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vendredi 23 février 2024

EHESS

Rencontre entre la Ministre et l’intersyndicale ESR Aix-Marseille

Chères et chers collègues,
l’intersyndicale ESR Aix-Marseille a été reçue par la ministre Sylvie Retailleau et sa conseillère SHS ce jeudi 22 février à Aix-en-Provence. La CGT EHESS y ayant participé, nous vous prions de trouver ci-dessous (et sous ce lien pour la version mise en page) le compte rendu de nos échanges. Suite à cette rencontre, l’intersyndicale demande à être reçue par les présidents Berton (Aix-Marseille Université) et Huret (EHESS).
En vous souhaitant bonne réception,

Élodie Attia (SNCS-FSU) ; Guillaume Biard (FO) ; Emmanuèle Caire (SNESUP-FSU) ; Delphine Cavallo (SUD Éducation) ; Pierre-Yves Dufeu (SGEN-CFDT) ; Armand Aupiais (SUD Éducation et collectif des précaires de l’ESR) ; Mohamed Ouerfelli (SNESUP-FSU) ; Christelle Rabier (CGT FercSup EHESS et CGT FERC Sup AMU)

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Compte rendu de la rencontre de l’intersyndicale ESR Aix-Marseille avec la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Madame Sylvie Retailleau et la conseillère sciences et société, sciences humaines et sociales auprès de la ministre Madame Isabelle Prat, le jeudi 22 février à 14h40 à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH)

La rectrice déléguée pour l’enseignement supérieur et la recherche, Mme Fabienne Blaise, et le chef de cabinet du président d’AMU, M. Julien Villevieille, assistent à la réunion.

Représentent l’intersyndicale :

  • Élodie Attia (SNCS-FSU)
  • Guillaume Biard (FO)
  • Emmanuèle Caire (SNESUP-FSU)
  • Delphine Cavallo (SUD Éducation)
  • Pierre-Yves Dufeu (SGEN-CFDT)
  • Armand Aupiais (SUD Éducation et collectif des précaires de l’ESR)
  • Mohamed Ouerfelli (SNESUP-FSU)
  • Christelle Rabier (CGT FercSup EHESS et CGT FERC Sup AMU)

L’intersyndicale présente à la conseillère les inquiétudes et les revendications de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche sur le site d’Aix-Marseille sur les thèmes suivants :

1. Emploi

  • Raréfaction des emplois titulaires et destruction d’emplois non titulaires dans l’enseignement et la recherche

2. Financement et structuration de la recherche

  • Appels à projets, Agences de programmes, très défavorables aux SHS
  • Multiplication des CDD de mission ou de projets
  • Coupe d’un milliard d’euros, qui affecte aussi la formation

3. Financement de la formation

  • Refonte des maquettes d’enseignement dans un contexte de restriction budgétaire : ALLSH en première ligne avec diminution parfois drastique du nombre d’heures par mention.
  • Depuis la fusion, AMU a perdu de nombreux postes en SHS (remplacement de postes statutaires par des contractuels, puis diminution des postes contractuels…)

4. Souffrance au travail

  • Effet des restructurations : épuisement professionnel, accidents de travail, voire suicides
  • Des métiers en ligne de mire : services de la scolarité, notamment en ALLSH ; gestionnaires, notamment dans les labos ; personnels d’édition
  • Multiplication et différenciation des statuts
  • Insuffisance de la médecine de prévention

5. Souffrance des étudiants

  • Précarité étudiante, notamment des étudiants étrangers

Dans ce contexte général, quelles seront les conséquences pour l’ESR de la nouvelle coupe budgétaire effectuée par le décret d’annulation des crédits paru ce matin au Journal officiel ?

La conseillère déclare que la coupe budgétaire de 980 000 000 € concerne l’ensemble de la Mission interministérielle de l’enseignement supérieur et de la recherche (MIRES) touchent le budget propre à l’ESR à hauteur de 588 000 000 €, répartis sur les lignes budgétaires suivantes :

  • Le programme 150 (Formations supérieures et recherche universitaire)
  • Une partie du programme 231 (Vie étudiante)
  • Le programme 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires)

Les coupes affecteront, selon elle, des projets immobiliers – mais pas ceux qui financent les résidences étudiantes –, des projets ANR sur des grosses infrastructures — financements qui seront reportés — et des dépenses d’équipement pluriannuels. Les moyens de fonctionnement des établissements sont préservés, ainsi que les dépenses liées à la LPR. Elle indique notamment que l’augmentation du nombre de contrats doctoraux (et de chaires de professeur junior !) prévue dans la LPR est maintenue.

Au niveau d’Aix-Marseille Université, le nouveau contrat d’objectifs, de moyens et de performance, signé pour 3 ans, s’élève à 13 800 000 €. L’intersyndicale s’alarme que ce contrat prévoie un grand nombre de recrutements précaires sur des activités structurelles de l’établissement.

Alertée par l’intersyndicale, qui s’est inquiétée de l’épuisement professionnel et du nombre d’arrêts pour souffrance au travail, rarement déclarés en accidents de service ou de travail, Isabelle Prat souligne l’intérêt de définir des indicateurs fiables pour mesurer la souffrance au travail à l’échelle des établissements et du ministère. Elle se félicite de l’effort accompli par le ministère pour la désignation de référents sur les violences sexistes et sexuelles dans les rectorats. La rectrice indique d’ailleurs qu’AMU s’est dotée d’un service pour le respect et l’égalité.

L’intersyndicale précise immédiatement que ce service est débordé – « victime de son succès » selon la rectrice (!). L’intersyndicale souligne que les indicateurs ne sont pas suffisants, mais qu’il faut s’attaquer aux causes de la souffrance au travail, qui sont étroitement liées à l’évolution de la structuration de la recherche et de l’enseignement supérieur.

L’intersyndicale insiste sur l’incompatibilité des appels à projets sur le court terme avec les exigences spécifiques des sciences humaines et sociales. Parlant de « double peine » pour les SHS, la conseillère admet des difficultés (appels non calibrés pour les SHS, faible taux de succès), mais considère que la situation s’améliore, tant par le nombre de réponses aux appels à projets que par leur taux de succès. Elle évoque un effort pour adapter les appels à projets aux spécificités des sciences humaines et sociales. L’intersyndicale ajoute qu’il y a une « triple peine » pour les femmes en SHS, moins lauréates que leurs collègues masculins (10% des ERC).

L’intersyndicale exprime avec force son opposition au système des appels à projets en lui-même, qui approfondit les inégalités. La question n’est pas tant d’obtenir des projets, mais de pouvoir mener dans nos domaines une recherche de qualité, ce qui exige des moyens récurrents plus importants et des postes pérennes, afin de dégager le temps long de la recherche indispensable aux sciences humaines et sociales.

Sur la question des emplois de soutien à la recherche, la conseillère indique la publication très prochaine de l’appel à manifestation d’intérêt SHS dans le cadre de France 2030, qui permettra de cibler les besoins au niveau des établissements. Les projets retenus seront d’une durée de huit ans (quatre ans renouvelables).

La ministre rejoint la réunion à 15h10 et entend de la part de sa conseillère un résumé subjectif des échanges :

  • La conseillère insiste tout particulièrement sur la souffrance au travail, notamment les violences sexistes et sexuelles et les difficultés traversées par la médecine du travail.
  • Elle évoque ensuite les demandes d’augmentation des crédits récurrents et les difficultés rencontrées par les formations en SHS.
  • Elle achève son compte rendu sur la question de la précarité étudiante, et notamment des étudiants étrangers.

La ministre Sylvie Retailleau prend longuement la parole, se saisissant d’abord de la question de la précarité des étudiants, et notamment de la précarité juridique des étudiants étrangers. Elle rappelle son opposition aux articles relatifs aux étudiants de la loi « immigration » – « Je vous rappelle que j’ai démissionné », clame-t-elle !
La ministre s’étend ensuite longuement sur la réforme du système de bourses, qui connaîtra une augmentation de 440 millions €. Elle rappelle après sa conseillère que les coupes budgétaires qui viennent d’être annoncées ne toucheront pas le logement étudiant, ni la restauration étudiante, ni, pour l’instant, la « réserve » de la dotation récurrente (soit les 10% de la dotation susceptibles d’être supprimés par le Ministère). Son ministère dispose de l’information depuis lundi, ce qui lui a permis de nous présenter les grandes orientations, et elle dispose de quinze jours pour finaliser le détail des annulations de crédits.
À une question de l’intersyndicale sur la situation préoccupante de l’emploi dans l’ESR, la ministre indique qu’elle prépare, à l’attention de l’Assemblée nationale et du Sénat, un bilan de la LPR et du protocole d’accord RH prévu au titre de la loi pour une présentation avant l’été. Ce bilan devrait détailler le statut des différentes catégories de personnel.

À l’issue de la réunion, l’intersyndicale donne à la ministre et à sa conseillère la déclaration suivante :

En tant que représentantes et représentants des sciences humains et sociales, essentielles à toute société, nous souffrons tout particulièrement de l’évolution de la structuration de la recherche et de l’enseignement qui s’accélèrent depuis deux décennies.
Pour nous, les principaux problèmes sont les suivants :
  1. Nos domaines de recherche de sont pas compatibles avec le fonctionnement par appels à projets sur le court terme ou fondés sur l’investissement privé. Nos disciplines exigent des financements publics récurrents et des investissements en moyens et en postes sur la longue durée.
  2. Nous pâtissons quotidiennement d’une diminution des moyens récurrents affectés à la formation et à la recherche dans nos disciplines, ce qui met en péril des pans entiers de recherche et de formation qui faisaient jusqu’alors l’excellence et l’attractivité de nos universités.
  3. Tout à la fois cause et conséquence de ces maux de l’enseignement supérieur et de la recherche, la destruction d’emplois statutaires comme contractuels, leur précarisation et la dégradation des conditions de travail créent une souffrance aiguë chez tous les personnels, étudiants et étudiantes.
    Vous pensez bien que l’annonce d’une coupe budgétaire d’un milliard d’euros sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche constitue un choc supplémentaire terrible pour notre communauté.

À l’issue de la réunion, l’intersyndicale fait la demande d’un rendez-vous au président d’AMU et auprès du président de l’EHESS.

* *

Post-scriptum. L’intersyndicale s’étonne des conditions d’organisation de cette rencontre et plus largement de la visite de Mme la Ministre à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme : absence de communication sur cette visite auprès des personnels, y compris des directeurs et directrices d’unité qui n’y ont pas été invité·es, accord très tardif de rencontrer l’intersyndicale malgré une demande envoyée tôt la veille, ce qui ne nous a laissé que très peu de temps pour nous organiser et préparer correctement cette réunion.