une volonté clairement affichée. Est- ce ainsi que le gouvernement prépare l’avenir ou l’avenir qu’il appelle de ses vœux, peut-être ?
  • le rapport Gilet : Les travaux et le rapport de M. Gillet n’ouvrent pas vraiment de voies novatrices, à moins d’estimer novateur de nommer un unique référent recherche au plus haut niveau de l’Etat. Nous notons par ailleurs que ce rapport n’a pas été présenté, ni discuté dans notre instance et il serait décliné déjà à titre expérimental. Pour la CGT, les organismes nationaux de recherche ne peuvent pas être transformés en agence de moyen ou de montage de projets, leur métier, c’est bien la recherche. Dans l’ensemble, il semble que le rapport Gillet complexifie encore davantage le secteur de la recherche et privilégie plutôt les recherches immédiatement rentables. Mais enfin avec tous ces montages de projet, de passage devant des commissions, d’évaluation de performance, etc., on se dit que peut-être la dépense va augmenter dans la recherche française en général mais pas dans les labos !

Enfin, la rentrée universitaire est marquée par le contexte social, économique et environnemental.

Malgré un fort mouvement d’opposition unitaire, des rassemblements massifs dans lesquels la jeunesse a pris sa part, le gouvernement a imposé une réforme des retraites inique. Non content de ce passage en force, il semble décider à réprimer la contestation avec des poursuites judiciaires contre les militants syndicaux essentiellement issus de la CGT. Il criminalise également les militants écologistes. Cet autoritarisme n’est pas de nature à décourager la dénonciation d’une politique antipopulaire et à courte de vue dans bien des domaines. La situation des salariés y compris dans le secteur ESR, des familles et de la jeunesse étudiante est rendue encore plus difficile par l’augmentation des prix de premières nécessités - alimentation et énergie – et le logement pour les étudiants, demeure un sujet de préoccupation.

Plus généralement, pour les étudiants, nous constatons une dégradation générale de leurs conditions de vie. Rappelons ici que près de 60% d’étudiants paie un loyer en moyenne de 390€ et que l’offre de logement étudiant est très insuffisante (il manque 250000 logements étudiant). Faut-il rappeler ici aussi qu’un tiers des étudiants renoncent aux soins faute de moyens financiers et près d’un sur deux déclarent sauter des repas pendant une semaine normale de cours ? Est-ce ainsi qu’une grande nation traite sa jeunesse ? Et pour faire bonne mesure, voici qu’il est décidé d’augmenter de manière substantielle les frais d’inscription des étudiants étrangers extra européens. Une bonne façon, nous supposons, de renforcer le rayonnement de la France. Un étudiant extra-communautaire paie 3770 € pour s’inscrire en master contre 243 € pour son homologue européen. Une forte diminution d’inscription d’étu-diants étrangers est déjà constatée – jusqu’à un tiers de moins – dans les Universités qui ne les exonèrent pas de ces frais exorbitants.

Comment traite-t-on dans ce pays, les Universités, ses étudiants ? Il manque déjà une dizaine d’Universités pour les accueillir dans des conditions satisfaisantes et les former pour devenir des citoyens éclairés et des personnes qualifiées. Quand on affiche des ambitions de réindustrialisation et de lutte contre les crises environnementales, ne faut-il pas commencer par là ?
Force est de constater la totale indigence des solutions proposées par le gouvernement. Et fidèle aux préceptes néolibéraux, votre gouvernement continue à dégrader le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.
De plus, le nombre de chercheurs diminue, les patrons de la recherche française s’alarment. Quand on table sur l’innovation, ne faut-il pas y remédier ? Mais peut-être que l’industrialisation consiste pour ce gouvernement à faire venir des industriels étrangers, subventionner leur installation comme cette usine de batterie sèche taïwanaise dans le nord de la France et ainsi profiter provisoirement des résultats de la recherche étrangère ?

Décidément, aucune leçon n’a été tirée de l’échec de la recherche française face à la pandémie COVID.

La CGT estime nécessaire que la France consacre au moins 2,5% de son PIB à l’enseignement supérieur et 3% à la recherche. Il faut se donner les moyens des ambitions déclarées !

Mais quelles ambitions ? Est-ce de transformer l’éducation et l’enseignement supérieur en un marché économique, conformément à l’idéologie néolibérale promue au sein de l’Union européenne et dans les élites politiques ? Après un été de tous les records, dans un contexte de crise environnementale multi-dimensionnelle dont le gouvernement ne semble pas encore avoir pris la mesure, l’urgence est de mettre l’ESR public au service de l’intérêt général et non d’une société capitaliste productiviste et consumériste. Quelques pôles d’excellence ne pourront pas longtemps cacher les conditions dégradées partout ailleurs.

Au travers des contrats de plan Etat-Région (CPER), les exécutifs régionaux participent également à cette pression générale sur la vie universitaire, y compris dans les contenus pédagogiques, l’université devant répondre à leurs yeux aux problématiques économiques de leur territoires. Par suite, les départements de sciences humaines et sociales s’en trouvent marginalisées. La CGT estime que l’enseignement supérieur ne doit pas dépendre des besoins des entreprises, souvent conjoncturelles.

La CGT ne se contente pas de ces constats alarmants. Elle pose une série de revendications qui permettrait à la fois d’accueillir les étudiants dans de meilleures conditions, en particulier en augmentant le budget des œuvres sociales et à tous les enseignants d’exercer leur profession dans un cadre statutaire unique. Il est utile de rappeler ici que la précarité reste une réalité dans l’enseignement supérieur et concerne un tiers des personnels. Elle porte une attention particulière au statut des doctorants avec l’idée d’un financement pendant la durée de leur thèse, pour l’ensemble des doctorants et pas seulement les étudiants en sciences dites dures (cf. en SHS, les doctorants sont souvent non financés).

La CGT porte aussi la revendication de la prise en compte des années d’études dans le calcul des retraites.

La CGT préconise le retour à des établissements de taille humaine, au fonctionnement collégial et démocratique, demeurant régis par le code de l’éducation, construits sur des projets pédagogiques ou de recherche, initiés par les collègues, disposant de financements publics pérennes tout en restant inscrits dans un cadre national public. Elle rappelle la nécessité du monopole public de la collation des grades universitaires.

Aux yeux de la CGT, la présentation du plan national de recherche n’a pas suscité un débat à la hauteur des enjeux. La CGT estime que la stratégie nationale Industrielle d’une part et de la Recherche d’autre part, devrait faire l’objet de débats démocratiques et de choix orchestrés avec et pour les citoyens de ce pays, on en est bien loin ! L’éthique de la Recherche avec les potentiels conflits d’intérêts mériteraient aussi un meilleur encadrement et suivi démocratique.

Enfin, comme dernier point, il nous paraît nécessaire d’évoquer l’avenir des EPIC et notamment celui de l’ISRN dont les jours sont comptés malgré la mobilisation de son personnel. Dans un premier temps décidé, la fusion entre l’ASN et l’ISRN a été suspendue, puis remis en marche. Ainsi, le secteur nucléaire civil français est privé d’un organisme d’études autonome dans le cadre du projet gouvernemental d’accélération du déploiement du nucléaire. Nous condamnons cette décision.
La fin annoncée de l’IRSN ouvre la question du devenir des Etablissements Publics de Recherche dont la situation est alarmante avec des projets de même farine pour le BRGM, l’IFREMER et le CIRAD sans perspective, le CNES en voie de dissolution. En particulier, face aux défis des crises environnementales et de la crise énergétique, outre le secteur de la recherche universitaire, le pays dispose d’EPIC comme le CEA dont les moyens importants doivent être concentrés sur ces enjeux.

Conclusion : la CGT porte une ambition de transformation sociale et écologique complétement opposée à celle en cours depuis des décennies qui consistent à imposer les lois du marché à l’ensemble des activités humaines. L’enseignement supérieur et de la recherche n’échappe pas à cette visée à laquelle elle s’oppose fermement. Dans un contexte d’urgence environnementale et sociale, il est nécessaire et à défendre un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche de qualité et novateur, garant de l’égalité entre les usagers.