Dossier spécial "Télétravail" (Le Peuple)

Temps de lecture : 5 min.
Publié le 29 oct. 2020
Alors que le président de la République vient d'annoncer un confinement national à compter du 30 octobre, en novembre prochain, syndicats et patronat se retrouveront pour débattre des conditions de mise en œuvre du télétravail dans les entreprises.

D’ores et déjà, le MEDEF refuse toutes règles trop contraignantes pour les entreprises, alors que le travail à domicile se pratique de plus   en plus, à la faveur de la crise sanitaire. La CGT le revendique depuis le début : un accord national est nécessaire !

Pourquoi un accord national interprofessionnel est nécessaire ?

Le premier confinement a généré de 5 à 8,3 millions de télétravailleurs. Cela a eu pour conséquence, un télétravail improvisé dans des conditions dégradées. Il est apparu une grande différence entre les entreprises qui ont négocié un accord avec des salariés en télétravail et celles qui n’avaient pas anticipé l’encadrement du télétravail.

Concernant le télétravail pendant la période de confinement, la société Odoxa-Adviso Partners, a réalisé une étude sur les conséquences du confinement dans le monde du travail pour France Bleu, France Info et Challenges.


Si l’essor du télétravail est avéré, 1 actif sur 5 était concerné, il existe de fortes disparités selon les territoires et les secteurs professionnels. Pour les territoires, l’Île-de-France a été très pratiquante, les autres régions beaucoup moins, avec un écart de 1 à 2 entre Paris et les régions – 43 % contre 19 %–.

On voit aussi des disparités selon les catégories socio-professionnelles et par tailles d’entreprises : 42 % des CSP+ ont pratiqué le télétravail et 57 % des cadres contre 7 % des CSP – (employés, ouvriers); 38 % des entreprises de > 5 000 salariés contre 17 % des entreprises < de 10 salariés.
 

Ouverture de négociations télétravail : méthodologie et points de vigilance


Confrontés à une demande des salariés de télétravailler, les syndicats doivent s’emparer de la question en proposant au préalable une consultation des salariés afin d’être au plus près de la réalité du terrain lors des négociations du prochain ANI et ainsi porter les revendications de manière plus efficace et légitimes dans les négociations.

C’est pourquoi, les syndicats ne peuvent rester spectateur de la mise en place du télétravail dans l’entreprise ou l’administration.

Très concrètement, ils doivent s’en emparer.

Avant le confinement, le télétravail informel (sans accord d’entreprise ou sans avenant au contrat de travail) a bondi de 19 % à 22 % des salariés entre 2017 et 2020, pendant que le télétravail encadré par un accord ou un avenant au contrat de travail stagne à 8 % sur la même période.

Le télétravail reste malgré tout peu répandu en France. La crise sanitaire en a décidé autrement. Chacun a pu découvrir qu’un comptable, un commercial ou un enseignant, métiers que l’on pensait jusque-là inconciliables avec le télétravail, avaient pu travailler à distance.

La crise sanitaire du COVID-19 a ainsi conduit à augmenter les situations de travail à distance en mode dégradé et contraint. Sans encadrement des pratiques, droits et garanties, le passage du travail en présentiel au travail à distance comporte un grand risque, de voir le télétravail se résumer à expédier les affaires courantes, à exécuter des missions assignées, ce que les échanges virtuels permettent de faire efficacement.

En clair à transformer le télétravail à un retour au « silo », c’est-à-dire à un retour au tâcheronnage que permet l’ubérisation du travail et de l’économie.

Pour être correctement encadré, le télétravail ne peut pas être pensé avec une approche telle qu’on l’a connue avec le confinement, en mode improvisé et en dehors de tout cadre. En tentant d’empêcher, puis en retardant au maximum l’ouverture de la négociation d’un accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail, le patronat a pu profiter durant toute cette période de la situation actuelle de déréglementation du télétravail, issue des ordonnances Macron et de la loi de ratification de 2018 venues assouplir encore le télétravail.

Cela a permis aux directions d’entreprises de négocier - ou pas - des centaines d’accords en dehors de tout cadre normatif et prescriptif adapté aux enjeux de l’évolution des pratiques de télétravail.

Les négociations dans la période actuelle sont donc plus difficiles et nécessitent d’être vigilant sur de nombreux points en attendant l’encadrement interprofessionnel du télétravail pour lequel la CGT se bat.

La négociation au plus près du travail impose au syndicat une démarche qui part des réalités du travail et du contexte général de l’organisation de l’entreprise. En effet, la mise en œuvre du télétravail se situe généralement dans un contexte de réorganisation de plus grande ampleur :

  • déménagement,
  • reconfiguration de l’occupation immobilière des espaces de travail,
  • mise en place de « flex office»,
  • réduction de locaux et bureaux…

Et les organisations de travail ont toutes leurs spécificités qu’il est nécessaire de prendre en compte.

Une première étape de consultation des salariés par le syndicat est indispensable

La consultation doit déjà déterminer si les salariés souhaitent ou non avoir la possibilité de télétravailler. Elle doit d’abord interroger sur l’environnement des personnels : bureau individuel, « open space»,, bureaux partagés, ateliers…

Ensuite, vient la question des spécificités des métiers et des activités. C’est important car cela évite une discrimination entre les métiers qui sont télétravaillables ou non. Nous avons l’exemple d’un cuisinier qui bénéficie de 2 jours de télétravail par mois pour faire la gestion de commande et le report de la situation comptable. Les postes de travail qui ne comportent aucune lecture de documents ou mail, aucune activité administrative, participation réunion, formation, etc. n’existent plus.

Revendiquer un droit pour tous au télétravail plutôt qu’une éligibilité par métier, permet non seulement de remettre en cause une forme de discrimination au télétravail mais oblige aussi l’employeur à évoquer et prendre en compte ces tâches « secondaires » qui ne sont souvent pas reconnues dans l’activité.

C’est bien sur la base de cette consultation que nous pouvons aborder les négociations, en amont, pendant et pour la validation de l’accord. La consultation des salariés est un outil à double usage car elle permet de porter aux revendications d'être construites au plus près des lieux de travail et d’être légitimées dans la négociation. Cela permet dans le même temps de créer un véritable rapport de force favorable aux salariés sur la négociation.

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