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lundi 21 septembre 2020

Pour un enseignement supérieur public de qualité

Non à la généralisation autoritaire et à la pérennisation de l’enseignement à distance imposées par la ministre

Le confinement décidé par le gouvernement en mars 2020 a imposé aux personnels,dans l’impréparation, de s’adapter en quelques jours et de mettre en œuvre un travail à domicile, pour une soi-disant « continuité pédagogique ». Sans formation, souvent sans moyens informatiques suffisants, avec un matériel et des « locaux » inadaptés, ces personnels ont dû travailler et gérer leur vie familiale dans un même lieu. Un surcroît de travail considérable et épuisant, souvent effectué avec un fort sentiment d’isolement.

Les inégalités sociales et territoriales des étudiant·es ont été exacerbées par le confinement : manque de matériel, difficulté d’accès au réseau, logement précaire, disparition des jobs étudiants, etc. Pour autant, toutes et tous, enseignant·es et étudiant·es, se sont efforcés de travailler malgré ces mauvaises conditions de travail imposées.

Cette impréparation épouvantable s’est poursuivie pendant le déconfinement : des circulaires « sanitaires » semblant avoir un mois de retard sur l’état de l’épidémie quand elles sortent, tandis que le ministère comme les établissements s’acharnent sur des sujets (LPPR, restructuration, LDG...) sans rapport avec la Covid et cette rentrée à haut risque. Certaines consignes sont intenables, faute de moyens et de cohérence notamment, et d’autres n’assurent absolument pas la santé et sécurité des personnels et étudiant·es.


inscriptions En hausse


Recrutements En baisse

Source : Publication annuelle de la DEPP et de la SD-SIES. Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche 2019.

La rentrée universitaire la plus dure jamais vécue : allons-nous continuer à subir ?

Pourtant, les équipes pédagogiques, administratives et de services dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont essayé de préparer au mieux la rentrée, pour croiser les expériences, pour monter ou suivre des formations à l’enseignement à distance. Il faut modifier ses cours et sa pédagogie, se former sur des outils nouveaux et changeants, aménager les salles et les locaux, prévoir des circuits de déplacement et des protections sanitaires. Il faut aussi prévoir une adaptation pour les étudiant·es qui n’ont pratiquement pas eu d’enseignement pendant 6 mois, en particulier les nouvelles et nouveaux bachelier·ères.

De plus, il faut accueillir – comme chaque année – toujours plus d’étudiant·es sans moyens supplémentaires. Le ministère annonce à grand renfort de communication 30.000 places supplémentaires : en réalité 10.000 en 2020 et 20.000 en 2021. Pour 2020, un budget de 22 M€ y est consacré, soit 2.200 € / étudiant, car le ministère ne finance « que le coût marginal » (déclaration lors du CT ministériel).

Mais, ce n’est que la capacité d’accueil des établissements qui est augmentée ! C’est comme une place supplémentaire dans un train : le surcoût par voyageur est presque nul, sauf s’il faut ajouter une voiture ! Or c’est le cas à l’université : il manque au moins 50.000 emplois et 2 universités ! Certains amphis de rentrée, faute de place et de moyens, se tiennent sans possibilité de distanciation physique.

Madame la ministre, donnez-nous les moyens de faire notre travail et d’accueillir tous les étudiant·es !

Tous les étudiant·es doivent être accueillis dans de bonnes conditions.

Le gouvernement doit ouvrir en urgence des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires BIATSS et enseignant·es-chercheur·ses.

Les cours magistraux, TD et TP en présentiel doivent redevenir la norme.

De plus, la rentrée a entraîné une surcharge de travail dans la plupart des services. Un exemple parmi tant d’autres : les services pédagogiques ont souvent dû mettre en place plusieurs plannings, en fonction des scénarios envisagés : hybride ou tout présentiel ou tout distanciel. Ce qui est déjà un énorme travail d’habitude (trouver les salles, répartir les cours, faire les emplois du temps, etc.), a donc été doublé cette année.

Enfin, le port du masque en permanence est obligatoire pour les personnels BIATSS, les enseignant·es et les étudiant·es, sans que les moyens d’approvisionner l’ensemble des personnels et usager·ères en équipements sûrs et en nombre suffisant aient été mis sur la table.
De même, la réussite d’une rentrée universitaire en présentiel est suspendue à la capacité d’accès prioritaires des établissements aux tests. Sur tous ces sujets, les établissements, leurs composantes et équipes, sont laissés à leur sort, ne devant compter que sur eux-mêmes.

Quelles conséquences sur les conditions de travail et sur la santé des personnels ?

Avec toutes ces mesures, le gouvernement tente de transférer sur les personnels et les étudiant·es la responsabilité de la propagation du virus au sein des lieux de travail.

L’enseignement à distance

La CGT FERC Sup n’est pas hostile par principe à certains usages de l’enseignement à distance dans des circonstances particulières, mais rappelle que, sauf exceptions très spécifiques (CNED, IED…), l’enseignement à distance n’est pas la norme. Il ne peut être que temporaire et strictement encadré.

Certes, l’enseignement à distance est une forme déjà pratiquée pour certains cours, car adaptée à une forme de public particulier et parfois aux étudiant·es salarié·es. On pense par exemple au CNAM, qui fait majoritairement de la formation pour adultes sur tout le territoire national, à Paris comme dans ses centres en région, ou au CNED, pour les publics qui doivent concilier travail et formation professionnelle qualifiante. Mais, au CNAM, les enseignant·es restent attachés à maintenir des cours en présentiel. De plus, l’enseignement à distance ne s’improvise pas. Les personnels enseignant·es de ces établissements ont des fonctions et des compétences particulières car l’enseignement à distance est un métier spécifique auquel les enseignant·es des universités n’ont généralement pas été formés.

La CGT FERC Sup dénonce comme choquante la déclaration récente de la ministre : « globalement, les cours magistraux traditionnels, où le professeur lit son cours face à un amphi d’étudiants qui ne posent pas de questions, ont été requestionnés par beaucoup d’EC pendant cette période. ». C’est une méconnais-sance du travail pédagogique et un mépris envers les collègues.

Enseigner est un métier spécifique qu’aucun « robot pédagogique » ne peut exercer. C’est un métier de relation et d’accompagne-ment, un acte socialisé qui s’enrichit des interactions avec les étudiant·es et entre les étudiant·es. Disons-le tout net : rien ne remplacera ces interactions. Rien ne remplacera les TP sur le terrain, devant la paillasse ou devant une machine. Rien ne remplacera les va-et-vient permanents entre l’enseignant·e et les étudiant·es.

Rien ne remplacera l’élaboration d’une pensée ou d’un raisonnement devant et avec un public étudiant.

De plus, pour les enseignant·es, les risques de réutilisation de cours mis en ligne et de vidéos sans droit de propriété intellectuelle, à bas coût ou par des officines privées, sont réels. De même, les risques d’utilisation des données par des géants du numériques, GAFA ou autres, sont importants.

Soulignons aussi la tentation d’utiliser le prétexte des cours hybrides ou à distance pour revoir à la hausse les obligations de service, et pour remettre en cause le statut des personnels et l’indépendance de leurs missions. Quelle défense et amélioration des droits et garanties des personnels dans le cadre du distanciel et du télétravail ?

Pour les étudiant·es, les risques sont également très importants : désocialisation, renvoi aux inégalités, perte de la richesse des échanges et du travail collectif, coupure vis-à-vis du partage social et de la transmission de l’expérience des enseignants, isolement face aux difficultés, etc.

Le contrôle des connaissances à distance est également un sujet qui mérite une réflexion particulière. Il s’est trop souvent résumé au déploiement d’une télésurveillance oppressante pour les étu-diant⋅es, s’ajoutant au stress d’un décro-chage d’internet pendant l’examen ou d’une défaillance matérielle de l’ordinateur, de l’imprimante ou du scanner !

De nombreux collègues ont pourtant profité de la période pour réfléchir et construire des alternatives au contrôle de connaissance habituel : travaux bibliographiques, sujets d’étude et de recherche, projets numériques. L’imagination et l’expérience des ensei-gnant·es ont ouvert de nouveaux champs qui pourraient s’avérer plus propices à l’émancipation !

Ainsi, quand il ne s’inscrit pas dans des savoir-faire déjà anciens propres à certaines formations, l’enseignement à distance est un mode d’enseignement dégradé, choisi à défaut par certains collègues pour pallier des conditions dégradées. Il ne peut en rien remplacer les cours, TD, TP en présentiel et ne doit pas entériner l’objectif de ce gouvernement de réduction de l’accès à un enseignement supérieur de qualité pour toutes et tous.

Or l’objectif de la ministre et de certaines présidences universitaires n’est pas de préserver la santé des personnels ou d’améliorer la qualité des enseignements, mais d’utiliser cette crise sanitaire comme une occasion de plus pour déréglementer l’Enseignement Supérieur et pour porter un nouveau coup à la vie démocratique et sociale sur nos campus.

Quel enseignement en distanciel ?

Quand il doit être mis en place malgré ses graves défauts, ce mode d’enseignement doit respecter les conditions de travail, notamment le temps de travail, et la santé des personnels. La surcharge de travail doit être prise en compte et décomptée dans le temps de service. Les modalités de l’enseignement en distanciel doit faire l’objet d’une évaluation des risques professionnels spécifique et être soumises pour avis aux CHSCT. Les directions doivent se conformer aux obligations qui leur sont faites après adoption des avis du CHSCT.

Le nombre d’étudiant·es en cours et en TD doit être réduit.

Des moyens matériels et humains doivent être mis en place et fournis aux personnels : ordinateur, caméra, casque audio, microphone, connexion réseau, impression…
Pour l’université, le réseau, les serveurs et le système de visio-conférence doivent être adaptés, avec du personnel technique compétent et dédié (services pédagogiques, informatique, etc.). L’employeur doit fournir aux enseignant·es le matériel nécessaire au travail à domicile (poste de travail, chaise et équipement de bureau, outils et fournitures d’impression…). Enfin, des formations pour les personnels doivent être mises en place.

En tout état de cause, la liberté pédagogique des enseignant·es-chercheur·ses, reconnue par la Constitution, leur permet de choisir eux-mêmes les modalités d’enseignement qui leur semblent appropriées, tout en respectant la santé des étudiant·es et de leurs collègues.

La CGT FERC Sup restera aux côtés des salarié·es pour les accompagner dans la défense de leurs conditions de travail, en toutes circonstances.

Nous revendiquons :

  • Le respect des statuts des personnels ;
  • Le droit d’accès aux études pour tou·tes ;
  • Les moyens humains et matériels nécessaires pour un enseignement de qualité :
    montée en puissance des outils et infrastructures publiques en matière numérique ;
  • Un plan massif de recrutement de fonctionnaires ;
  • L’abrogation de ParcourSup et du plan Bienvenue en France ;
  • L’abandon de la LPPR ;
Nous appelons tous les personnels et les étudiant·es à se réunir en Assemblées Générales de labos, de services, de départements, de formations, pour lister toutes leurs revendications et organiser la mobilisation de tous et toutes.

Montreuil, le 17 septembre 2020