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jeudi 19 février 2015

La conférence des présidents d’université ne représente pas les universités

Après avoir été réélu malgré une contestation non négligeable (55 voix contre 32), le bureau de la conférence des présidents d’université (CPU) qui affiche clairement la volonté de s’affranchir politiquement de son assemblée générale, poursuit et accélère sa sinistre œuvre de démantèlement du service public national d’enseignement supérieur et de recherche (ESR).

Sous couvert de « Propositions concernant le recrutement, la formation et la carrière des enseignants-chercheurs », la CPU a lancé une nouvelle attaque contre le statut des enseignants-chercheurs et, au-delà, contre le statut de la Fonction publique d’État de tous les agents fonctionnaires des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

En effet, parallèlement, et pour parfaire le processus de restructuration nationale de l’ESR, le bureau de la CPU réclame rien moins que la disparition de la direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère pour que les présidents d’université, potentats locaux, puissent agir comme bon leur semble dans leurs fiefs régionaux avec l’ensemble de leurs personnels.

Avec ces propositions, la CPU remet en cause le statut particulier des enseignants-chercheurs et toutes les instances nationales qui constituent encore un frein et le seul recours des enseignants-chercheurs contre une gestion arbitraire locale : remise en cause de la définition du service obligatoire, nouvelle demande d’une évaluation managériale, affaiblissement des activités de recherche dans les formations initiales, suppression de la procédure de qualification, ingérence dans les modalités de travail des élus du conseil national des universités (CNU) et remise en cause du principe même de son existence, accentuation des recrutements clientélistes par fléchages ad hominem, suppression des décharges d’entrée en carrière, renforcement du rôle des ComUE dans les écoles doctorales et des ESPE qui devraient assurer la formation des enseignants-chercheurs. Cette provocation à l’égard des enseignants-chercheurs intervient dans la perspective de la préparation du rapport gouvernemental imposé par le parlement dans l’article 74 de la loi du 23 juillet 2013, après une mobilisation massive pour sauver le CNU : « Dans un délai de deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport formulant des propositions en vue d’améliorer le recrutement, la formation et le déroulement de la carrière des enseignants-chercheurs. » Ce rapport doit donc être préparé pour juillet 2015.

La CPU fait preuve de schizophrénie lorsqu’elle se lamente de l’hétérogénéité des conditions de recrutements ou de la production de l’habilitation à diriger des recherches (HDR), tout en soutenant le démantèlement des réglementations et services du système national d’enseignement supérieur qui ont participé historiquement à la convergence des pratiques. C’est la même schizophrénie qui avait amené la CPU à se plaindre au Sénat de la régionalisation de la carte des formations universitaires, alors qu’elle ne cesse de réclamer l’autonomie des établissements qui a propulsé le processus de régionalisation et de territorialisation de l’ESR aboutissant aujourd’hui à la création de communautés d’universités et d’établissements (ComUE).

Une spirale du pouvoir sans fin : plus ils échouent, plus ils en veulent !

Par la voix de son bureau, la CPU vise à la fois à détourner l’attention de l’essentiel - la mise en place d’un cadre de management discrétionnaire, sans contrôle ni contre-pouvoirs, dans le trou noir des ComUE - et à renforcer les pouvoirs démesurés des présidences d’université.

Plus ils échouent dans la défense du budget de l’ESR et de leurs établissements auprès du gouvernement, plus ils réclament d’augmentations de leurs pouvoirs discrétionnaires !

Plus ils échouent dans leur mission d’animation du vivre ensemble démocratique des salariés de l’ESR, plus ils réclament le renforcement de leurs pouvoirs discrétionnaires !

L’augmentation de ces pouvoirs sert exclusivement à gérer la pénurie budgétaire et à financer leurs clientèles personnelles de soutiens politiques au sein des établissements. Cet argument implicite qui sous-tend toutes les propositions - « Il y a des problèmes parce que nous n’avons pas assez de pouvoir... augmentez nos pouvoirs et cela ira mieux » - est utilisé sur tous les sujets et permet en même temps au ministère de poursuivre son œuvre de démantèlement du service public national d’ESR.

Mais, qui contrôle les présidents d’université ?

  • Ni les salariés qui n’ont plus les moyens d’appréhension ni tous les éléments de compréhension de la gouverne universitaire ;
  • ni leurs représentants élus qui n’ont plus aucune prérogative de contre-pouvoir ;
  • ni les étudiants qui sont plus que jamais marginalisés dans le fonctionnement du système universitaire ;
  • ni le gouvernement qui est lui-même envahi, dans les cabinets, les administrations et les fonctions d’expertise ou de conseil par la CPU qui fonctionnent comme un lobby.

Désormais, au prétexte de l’autonomie des établissements, le ministère investi par les anciens de la CPU refuse régulièrement de s’ingérer dans le fonctionnement des établissements lorsque nous l’alertons de pratiques autoritaires et inacceptables par les personnels.

Aujourd’hui, la CPU entend aller encore plus loin en affranchissant les présidents d’université de tout contrôle, notamment en matière de gestion de leurs personnels.
Cette nouvelle provocation a lieu alors que seulement 8 décrets de création des ComUE sur les 25 attendus ont été publiés au Journal Officiel en décembre 2014. Ce qui montre l’incapacité du gouvernement et des présidents d’université à imposer partout la mise en place de ces machines à broyer les budgets et les emplois contre l’avis de la grande majorité des personnels et des organisations syndicales qui les représentent.

La résistance des personnels est encore vivace et les empêche d’avancer aussi rapidement qu’ils le souhaiteraient.

Cette opposition vient de se manifester récemment à Rennes où la démission du conseil d’administration de l’université Rennes 2 a entraîné la chute du président de l’université. Ce qui a eu pour conséquence de bloquer le processus de fusion des universités Rennes 1 et Rennes 2. C’est la manifestation du résultat auquel peut conduire la manière autoritaire et opaque qui préside partout à la création des IdEx, des ComUE et des fusions d’établissements.

La CPU, qui a obtenu en 2007 l’autonomie des établissements qu’elle avait réclamée s’offusque régulièrement des restrictions budgétaires auxquelles les soumet le ministère, conséquence directe d’une autonomie qu’elle veut toujours plus forte. Comme vient de le faire par exemple le président de l’Institut national polytechnique de Toulouse qui dénonce le « financement de mesures nouvelles pour l’enseignement supérieur financées par une partie du fonds de roulement de certains établissements ». Sont concernés par exemple l’ENI de Tarbes, l’INSA de Toulouse et l’INP de Toulouse. Le président de l’INPT se demande ainsi « quelle légitimité [il pourrait] encore avoir pour diriger cet établissement dans le cadre d’une politique budgétaire responsable. » Le président de l’INPT condamne la méthode employée par le ministère et le mode de calcul : « elle fragilise le travail mené au sein de l’établissement depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU) ; elle décrédibilise complètement la politique budgétaire rigoureuse, voire impopulaire auprès des personnels, que nous menons ensemble […] Nous avons été obligés de geler des postes et de ne pas renouveler des CDD alors même que nous demandons toujours plus à nos personnels... »

Ainsi, le président de l’INPT l’avoue lui-même, l’austérité est directement financée par les sacrifices demandés aux personnels que l’on pressure toujours plus et par la réduction à marche forcée de la masse salariale et des plafonds d’emploi des établissements.

L’autonomie est un leurre. Preuve est faite ici qu’elle n’a d’autre objectif que de décentraliser et de transférer au niveau local la politique nationale d’austérité.
Au lieu de dénoncer le piège de l’autonomie, la CPU préfère stigmatiser les personnels, réclamer des moyens supplémentaires pour mieux les asservir et accompagner l’explosion de la précarité et de la souffrance au travail (épuisement, tentatives de suicide, arrêts maladie, crises de nerf ou de pleurs, burn out, etc.).

Il est urgent de stopper la dérive patronale de la CPU

La CGT FERC Sup refuse que l’association des présidents d’université, non représentative des personnels et usagers universitaires, s’érige tout à la fois en représentant des établissements d’enseignement supérieur et de recherche d’un côté et comme interlocuteur patronal des personnels en lieu et place du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de l’autre.

La CGT FERC Sup appelle tous les personnels des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ainsi que les organisations syndicales les représentant à :

  • Soutenir massivement la pétition nationale demandant au gouvernement de "Retirer l’agrément d’utilité publique de la Conférence des Présidents d’Université (CPU) et redonner toute leur place aux représentants élus au suffrage proportionnel direct dans les instances locales et nationales".
    voir
  • Interroger dans toutes les instances représentatives des personnels (Conseils d’administration, Conseil académique, Comité technique notamment) les présidents sur le montant de la cotisation de leur établissement à la CPU leur permettant d’y siéger (13000 € à Paris 3 par exemple) et mettre en discussion au sein de ces mêmes instances l’opportunité de financer une cotisation permettant au président de siéger à la CPU à titre personnel.
  • Exiger de leurs présidents qu’ils rendent publiques leurs prises de position et déclarations à la CPU et qu’ils informent tous les personnels des valeurs et propositions qu’ils portent au sein de la CPU. Au besoin, remettre en cause le mandat du président de l’établissement à la CPU et contester le paiement de la cotisation.
  • Demander aux présidents en désaccord avec la politique actuelle de la CPU de se désolidariser des orientations actuelles en se retirant publiquement de la CPU et en mettant un terme au paiement de leur cotisation à la CPU.

Voir également
- Derrière les réformes dévastatrices : la CPU
- Le ministère doit rappeler au président de la CPU ses obligations concernant le CHSCT de son établissement
- La LRU ne leur suffisait pas...