Le 10 avril 2025, le gouvernement a présenté aux organisations syndicales le projet de modification du « cadre d’exercice » des enseignant·es du secondaire affectés dans le Supérieur (ESAS, un terme générique qui désigne les PRAG, PRCE, PLP, PEPS). Ce projet avait été annoncé (sans texte) il y a un an et avait été repoussé. Pour l’essentiel, les analyses critiques de la CGT FERC Sup se sont hélas vérifiées (voir notre communiqué).
En résumé :
- Refus net et cinglant d’aligner la prime statutaire des PRAG-PRCE (PES) sur la part statutaire C1 du RIPEC des enseignant·es-Chercheur·ses (EC) malgré les demandes unanimes des organisations. Pour le ministère : impossible d’aligner les primes statuaires. La DGRH précise : « c’est l’aspect recherche qui est valorisé, donc, par définition, les ESAS sont ontologiquement exclus du RIPEC ». En réaction à des marques de désapprobation, la DGRH, loin de se rétracter, réitère : « je persiste, c’est ontologique ! ». Et de rajouter : « les ESAS sont prévus pour missions de soutien aux enseignements »… Notre employeur ajoute donc le mépris social à son refus de principe ;
- Reculs sur le décret quasi-statutaire n°93-461 :
- Ajout de nouvelles tâches obligatoires (suivi individuel, évaluation, orientation, tutorat, insertion professionnelle) et d’autres facultatives (dialogue entre sciences et sociétés, diffusion, conservation et enrichissement des collections, activités documentaires, responsabilité et fonctions relative à l’administration et à la gestion, vie collective… en gros, toutes les tâches hors recherche des EC). Les tâches obligatoires ne pourraient plus être refusées ni payées. Les collègues seraient de plus en plus « incités » à faire les tâches facultatives ; ces dernières devraient être décomptées du service selon un « référentiel d’équivalence horaire » qui n’aurait de national que le nom et qui serait décidé par le CA restreint de chaque établissement (voir ci-dessous).
- Concernant les tâches hors enseignement, que ce soit celles précédées de « peuvent » dans le projet de décret (par opposition à « doivent ») ou bien celles listées dans le référentiel des tâches, le ministère a déclaré à de très nombreuses reprises qu’elles n’auront juridiquement aucun caractère obligatoire et resteront donc facultatives. A cet égard le ministère précise : « Vu le caractère important des modifications faites [dans le décret de 93], on accompagnera par une circulaire qui insiste sur « peuvent » [facultatif] et « doivent » [obligation] ». Un peu plus tard, il déclare à nouveau au moins à deux reprises : « on fera un gros travail de pédagogie » auprès des établissements pour qu’il n’y ait pas d’interprétations erronées sur ce point. Le ministère reconnait ainsi, en creux, que les établissements seront naturellement enclins à mettre en avant une interprétation abusive du futur décret modifié. C’est en fait l’objectif central : lister des tâches dans le nouveau décret, certes juridiquement facultatives, mais en escomptant que cela donne néanmoins des moyens de pressions accrus pour les faire accepter par les collègues ;
- Significativement, le terme « obligation de service » disparaîtrait du titre du décret, remplacé par « cadre d’exercice », dont l’article 1-1 dit qu’il comprend « principalement » (sic !) un service d’enseignement, lequel dépend des « modalités pédagogiques » de la formation, et « en liaison avec les milieux professionnels le cas échéant ». Le flou ouvre la porte à presque tout...
- Rappelons que l’article 2 du décret 93-461 dans sa formulation actuelle dit : « Les enseignants (…) sont tenus d’accomplir, dans le cadre de l’année universitaire, un service d’enseignement en présence des étudiants de 384 heures de travaux dirigés ou de travaux pratiques. » C’est limpide et suffisant, la version modifiée prend une page.
- Le ministère ne touche pas aux maxima hebdomadaires (15hTD pour les PRAG, 18hTD pour les autres), qui permettent de refuser les surcharges de travail ou de s’opposer à un déséquilibre trop important entre semestres. L’intégration des Professeur·es des Écoles (1er degré) au décret de 93 est une avancée purement formelle pour ces collègues, qui étaient déjà alignés dans les faits sur les PrCe. Sont maintenues pour tous les enseignant·es la charge de 384hTD annuels avec l’équivalence TD/TP.
- « Référentiel d’équivalence horaire » créé par arrêté pour les enseignant·es. Calqué sur celui des EC (voir arrêté du 31 juillet 2009), il consiste à mettre « forfait » pour chaque activité. Souvent déjà mis en place, il dépend en pratique des décisions d’établissement, selon les influences locales et surtout les budgets autonomes… Concrétisant une inégalité de traitement, cela tend à l’éclatement du statut établissement par établissement.
- Légères améliorations des possibilités d’aménagement de service pour réaliser une thèse, finir des travaux de recherche ou passer un concours (voir décret n°2000-552). Tant qu’il n’y aura pas de postes pour permettre de devenir EC, ni de moyens pour que ces décharges soient effectives, cela reste un cadre juridique creux.
- Décret prime statutaire (PES, voir décret n°89-776) : la rédaction changerait : elle serait « versée aux enseignants réalisant l’intégralité de leur attributions individuelles de service telles qu’arrêtées par le président » - nouvelle formulation ambiguë et dangereuse - et désormais cumulable avec l’exercice de professions libérales, ce qui n’est pas acceptable.
- Doublement du plafond de la Prime de responsabilité pédagogique (PRP, voir décret n°99-855). Le plafond passerait de 4114 à 8229€/an : c’est la possibilité théorique de verser plus à certains collègues (en nombre limité), sans aucun budget supplémentaire annoncé… Et avec la carence de postes, cela pousse à la surcharge de travail.
Ce sont donc des reculs importants que le gouvernement annonce pour les enseignant·es affectés dans le Supérieur. Les principales demandes des organisations syndicales (égalité PES C1, ne pas ajouter de nouvelles missions, cadrage national réel des équivalences horaires, etc.) ont été refusées soit pour cause de « on n’a pas d’argent, vous comprenez », soit parce que les président·es d’universités ne veulent pas : « c’est l’autonomie, vous comprenez »...
La CGT FERC Sup reste opposée à ces reculs statutaires. La CGT FERC Sup s’oppose à l’introduction de ces nouvelles missions et revendique le maintien de la définition du service en termes uniquement d’heures d’enseignement devant les étudiant·es, sur une base annuelle et avec des maxima hebdomadaires maintenus à 15hTD et 18hTD pour tous. Elle n’est pas demandeuse du pseudo référentiel horaire qui éclate les règles établissement par établissement.
Pour la CGT FERC Sup, les deux problèmes principaux restent :
- le sous-paiement de l’ensemble des personnels et la perte de pouvoir d’achat. Les grilles ont perdu 12 % de leur valeur par rapport au SMIC depuis 2020.
- le manque de postes de titulaires (BIATSS, EC et enseignants), qui induisent une surcharge pour toutes et tous et des dégradations de conditions de travail et d’études.
La CGT FERC Sup revendique des décharges (et non des primes) pour réaliser les tâches afférentes à la pédagogie. Elle revendique la création de postes titulaires d’EC et d’enseignant·es pour assurer les tâches de recherche et d’enseignement et de BIATSS titulaires pour les tâches administratives. Ces créations permettraient à des enseignant·es qui ont la qualification et qui le souhaitent de passer MCF.
La CGT FERC Sup revendique l’augmentation de la valeur du point d’indice et son indexation sur le coût de la vie. En raison de l’inflation non compensée, les grilles ont perdu environ 10% de leur valeur depuis 2020 et 25 % depuis 2000.
La CGT FERC Sup revendique l’abrogation des systèmes de primes au mérite et de fonction comme le RIPEC et le RIFSEEP. Elle revendique la revalorisation des primes statutaires à hauteur de 25 % du salaire moyen du corps et l’égalité de parts statutaires entre EC et enseignant·es.
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