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mardi 27 septembre 2016

Évaluation individuelle des enseignant.e.s-chercheur.e.s

Évaluation individuelle des enseignant.e.s-chercheur.e.s
Le ministère et la CPU veulent le « contrôle de carrière » :
la CP-CNU cède au chantage.

Rappel historique

  • Le décret 2009-460 de Valérie Pécresse avait modifié radicalement le statut des enseignants-chercheurs (EC). Il introduisait notamment l’évaluation individuelle récurrente de tous les enseignants-chercheurs et la modulation de leur service d’enseignement. L’évaluation devait servir de base à la modulation ou aux primes décidées par les chefs d’établissement.
  • Face au mouvement de contestation de grande ampleur (2009) qui exigeait le retrait de ces modifications statutaires, le gouvernement entreprit de sauver le dispositif en le soumettant à l’accord écrit des EC avant toute modulation et en confiant l’évaluation au Conseil national des Universités (CNU). Les gouvernements successifs ont néanmoins concédé et maintenu un moratoire jusqu’en 2015. Le ministère veut maintenant y mettre un terme. Des expérimentations dans certaines sections ont déjà démarré (2 sections en 2013, 9 sections prévues en 2016).
  • Par la suite, le décret 2014-997 de Geneviève Fioraso a maintenu la modulation du service d’enseignement et pudiquement qualifié l’évaluation individuelle de « suivi de carrière ». Les articles 7-1 et 18-1 du décret statutaire 84-431 modifié précisent la procédure : chaque EC doit faire un rapport individuel tous les 5 ans, transmis au CNU avec un complément du Conseil académique. La section du CNU évalue le dossier et transmet ensuite son avis au chef d’établissement et à l’EC. Contrairement à l’évaluation individuelle version 2009 (l’articulation entre évaluation et modulation et primes y était nette), la finalité du « suivi de carrière » se veut plus discrète. La circulaire n° 2015-0013 (BO n° 20 du 14 mai 2015) précise que les recommandations du CNU « sont prises en compte par [le chef d’établissement] en matière d’accompagnement professionnel des personnels. Elles constituent par là même un outil RH favorisant le développement des potentiels et l’épanouissement professionnel. » Pour la CGT FERC Sup, il s’agit bien là d’un outil de management non pas au service des collègues mais destiné à la mise en place du contrôle de carrière par les directions d’établissement.
  • Renouvelé fin 2015, le CNU, exprimant l’aspiration de l’immense majorité des EC, se prononçait très majoritairement contre l’application de ce dispositif ou pour le maintien du moratoire (38 sections CNU sur 52 ont voté des motions en ce sens). La Commission permanente du CNU (CP-CNU) avait émis un vote le 9 décembre 2015 pour demander le maintien du moratoire sur le suivi de carrière avec la poursuite d’expérimentations dans certaines sections.
  • 9 juin 2016 : la CP-CNU signe la mise en place du « contrôle de carrière » ! Alors qu’on s’apprêtait à considérer cette menace écartée, au moins temporairement, le ministère a décidé de revenir à la charge, soutenu par la Conférence des présidents d’université (CPU), véritable lobby patronal. Soumise au chantage organisé par le ministère et la CPU (celui de dessaisir le CNU au profit de l’HCERES) une majorité se dégage à la CP-CNU pour adopter « le principe de l’organisation du suivi de carrière dans les conditions définies avec la DGRH et la CPU » (AG du 9 juin 2016, 96 voix pour, 43 contre et 15 blancs), au mépris des motions de refus votées dans de nombreuses sections CNU. Ce faisant, la CP-CNU met à mal la dernière instance nationale donnant lieu à un scrutin national représentatif et constituant l’une des dernières garanties du statut national des enseignants-chercheurs : le CNU, régulièrement pris pour cible par le ministère et la CPU.
  • Des aménagements à la marge semblent avoir été négociés entre CP-CNU, CPU et ministère (pas encore actés par le ministère) sur le « suivi de carrière », notamment : «  La section CNU formule un avis comprenant deux volets :
    • un à destination uniquement de l’enseignant-chercheur ; un autre à destination de l’établissement et qui est également porté à la connaissance de l’enseignant-chercheur.
    • L’avis de la section ne comprend aucun élément de notation de l’EC. Il s’agit uniquement d’une appréciation littéraire. (sic)
    • L’enseignant-chercheur dispose d’une possibilité de réponse. »

Ces éléments, qui prétendent atténuer provisoirement les effets de l’évaluation, servent en réalité dès aujourd’hui l’objectif du gouvernement et de la CPU : la mise en place du « contrôle de carrière » systématique et individuel de tous les enseignants-chercheurs.

La CGT FERC Sup continue à refuser la mise en place de cette évaluation individuelle

Le « suivi/contrôle de carrière » sera un outil de management
pour contrôler les salariés et servir la politique d’austérité !

  • La CGT FERC Sup tient à rappeler que la carrière de tout enseignant-chercheur est jalonnée de multiples évaluations individuelles et collectives (doctorat, qualification CNU, recrutement, HDR, promotions, demandes de CRCT, demandes de PEDR, mutations, demande de financement pour un projet scientifique ou pédagogique, soumission d’articles ou de monographie pour une publication…). Le « suivi de carrière » n’a donc pas d’objectif scientifique : celui-ci est déjà largement rempli par ces nombreuses et fréquentes évaluations. C’est bien d’un contrôle qu’il s’agit avec l’objectif de fournir aux chefs d’établissements les moyens de gérer au plus près (et au plus serré possible) la masse salariale, dans un contexte d’austérité accrue.
  • La CGT FERC Sup considère que le « suivi/contrôle de carrière » est un outil de management pour les directions d’établissements qui doit leur permettre : d’augmenter le service d’enseignement (non payé en heures complémentaires) d’une partie des collègues ; de mettre au pas la communauté universitaire pour orienter la recherche et l’enseignement selon les axes du ministère ou des directions d’établissements ; et, plus prosaïquement, de décourager toute velléité critique des politiques menées par les directions.

La pratique managériale d’évaluation couplée aux primes au mérite, que ce soit pour les BIATSS ou pour les EC, est conçue pour attaquer les statuts nationaux : l’objectif est que chaque salarié, même travaillant au même endroit que ses collègues, ait un service « à la carte » et une rémunération « sur mesure » : c’est l’individualisation à outrance, à l’opposé des garanties données par le cadre statutaire national.

Certains EC (forcément peu) pourront bénéficier d’une baisse des heures d’enseignement pour se consacrer à la recherche soi-disant « excellente », c’est-à-dire, en réalité, juste en accord avec les desiderata du moment. Et l’immense majorité sera débordée de tâches administratives et d’enseignement, faute de financements et de postes suffisants pour faire fonctionner correctement les établissements.

L’objectif constant des présidents et du ministère :
la modulation de service, puis la suppression de toute référence
à une obligation de service unique, nationale et pour tous.

Le rapport IGAENR 2015-073 ne s’en cache pas : le doublement des obligations de service des EC « non produisants  » ferait ainsi gagner aux établissements « des marges de manœuvre financières non négligeables  ». Et plus loin : « À réglementation inchangée, dans le cadre d’un suivi individualisé au niveau local, les responsables de composantes chargés de l’organisation des services d’enseignement, devraient encourager les enseignants-chercheurs moins actifs en recherche à accepter, pour une année donnée, un accroissement de leur horaire d’enseignement, avec, éventuellement, un accompagnement financier partiel incitatif. »

Comme cela risque d’être inefficace selon le rapport IGAENR lui-même, en raison du « verrou » que constitue l’obligation d’accord signé de l’EC, le rapport suggère deux niveaux de modifications statutaires. Dans une première hypothèse, le CA fixerait les modulations de services de chacun, avec possibilité de recours devant le Conseil Académique. La seconde hypothèse consisterait « à généraliser la modulation en remplaçant la règle uniforme des 192 HETD par un système individualisé de fourchettes horaires. En fonction du moment de la carrière [...] et de leurs autres activités, notamment de recherche, les enseignants-chercheurs auraient une charge d’enseignement comprise, par exemple entre 64 (ou 96) et 288 HETD pendant une durée donnée.  » Le rapport propose donc « la fixation d’un plafond horaire d’enseignement à 288 HETD (soit une augmentation de 50 % de l’horaire d’enseignement statutaire). »

Ce qui est en jeu ici c’est bien l’inversion de la hiérarchie des normes déjà bien engagée avec « l’autonomie » donnée aux établissements par la loi LRU-Pécresse de 2007 et âprement combattue par la CGT et ses militants qui réclamaient le retrait du projet de loi « Travail » et exigent aujourd’hui son abrogation.

  • La CGT FERC Sup revendique le retrait de la modulation de service d’enseignement des EC, la diminution du service statutaire d’enseignement à 150 heures équivalent TD pour les EC, et à 300 heures de TD pour les PRAG/PRCE/PLP. L’obligation de service des enseignants et des enseignants-chercheurs ne doit s’apprécier qu’en terme d’heures d’enseignement fixées au niveau national (assorties de maxima hebdomadaires pour les enseignants). Elle réclame la suppression de l’évaluation individuelle hiérarchique des enseignants-chercheurs comme elle le revendique aussi pour les personnels BIATSS.
  • La CGT FERC Sup rappelle que le CNU, instance nationale de régulation des carrières, composée majoritairement d’élus, est un lieu essentiel d’expression de la communauté scientifique et doit rester une composante du statut national d’enseignant-chercheur que nous défendons. La CGT FERC Sup défend le rôle des sections du CNU pour les seules procédures nationales de qualifications, promotions et attribution de CRCT.

Les enseignants syndiqués de la CGT FERC Sup réunis à Montreuil le 26 septembre :

  • appellent toutes les sections CNU à manifester leur refus catégorique du « suivi/contrôle de carrière » et à affirmer qu’elles ne la mettront pas en œuvre,
  • appellent les collègues dans les établissements à se mobiliser en vue d’un boycott collectif de la procédure et à faire pression en ce sens sur leurs élus dans les sections CNU