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vendredi 29 mai 2020

Blog de la CGT FERC Sup Paris3

Préparation de la rentrée 2020-2021 : l’enseignement à distance a ses limites et doit rester exceptionnel !

Les déclarations récentes de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche invitent les universités à se préparer à une rentrée 2020-2021 à distance ou partiellement à distance. Les suppressions et gels de postes de titulaires de ces dernières années ont malheureusement un impact négatif sur notre capacité à réagir à ces conditions imprévues. Si la situation sanitaire nous oblige à accroître la part des enseignements à distance dans nos formations, nous devrons nous résoudre à fonctionner en mode dégradé. Mais c’est à titre temporaire, car l’enseignement à distance ne sera jamais l’équivalent de l’enseignement en présentiel qu’il ne peut remplacer, et c’est à organiser avec les personnels et les étudiant.e.s, notamment dans le cadre des instances élues. Les propositions et revendications ci-dessous sont pensées pour accompagner cette période exceptionnelle.

Les risques du tout à distance

Les universités ont déjà une expérience significative de l’enseignement à distance (c’est le cas pour beaucoup de composantes à Paris3) mais les dispositifs en place restent insuffisants et ne s’adressent pas aux mêmes publics que ceux qui sont directement issus de l’enseignement secondaire. La logique des formations à distance n’est pas la même que celle des formations en présentiel. Dans une formation à distance les étudiant.e.s ont choisi un dispositif numérique, ils et elles sont donc bien équipé·e·s, relativement autonomes, et souhaitent profiter de la possibilité d’organiser leur planning librement. Les formations à distance, de manière générale, rencontrent un très fort taux d’abandon, de l’ordre d’un tiers des inscrits ou plus, et ceci malgré la possibilité pour certaines d’entre elles de combiner des travaux et activités via la plate-forme Moodle et des rencontres en face à face avec les étudiant.e.s. Les étudiant.e.s les plus fragiles socio-économiquement sont les plus susceptibles de décrocher dans le cadre du passage au distanciel de nos formations en présence.

Des outils numériques à enrichir et à sécuriser

A l’heure actuelle, la plateforme Moodle utilisée à Paris3 est surtout adaptée au "présentiel enrichi", c’est-à-dire à la mise à la disposition des étudiant·e·s de fichiers de textes, de compléments de cours et d’outils de type forums et chats. Mais elle ne permet pas d’organiser des sessions de travail synchrone en visio-conférence avec des groupes de plusieurs dizaines d’étudiant·e·s. Depuis la mi-mars, pour maintenir le lien avec leurs étudiants, les enseignant·e·s ont été contraints de "bricoler" avec des outils plus ou moins efficaces, plus ou moins fiables et plus ou moins sûrs pour ce qui est de la protection de la propriété intellectuelle et des données personnelles.

Nous avons besoin de renforcer la cellule icampus, en particulier en recrutant des ingénieurs pédagogiques pour tous les enseignements habituellement en présentiel qui devront passer au moins partiellement en distanciel :

  • que des rencontres régulières en présentiel puissent avoir lieu et, à défaut, des rencontres synchrones sur des plateformes de visioconférence intégrées à Moodle. A titre d’exemple, un système de visioconférence appelé BigBlueButton pourrait être opérationnel dès septembre dans la plateforme d’enseignement à distance pour y permettre des partages sonores et vidéos.
  • que tous les étudiant.e.s et le personnel enseignant (y compris les vacataires et les doctorant.e.s contractuel.le.s et les ATER) soient équipé.e.s en ordinateurs pour pouvoir assurer des enseignements à distance.

Un travail à définir, à rémunérer et à encadrer

La CFVU doit accompagner et valider les décisions qui seront prises au sein des départements pour répartir la présence des étudiant.e.s sur le campus et organiser les transformations des enseignements en distanciel. Une attention toute particulière doit être accordée aux cours de L1, qui accueillent un public particulièrement sujet au décrochage. La présence physique de ces étudiant.e.s en cours doit être considérée comme prioritaire. D’une manière générale, nous demandons une diminution de la taille des groupes de TD pour respecter au maximum la distanciation en présentiel. Cette mesure doit s’accompagner d’un recrutement de personnel enseignant à hauteur des besoins, entre autres en proposant de prolonger les contrats des ATER.

Même si la situation sanitaire fait obstacle à une rentrée normale, le travail de mise en place d’un enseignement à distance ne peut être imposé aux collègues. La mise en ligne d’un cours conçu pour le présentiel est très chronophage et demande une formation spécifique. Si les enseignant·e·s sont temporairement contraint·e·s de faire du distanciel, le travail de mise en ligne des cours et de suivi des étudiants doit être valorisé et donner lieu à une rémunération spécifique. Actuellement la rémunération des cours ENEAD distingue par exemple la conception d’un nouveau cours (rémunérée sur la base d’une enveloppe de 1.5 fois les heures ETD du cours en présentiel, répartie dans le service des enseignant.e.s sur une durée de quatre ans) et le suivi pédagogique d’une cohorte d’étudiant.e.s, rémunéré 20h25 ETD par semestre. Si la situation l’exige, nous demandons que les collègues qui feront ce travail de mise en place d’enseignements à distance soient payés au moins sur ces bases et qu’un objectif de 35 étudiant.e.s au maximum par groupe de TD soit fixé pour toutes les licences. La prise en compte du travail supplémentaire, sous forme de rémunération ou de décharge, devra s’appliquer aussi aux enseignants non-titulaires, pour la mise en ligne du cours et le suivi des étudiants.

Le passage à distance d’un cours TD ne doit pas être un prétexte pour constituer des groupes supérieurs à 45 étudiant·e·s comme c’est le cas actuellement à l’ENEAD où les groupes sont parfois pléthoriques et la rémunération injuste. Il n’est pas question de "profiter" du COVID pour réduire le coût des enseignements et résoudre les problèmes de locaux. Les semaines de confinement que nous venons de vivre, très éprouvantes, montrent enfin la nécessité de fixer des horaires de travail et d’interaction numérique pour réserver des temps de déconnexion, protéger la santé des personnels et l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

La question de l’évaluation doit être discutée par la communauté et décidée dans les Conseils

Depuis plusieurs années, les pratiques d’évaluation sont de moins en moins cadrées et donc en fait, de moins en moins justes... L’université a eu tendance à réduire les sessions d’examens pour répondre à des contraintes de locaux ou pour faire diminuer le coût de leur organisation. Pourtant, l’examen sur table reste le plus sûr et le plus juste pour beaucoup d’enseignements, notamment au niveau licence, mais pas exclusivement. Pour les cours qui seraient organisés à distance dans le cadre des formations en présentiel, nous demandons que l’université maintienne la possibilité de faire passer des examens en présentiel.

La question de l’évaluation ne doit pas parasiter la réflexion sur les questions pédagogiques mais elle en fait partie. Nous devons nous donner les moyens d’évaluer de la manière la plus juste possible nos étudiant.e.s sans nous lancer dans une course technologique dont nous ne sortirons pas gagnants. Investissons dans l’humain plutôt que dans des gadgets qui invitent à la surenchère technologique.

D’une manière générale, l’évaluation n’est abordée dans nos instances que dans le cadre de la "gestion de crise", ce qui se traduit par des directives contradictoires, des inégalités de traitement pour les étudiant·e·s et de la souffrance au travail pour les personnels. Dans la crise récente, la CFVU a fonctionné plutôt comme une machine à broyer la représentation étudiante que comme un lieu de débats et de prise de décision collective. Plutôt que de laisser s’installer des évaluations à géométrie variable, l’université doit permettre aux instances élues, aux composantes et aux équipes pédagogiques de se réapproprier la question cruciale de l’évaluation.

Le distanciel ne peut être qu’un pis-aller imposé par la pandémie. Il doit rester temporaire, que ce soit pour l’enseignement ou pour l’évaluation —et ne doit pas devenir un prétexte pour augmenter encore la charge de travail des personnels.