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lundi 19 janvier 2015

CNESER du 19 janvier 2015 : déclaration de la CGT et de la CGT FERC Sup

Cette synthèse de l’évolution de l’emploi scientifique en France sur la dernière décennie représente un travail important et fort utile puisqu’elle rassemble des données statistiques détaillées concernant toute la recherche dans le secteur public et dans l’industrie. Nous apprécions les débuts de perspectives et de prospective sur l’ensemble de l’emploi scientifique.

Cependant le rapport que vous nous présentez révèle un merveilleux tour d’illusionnisme. Il est curieusement optimiste par rapport aux analyses de l’OCDE sur la même période. Mais surtout, en lieu et place de la situation désastreuse dénoncée en 2014 par les personnels des universités et des organismes de recherche (EPST et EPIC), le conseil scientifique du CNRS, les responsables de laboratoires eux-mêmes, ce rapport croit pouvoir mettre en avant le magnifique tableau d’une augmentation constante de l’emploi scientifique, porté en particulier par le dynamisme des entreprises, tout au long de la première décennie du siècle : croissance de 29% dans les entreprises et en particulier de 68 % pour les chercheurs.

De plus, cette recherche exécutée en entreprise est concentrée dans les grands groupes et leurs filiales, qui regroupent ainsi 56% des chercheurs, principalement dans les secteurs de l’automobile, de la pharmacie, de l’aéronautique, de l’informatique et des services...
Pourtant, la CGT qui est présente dans tous ces groupes, chez PSA, Sanofi, EADS, Alcatel Lucent, Thales, ST Microelectronics, etc. sait bien que ces entreprises ont considérablement réduit leurs structures de recherche et supprimé de nombreux emplois scientifiques. Du reste, la dépense intérieure en matière de R&D par rapport au PIB, passée de 2,23% en 2002 à 2,24% en 2012, reste loin de l’objectif des 3% proclamé en 2000.

Quelle est donc la clef du mystère ? L’explication est simple, c’est que l’on définit les « chercheurs » en entreprise avec les mêmes critères que ceux qui définissent l’éligibilité des travaux au Crédit Impôt Recherche, ce dispositif d’optimisation fiscale qui permet aux grands groupes de déclarer comme participant à la recherche des salariés ayant des activités plus ou moins reliées à celle-ci. De plus, ce sont des « Équivalent Temps Plein » qui sont dénombrés, le rapport expliquant clairement que ce sont essentiellement des ingénieurs qui sont considérés comme chercheurs, parfois sur des segments très courts de leur activité : pendant quelques heures, l’ingénieur se mue ainsi miraculeusement en chercheur pour le plus grand profit du groupe (avec 56 % des « chercheurs » employés en entreprise, ces grands groupes cumulent 69 % de l’argent public ainsi attiré par ce dispositif). En réalité, les ingénieurs pilotent de la recherche, qui continue à être faite dans les laboratoires publics, aux frais de l’État. La loi ESR de 2013 intime à la recherche publique de se mettre au service des entreprises, celles-ci ne jurent que par l’innovation à court terme pour augmenter leur compétitivité, par laquelle il faut entendre leur résultat financier. C’est ainsi que le CIR incite de grands groupes mondiaux, à déclarer le maintien de leurs effectifs de recherche en France, réduisant de 32 % le coût des salariés qu’ils parviennent à faire passer pour des chercheurs.

Pendant ce temps, les entreprises se détournent des docteurs, qui n’occupent qu’une faible place de ce soi-disant emploi scientifique (12%) et la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives qui doit être effective au 1er janvier 2016 n’a pas fait beaucoup de progrès. Les jeunes véritablement formés à la recherche par le doctorat font face au développement de la précarité dans l’Université et les organismes de recherche publique. Si une grande partie de ceux qui voulaient rejoindre la recherche publique finissent par y trouver une place, c’est après avoir cumulé de nombreux CDD sur de trop nombreuses années. La restructuration des établissements et le développement de la recherche sur projets ont conduit à recruter massivement des CDD, parfois de quelques mois, aussi bien des jeunes chercheurs que du personnel technique et administratif. Les femmes, qu’elles soient en recherche ou en soutien de la recherche sont les plus touchées par la précarité. On constate qu’il y a toujours aussi peu de femmes dans la recherche en entreprise, ce qui reflète directement leur faible nombre dans les écoles d’ingénieurs. Cette situation entraîne pour les personnels titulaires l’absurdité de recommencer en permanence à chasser les financements et à former des agents qui ne restent pas, au lieu de consacrer l’essentiel de leur temps à la recherche. En découlent la déstabilisation des collectifs de travail, les surcharges, la souffrance, dénoncées par toutes les organisations CGT de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le pays enfin paye le prix de ces absurdités, en voyant baisser le nombre de jeunes désireux de faire un doctorat : moins 16% de doctorants français de 2002 à 2012 (même si on peut se réjouir qu’une petite part de cette diminution est liée à la réduction de la durée de la thèse). En 2012, 42% sont étrangers, il est alors facile de montrer que la France est un pays attractif...mais pas pour les étudiants français, manifestement ! Même les CIFRE stagnent depuis 2009-2010 alors qu’il s’agit d’un dispositif pour favoriser l’insertion dans le monde industriel.

La CGT, ses organisations de l’industrie, de l’enseignement supérieur et de la recherche, appellent solennellement le gouvernement à faire cesser le détournement que constitue le Cre´dit Impo^t Recherche (CIR) au profit d’une optimisation fiscale débridée, déjà de´nonce´e par la Cour des Comptes et les parlementaires eux-me^mes, et à œuvrer de toute urgence pour réaliser l’objectif qui aurait dû être celui de ce dispositif dévoyé : un plan pluriannuel ambitieux pour l’emploi scientifique, devenu aujourd’hui indispensable, notamment dans le cadre du plan de restructuration nationale de l’ESR avec la création des ComUE. À titre d’exemple, la cre´ation de 3000 postes de recherche repre´senterait une somme de 180 millions d’euros, soit 3% du CIR qui s’e´le`ve a` plus de 6000 millions d’euros ! L’austérité dévoile ici son véritable visage : les économies drastiques pour ce qui relève du bien commun, et la générosité somptueuse pour les actionnaires.