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FERC-CGT
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Communiqué - 21 mars, journée mondiale contre le racisme : stoppons le tapis rouge déroulé à l’extrême droite
19 mars, par Bariaud — Actualité, une, Communiqués, Extrême droite, Lutte contre les discriminationsLa Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale est célébrée chaque année le 21 mars, pour commémorer ce jour de 1960 où, à Sharpeville (Afrique du Sud), la police a ouvert le feu et tué 69 personnes lors d'une manifestation pacifique contre les lois relatives aux laissez-passer imposées par l'Apartheid.
À cette occasion, le ministère de l'Éducation nationale met en avant une semaine d'éducation contre le racisme et l'antisémitisme (18 au 24 mars) qui associe l'ensemble de la communauté éducative et pédagogique, dont les parents d'élèves et les personnels des établissements scolaires, les organisations étudiantes et lycéennes, mais pas les organisations syndicales des personnels alors que c'était le cas dans les années 2000, notamment pour la FERC. Cette semaine a pour finalité « le respect de l'égale dignité des êtres humains, quelles que soient leurs origines, leur condition, leurs convictions, l'éducation à la lutte contre les préjugés et les stéréotypes, la tolérance et l'enrichissement mutuel, l'encouragement à l'esprit critique et la résistance face à l'injustice ».
Mais derrière cette « devanture » la réalité est un jeu de dupe que joue la majorité présidentielle avec les partis d'extrême droite, Rassemblement National en tête. Loin du rempart annoncé au lendemain du 1er tour des élections présidentielles, le gouvernement orchestre un face-à-face malsain avec ce dernier, notamment à l'occasion des futures élections européennes, cherchant à promouvoir un duel inexorable. Et pourtant comment affirmer lutter contre l'extrême droite quand on légitime une partie de ses idées réactionnaires ? Loi asile immigration qui restreint encore les droits des migrant·es malgré la censure partielle du Conseil constitutionnel ; remise en cause du droit du sol ; multiplications des OQTF (obligation de quitter le territoire) et des reconduites à la frontière y compris d'enfants qu'on vient chercher en classe ; retour à une éducation surannée avec des uniformes, des classes de niveau, le tri social et la sélection ; mise au pas de la jeunesse avec la volonté de généraliser le SNU (Service national universel).
Ces décisions politiques impactent concrètement la vie quotidienne de ceux et celles qui vivent et travaillent ici et de celles et ceux qui arriveront demain et s'accompagnent du renforcement de toutes les inégalités sociales et de l'exploitation de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs. Elles font le jeu de l'extrême droite, Rassemblement national en tête, participant à sa « dédiabolisation » et à sa normalisation dans le monde politique.
Et pourtant l'extrême droite ce sont des votes contre l'augmentation du SMIC, l'indexation des salaires sur l'inflation, l'encadrement des salaires, le blocage des prix de première nécessité, la gratuité des premiers mètres cube d'eau, la gratuité des cantines et fournitures scolaires pour les plus modestes, la revalorisation des petites retraites, la garantie d'autonomie à 1063 €, le gel des prix des loyers, l'augmentation des hébergements d'urgence, le rétablissement de l'ISF, la taxe sur les superprofits, la taxe sur les revenus supérieurs à 3 millions d'euros, l'augmentation de la TVA sur les produits de luxe, le milliard d'euros à la lutte contre les violences faites aux femmes.
Et des votes pour la fin des droits au chômage après abandon de poste, la fin des allocations chômage pour les employé·es refusant un CDI à la fin de leur CDD, la réduction des droits au chômage des étranger·es hors UE, l'interdiction de la présence d'étranger·es au sein des instances représentatives du personnel, la limitation du droit de vote des travailleur·ses précaires aux élections professionnelles, la hausse de la défiscalisation des heures supplémentaires, l'interdiction de l'écriture inclusive et la loi Darmanin.
L'extrême droite, c'est aussi une section de l'Action française qui, pour remettre en cause la constitutionnalisation de l'IVG et le droit des femmes à disposer de leur corps, s'attaque à une statue de Simone Veil à la Roche-sur-Yon et y adosse une pancarte portant l'inscription « La Constitution tue nos enfants ».
L'extrême droite, ce sont aussi plus de 200 groupuscules extraparlementaires qui prônent la violence et s'attaquent aux organisations syndicales, aux associations LGBTQIA+, etc., prônent des actions collectives et organisées contre les personnes racisées. La dissolution est inefficace si rien de plus n'est fait comme le démontre les mouvances entre Génération identitaire et Les Remparts ou Argos.
L'extrême droite, ce sont des attaques et propos racistes contre Aya Nakamura, artiste franco-malienne pressentie pour participer à l'ouverture des JO et dont Marion Maréchal dit qu'elle ne chante pas en français et ne représente pas la langue française.
Pour la FERC CGT, lutter contre le racisme c'est lutter contre l'extrême droite, mais aussi ses idées et ses pratiques d'où qu'elles viennent. C'est abroger toutes les lois et les contre-réformes qui mettent à mal les droits de tout ou partie de la population. C'est œuvrer au progrès social pour l'émancipation de toutes et tous.
Montreuil le 19 mars 2024
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Le Lien n° 220, mars 2024
18 mars, par Lucas — Actualité, Le LienÉditorial : La guerre domine l'actualité, impactant en premier lieu les peuples. Les différents bilans du nombre de décès et de blessé·es dans la population palestinienne dépassent désormais les 30000 personnes, majoritairement des femmes et des enfants ; s'y ajoute désormais la famine. La mobilisation pour l'arrêt de l'attaque israélienne est plus que jamais nécessaire pour stopper ce qui s'apparente désormais à un génocide.
Le 24 février, la CGT avec une intersyndicale large, a participé aux manifestations qui marquaient les deux ans de l'invasion de l'Ukraine par un pouvoir russe en pleine déviance autoritaire qui tue toute opposition politique. Au-delà du mot d'ordre du « cessez-le-feu », dans ces deux situations, la CGT s'exprime pour une paix juste et durable. Nous portons un discours fort de construction de la paix en Palestine comme en Ukraine, aux côtés des peuples agressés et des opposant·es russes et israélien·nes.
Les derniers « coups de rabot budgétaires », actés par décrets à la fin du mois de février, sont dans la droite ligne des propos de Bruno Lemaire tenus au moment du remaniement gouvernemental. Ces annonces sonnaient la fin du « quoi qu'il en coûte » et le retour au cadre budgétaire austéritaire européen.
Nos champs sont impactés, en particulier l'Enseignement Supérieur et la Recherche, à l'opposé du discours de la ministre qui nous avaient annoncé des arbitrages budgétaires favorables. L'Éducation nationale est impactée également, alors même qu'il il y a encore peu de temps la question de l'attractivité et de l'augmentation indispensable des salaires était sous le feu des projecteurs.
Après la grève majoritaire du premier février, les personnels s'organisent pour gagner, par exemple dans le 93. Les intersyndicales de l'EN et de L'ESR appellent à la grève le 8 et le 19 mars, une possibilité de construction d'une mobilisation forte est réelle auprès de nos collègues !
Des attaques majeures sont à venir à l'automne : réforme poussée du code du travail avec pour objectif une diminution des droits des salarié.es, attaque du statut de la fonction publique, blocage des salaires, budgets austéritaires …
Pour faire face à ces attaques, nous avons besoin d'une CGT renforcée et d'une unité forte de notre camp.
Dans ce contexte, le travail de rapprochement entamé au niveau confédéral avec la FSU prend tout son sens, la FERC a une place majeure dans cette dynamique. Le débat doit avoir lieu a tous les niveaux de l'organisation et la fédération se mobilise afin qu'il se déploie au maximum.
Dans un climat délétère au niveau national comme international, nous pouvons et nous devons redonner confiance au collectif et montrer que la division de notre classe n'est pas une fatalité.SOMMAIRE
P.3 / ÉDITORIAL
par Charlotte Vanbesien
P.4 / ACTUALITÉ
– Un "choc des savoirs" qui ne passe pas
– Négociation de l'accord sur la PSC
– Laïcité dans l'enseignement privé sous contrat
– Parcoursup la vitrine du privé ?
– Accès aux formations et discriminations
P.10 / PAROLE À...
– Mélinée Manouchian
P.11 / LE DOSSIER
– Femmes mixité
P.15 / VIE FÉDÉRALE
– Congrès de la CGT-INRAE
– Union CGT Educ Pop', c'est parti !
P.18 / INTERNATIONAL
– Journée d'étude Palestine : une belle réussite
– 22 avril 2024 : Journée de la terre
P.20 / RETRAITÉ·ES
Continuité de la vie syndicale
– Retour sur la Journée d'étude sur la Sécurité sociale et la protection sociale
– Qu'est-ce que l'inflation ?
– Mourir dans la dignité
– Regard d'un élève de SEGPA sur son enseignement et ses apprentissages -
19 mars : toutes et tous mobilisé·es pour nos salaires et nos services publics
15 mars, par Lucas — Actualité, une, Tracts, Rémunérations, Enseignement Supérieur et Recherche, Education10 milliards d'euros de coupes budgétaires :
les salarié·es, les services publics et la transition écologique dans le viseurUn décret publié ce 22 février au Journal officiel annule, pour 2024, 10 Milliards d'€ de crédits au budget de l'État. Le gouvernement ne touche pas aux plus de 160 Mds d'€ de cadeaux fiscaux et de baisses de cotisations sociales accordées aux patrons, il préfère continuer de faire payer les salarié·es, les retraité·es, les jeunes et privé·es d'emploi. Il faut souligner que ce train de mesures austéritaires passe par décret, contournant ainsi une nouvelle fois le contrôle démocratique du Parlement.
1,1 milliard en moins pour le ministère du Travail, affaiblissant notamment les missions de contrôle. Bercy décide aussi de mettre en place une participation forfaitaire à la charge des salarié⋅és qui souhaiteraient se former par le biais de son compte personnel de formation (soit un reste à charge équivalent à 10% du prix des formations).
2,1 milliards en moins pour le ministère de l'Écologie, particulièrement ciblé, confirmant l'orientation productiviste du gouvernement au détriment de la santé et des impératifs environnementaux.
Dans nos champs fédéraux, essentiels à une politique de progrès social, les politiques et services publics vont à nouveau payer un lourd tribut.
Dans l'Enseignement supérieur et la Recherche, le Projet de Loi de Finances 2024 présenté à l'automne, annonçait seulement une augmentation de seulement 818 M€, soit + 3,1% en euros constants, bien en dessous du niveau de l'inflation sur 2023 (4,9% selon l'INSEE). L'annulation tape encore plus fort et prévoit pour les trois programmes du MESR une diminution de 588,3 M€. Au total, ces coupes budgétaires représentent 72% de la magnifique "hausse" en trompe-l'œil annoncée en grande pompe par gouvernement et ministre en septembre dernier !
Notamment, le programme 231 - Vie étudiante (3,3 Mds€) se voit amputé de 125,1 M€, soit près de 4%.Pour la MIRES (Mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur) dans sa globalité, qui inclut également par exemple la recherche spatiale ou la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables, autant de domaines où la recherche publique devrait être largement soutenue pour répondre aux urgences climatiques, écologiques, énergétiques..., l'amputation atteint presque le milliard d'€ (904 247 682 €) !
Bref, il ne va bientôt plus rien rester pour faire fonctionner le service public de l'ESR : pas de quoi augmenter des capacités d'accueil pour les néo-bacheliers depuis plusieurs années déjà, même pas de quoi payer cette année les pourtant si maigres augmentations du point d'indice, pas de quoi rénover des bâtiments en ruine, pas de quoi faire tourner la recherche ! Pourtant, Macron osait affirmer le 7 décembre 2023 : "'On a mis plus d'argent dans la recherche".
Le ministère de l'Éducation nationale est aussi maltraité, car il doit rendre 692 millions d'euros ! Cette baisse massive se fera principalement sous la forme d'emplois : 2620 postes d'enseignant∙es sont supprimés dans le 1er degré public, 1740 dans le second degré public et 1760 postes dans le privé. Alors que le ministère se vante de vouloir lutter contre le harcèlement et de promouvoir l'École inclusive, 4600 postes d'AED et AESH qui sont purement et simplement annulés.
Pour en finir avec la fuite en avant austéritaire destructrice des droits sociaux et des services publics, la FERC-CGT appelle à agir partout dans l'unité la plus large possible. Prenons exemple sur nos collègues du 93 qui ont listé leurs besoins et portent leur plan d'urgence auprès de la population !
Des solutions de financement existent, la CGT les porte depuis des années : conditionnalité des aides publiques - 200 milliard d'euros ! - Fin du Crédit impôt recherche ! Retour de l'ISF ! Lutte contre l'exil fiscal ! Bilan des 4 milliards d'aide à l'apprentissage !
La FERC-CGT appelle par conséquent l'ensemble des personnels de la Fonction publique à se mobiliser par tous les moyens, dont la grève, dès le 19 mars et à se réunir en AG pour débattre des suites à donner à la mobilisation !
Montreuil, le 14 mars 2023
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Le SNU : dérive d’Etat
14 mars, par Lucas — Actualité, C'est chaud, CGT Educ'Pop' ECLAT, CGT Educ'Action - UNSEN, SNPJS CGT, CGT Enseignement Privé (CGT-EP), Animation et éducation populaire, Education, Société, CommuniquésDans un contexte international plombé par des conflits armés qui s'enlisent jusqu'aux portes de l'Europe, par la résurgence des économies de guerre, le président Macron veut à toutes forces imposer à tous les jeunes d'une classe d'âge l'engagement obligatoire dans le service national universel (SNU). Le SNU relève du Code de la Défense nationale, comme l'ancien service militaire qui n'a jamais été abrogé mais seulement « suspendu » en 1997. Le SNU s'adresse à l'ensemble d'une classe d'âge française de 15 à 17 ans. Aujourd'hui il est basé sur des formes variables de volontariat. Demain il est destiné à être obligatoire, en théorie en 2026 (fin du second quinquennat Macron).
Le SNU participe du « réarmement civique » (vœux présidentiels 2024). Il est gratuit, présenté comme un grand moment d'engagement républicain. L'uniforme y est remplacé par une « tenue ». Son programme est ponctué par le salut quotidien aux couleurs avec un mode d'organisation qui reprend celui des casernes. Les filles y sont séparées des garçons. Depuis la rentrée scolaire 2023 il représente une option possible au stage en classe de seconde (17 au 28 juin 2024) rendu obligatoire dans une entreprise, une association ou un service public. En 2019, le secrétaire d'État Attal a lancé le SNU, enjoignant les associations d'éducation populaire à s'y investir pour « opérer leur mutation » (sic). En 2024, devenu Premier ministre, il est chargé de parachever ce qui ressemble à une colo d'État où les jeunes de nationalité française – encore mineurs – auraient obligation d'engagement.
LE SNU, QU'EST-CE QUE C'EST ?
Il s'adresse, dans sa phase actuelle de montée en puissance à des jeunes dès la classe de seconde ou en fin d'apprentissage. Il se déroule sur deux phases.
Phase 1 : séjour de cohésion
Il se déroule sur 12 jours des vacances scolaires, ou sur temps scolaire pour les classes volontaires « engagées » de seconde. Il se déroule en internat, en principe dans un département limitrophe à celui de la résidence habituelle. Ce « séjour de cohésion et de mission d'intérêt général » obéit à 4 objectifs (valeurs républicaines, cohésion nationale, culture de l'engagement, insertion sociale et professionnelle) avec 4 thèmes : sport et olympisme, environnement, mémoire et patrimoine, résilience et prévention des risques.
Phase 2 : temps de service à la Nation ou mission d'intérêt général (MIG).
Il dure 12 jours minimum ou 84 h réparties sur plusieurs mois dans des associations, des collectivités territoriales, des services de L'État, des établissements ou institutions (armées, police, gendarmerie, sécurité civile). Les formes de la MIG évoluent depuis la création du SNU. Cette phase 2 s'apparente au Service civique qui est un autre dispositif qui relève lui aussi du Code de la Défense nationale. Le jeune « volontaire » en service civique est indemnisé. Il n'est pas salarié. Il ne relève pas du Code du Travail. Il n'a aucun droit syndical. Le jeune en phase 2 du SNU sera dans la même situation : immergé dans un milieu de travail qui n'en est pas un au nom d'un engagement contraint.
ENGAGEZ VOUS ! RENGAGEZ VOUS !
Dans son principe le SNU dit servir la culture de l'engagement. Sa généralisation ignorerait qu'un large pan des jeunes se construit à 15-17 ans en prise d'autonomie face au modèle familial et aux cadres établis. Imposer la fonction idéologique du SNU à toutes et tous dans cette phase serait sans effet positif voire contreproductif. Inscrit dans la Défense nationale le SNU n'accueille que des jeunes mineurs de nationalité française, sans prévoir ni clauses de handicaps, ni objection de conscience (au prétexte qu'il n'y a pas de maniement d'armes au programme).
Le réarmement moral et civique voulu par le SNU a une autre fonction : redistribuer et modifier des rôles éducatifs. Les contenus de l'éducation morale et civique dispensée sur temps scolaire vont forcément évoluer. Le SNU semble oublier que l'École aborde déjà plusieurs des thèmes qu'il reprend ! La pédagogie dominante en phase 1 du SNU est basée sur la discipline. Les éléments de langage de l'éducation populaire et de l'exercice de la citoyenneté sont brouillés. Le SNU ouvre un marché public aux opérateurs de l'éducation populaire qui s'y sont engouffrés. Certains d'entre eux, rejoignant en tant que patrons de l'économie sociale et solidaire les schémas du néo capitalisme, ont créé un consortium, pour capter les finances (Léo Lagrange, UCPA, VVF, UFCV, PEP, associations territoriales des Francas, de la Ligue de l'enseignement…). On est en plein paradoxe d'un roman d'Orwell où la Guerre c'est la Paix, l'esprit critique c'est obéir, s'émanciper c'est se conformer. Comment le consortium peut-il croire sans sourciller qu'un vernis d'éducation populaire peut contrarier une volonté de caserne ?
L'OPACITÉ, LA FONCTION IDÉOLOGIQUE, LES CONSÉQUENCES SUR LES MÉTIERS
Tout le chiffrage du SNU fait l'objet de controverses. Le SNU a surtout fait recette à ses débuts auprès de milieux sociaux qui lui sont favorables (familles de policiers, gendarmes, pompiers…). Les jeunes issus de ces milieux représentent 32% des jeunes « engagé·e·s » contre 2% de la population. Mais on voit se répandre aussi bien dans l'enseignement public que privé un certain attrait pour le séjour gratuit de cohésion. Il représente un moment d'expérience et un rite un peu similaire à ce que pouvait représenter la vie de caserne pour certains jeunes hommes du temps du service militaire. Pour certains parents « mettre un enfant au SNU » c'est gratuit et au moins il n'est pas livré à lui-même alors qu'il n'y a plus de cours. Pour certains jeunes c'est l'occasion de vivre une expérience hors cercle familial au sein d'une même classe d'âge. Il y a un esprit « conscrits ».
Mais le SNU c'est aussi une série de bugs en tous genres sur les transports, des punitions collectives humiliantes ici ou là, des dérives comportementales répréhensibles. La presse s'en est fait écho. Les modules plus positifs du SNU (secourisme, bilans et principes de santé, préparation au permis de conduire…) ne sont pas l'apanage du dispositif puisqu'on les dispense ou on pourrait les envisager au collège et lycée. Mais dérives ou pas, vertus ou pas, la volonté gouvernementale est de justifier le SNU car il a d'abord une fonction idéologique. Le SNU est géré dans son fonctionnement (inscriptions et communication) par des starts up qui représentent un « pognon dingue ». Si on y ajoute les influenceurs, payés eux aussi, on double le budget national annuel du SNU directement consacré aux séjours.
Une forme juridique bâclée
Les séjours de cohésion du SNU – alors qu'ils relèvent du Code de la Défense nationale – sont organisés sur la base de la législation des accueils collectifs de mineurs. Les services de l'État ex jeunesse et sports devenus « jeunesse engagement sports » (DRAJES/SDJES) valident ces séjours en étant juges et partie. C'est une contradiction et un abus législatif autant qu'éducatif. L'encadrement est dérogatoire à la législation des séjours type colo. Les qualifications de l'encadrement sont aléatoires parfois. Le ministère (MENJ) est conscient du problème et réfléchit à un nouveau statut à expérimenter dans la phase de généralisation. Le SNU est une usine à gaz hybride où la vie de caserne s'apparente à un scoutisme bas de gamme pour des emplois précaires… moins mal payés qu'en colos !
Un salariat abusé
Lors des séjours de cohésion le statut de l'encadrement est hétéroclite : volontariat enseignant, militaire ou pompier, parfois des bénévoles divers. Tout ce personnel est précaire. Il est même placé sur un « contrat d'engagement éducatif » dérogatoire au Code du Travail (25€ la journée !). Cette précarité est cependant payée le double d'un salaire d'animateur. Moralité : le SNU aggrave les problèmes de recrutement de l'encadrement des accueils collectifs de mineurs. Encadrer 12 jours de SNU payés 1 300€ c'est mieux que 20 jours de colos à 500€. En dérèglementant une législation du travail déjà dégradée, l'État bricole. Il témoigne d'une forme de dédain à l'égard des animateurs qui ne sont plus des professionnels mais des vacataires « achetés ».
Un corps d'enseignants de la jeunesse et des sports détourné de sa raison d'être statutaire
Les inspecteurs de la jeunesse et des sports se retrouvent le plus souvent chefs de projet du SNU au niveau départemental. Mais ils ne sont pas assez nombreux. Depuis la mise en place du SNU le corps des conseillers d'éducation populaire et de jeunesse (CEPJ), corps assimilé aux professeurs du second degré, a été renouvelé à près de 40% pour en particulier accompagner le SNU. Ces nouveaux collègues ont des origines professionnelles diverses. Ils bénéficient d'éléments de rémunération et de perspectives de carrières plus favorables que les autres. La mutation du corps des CEPJ en corps d'organisateurs de séjours du SNU est un détournement de sens voulu au nom d'un dogme idéologique où l'État s'assoit sur les statuts enseignants et là aussi sur les démarches d'éducation populaire
QUEL COÛT ? QUELS LOCAUX ?
Les coûts du SNU ne cessent de fluctuer. En 2023 les 12 jours du séjour de cohésion tournaient légèrement autour de 1 500 €, variables par département. En 2024 l'objectif est de réduire leur coût autour de 1 100€ en limitant les déplacements. Cependant les coûts de communication et de gestion font plus que doubler le budget global. En termes de communication le gouvernement veut faire croire que la généralisation du SNU à 800 000 jeunes/an ne s'élèverait pas à 8 milliards/an mais plutôt à 2 milliards/an voire moins. La vraie question n'est pas là. L'École manque de moyens. Les associations d'éducation populaire manquent de moyens. Il faut construire d'autres parcours citoyens pour les différentes jeunesses et toutes les jeunesses du pays et y réaffirmer la place de l'Ecole, des associations, de jeunesse et sports.
Les bâtiments associatifs mis bout à bout ne pourront pas accueillir 800 000 jeunes/an. Le gouvernement cherche donc des expédients pour étaler les séjours. Certains mouvements lorgnent sur la généralisation pour réorienter leur politique immobilière. Le SNU fait rêver les investisseurs de l'économie sociale et solidaire (ESS), surtout ceux regroupés en consortium.
RÉARMEMENT CIVIQUE OU RÉARMEMENT DU VIDE ?
Le SNU participerait du renforcement de « la force morale de notre pays ». Certains éléments de novlangue rejoignent des vocabulaires du temps de la francisque et du travail/famille/patrie. Devenu obligatoire le SNU favorisera-t-il mieux la mixité sociale ? On assignait jusqu'à présent la mixité sociale à l'École publique. Mais la mixité sociale c'est aussi l'aménagement du territoire et les services publics. Si cette mixité tend à disparaître dans certains endroits est-ce que le SNU va la restaurer ? En 12 jours ? Ou 84 heures d'engagement obligatoire ?
La pauvreté gagne chaque année un peu plus la population. Les jeunes en constituent une part accrue. Parmi les plus grandes formes de précarité vérifiables chez les jeunes au moment de la prise d'autonomie on a toute la part alimentaire et le logement. Parmi les étudiant∙e·s 77% ont un reste à vivre de 100 euros par mois, soit moins de 3.27€ par jour. Chez les lycéens, public ciblé par le SNU, ces situations de précarité touchent les jeunes boursiers et tous ceux qui, sans réseaux professionnels, amicaux, familiaux, ne trouveront pas de stage rendu obligatoire en seconde et seront donc contraints de faire le SNU là où les plus privilégiés auront le choix. La tenue uniformisée n'efface en rien les inégalités qui se logent bien autre part. En quoi les deux phases du SNU apportent-elles un réarmement quelconque ? Tenue à l'École, tenue au SNU tout cela sonne le creux. C'est de l'habillage de pensée dans un contexte d'escalade guerrière.
LE SNU : UN AUTRE MOYEN D'AFFAIBLIR L'ÉCOLE ET LA CAPACITÉ D'ESPRIT CRITIQUE
Dans le SNU la journée débute à 6H30 ponctuée par le salut du drapeau et les paroles martiales de la Marseillaise, le tout au garde à vous en cohortes de chambrées. Le contenu des journées est largement déterminé par les organisateurs du séjour à qui a été attribué le marché. Il doit cependant respecter le cahier des charges. Le téléphone potable est interdit en journée. Le droit d'appeler la famille est limité et contrôlé.
Ce que ne dit pas le SNU c'est que nombre de modules sont déjà dispensées sur temps scolaire : activités physiques, citoyenneté et institutions, culture et patrimoine, EMC. Quel est le projet : les faire sortir à terme des programmes ? Replier encore et toujours sur des savoirs dits fondamentaux en réduisant les moyens alors que l'École a la double fonction de transmettre des savoirs et de préparer des citoyens.
Dans le budget de l'État cela devient clair : le SNU instrumentalise les associations par des passages obligés pour aller aux subventions. En outre, au nom de la lutte contre les séparatismes, la liberté associative de la loi 1901 est rognée. Le contrat d'engagement républicain, que certaines collectivités et préfets appliquent avec zèle, en est une démonstration. Le gouvernement a besoin de sous-traitance associative et de salariés précaires pour servir un bricolage idéologique sans vertu éducatrice réelle.
POURQUOI IL FAUT ABROGER LE SNU ET CONSTRUIRE DE VÉRITABLES PARCOURS CITOYENS POUR LE REMPLACER
Confirmer l'éducation (morale) et civique à l'École
Le SNU est en décalage complet avec le travail progressif d'éducation civique (l'éducation morale n'est pas du même ressort) qui s'étage tout au long des cycles primaire et secondaire. Il y a effectivement une fenêtre particulière en classe de seconde permettant des mises en œuvre pédagogiques particulières mais elles doivent être définies et trouver leur place dans les programmes. Le SNU est inapproprié et il n'a pas sa place dans le temps scolaire. Imposer un moment d'activité relevant du Code de la Défense dans un cursus relevant du Code de l'Éducation est incongru et dangereux pour la liberté pédagogique. En quoi un mélange des genres est-il au service de la construction citoyenne ?
Conforter l'Education tout au long de la vie, l'éducation populaire, l'extra et le périscolaire.
Le SNU est destiné à être une pompe à finances pour les associations, pour obtenir des subventions. La création du consortium associatif autour du SNU pour rénover ou aménager des locaux illustre les grandes manœuvres immobilières. Elles ne se préoccupent pas des complémentarités éducatives. Elles ne s'embarrassent pas non plus d'améliorer le statut du salariat, ses qualifications et ses conditions de travail. Le SNU abrogé, un nouvel espace pourrait s'ouvrir pour construire dans la durée, sur la base par exemple de classes de découvertes, des coopérations éducatives entre les mouvements complémentaires à l'École et associations agréées, dans un cadre respectueux des démarches éducatives émancipatrices et de la laïcité. Seule cette assise peut donner des perspectives de sécurisation d'emploi et de qualifications dans les conventions collectives aujourd'hui vues au rabais.
Consolider la dimension éducatrice des personnels de la jeunesse et des sports
Le SNU est en train de détourner les missions de la jeunesse et des sports transformant un ministère issu de l'humanisme et des principes d'émancipation en un ministère d'encadrement législatif au service d'un engagement pernicieux dont ils sont devenus les supplétifs. Ce ministère doit retrouver toute sa place dans les politiques publiques éducatives tout au long de la vie et trouver sa légitimité dans de nouveaux projets éducatifs de territoires concertés avec tous les acteurs.
POUR LA FERC-CGT LE SNU C'EST NON…
- NON À UN CHOIX BUDGÉTAIRE INEFFICACE SOCIALEMENT, AUX CONSÉQUENCES NÉFASTES POUR L'ÉDUCATION ET LES ASSOCIATIONS
- NON AU SNU ET À SA GÉNÉRALISATION
- NON À UNE TROMPERIE D'ÉTAT VOULANT IMPOSER UN FORMATAGE À TOUTE UNE CLASSE D'ÂGE VIA UNE SOUS-TRAITANCE ASSOCIATIVE DE MARCHÉ PUBLIC
- NON AU RETOUR DU SERVICE NATIONAL SUR TEMPS SCOLAIRE ET EXTRA SCOLAIRE
POUR LA FERC-CGT UN VRAI PARCOURS EDUCATIF A LA CITOYENNETE C'EST OUI
- OUI AUX MOYENS POUR UNE ÉCOLE QUI FAIT VIVRE LA DÉMOCRATIE COLLÉGIENNE ET LYCÉENNE ET AU MAINTIEN D'UNE ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ
- OUI À DE NOUVEAUX PARCOURS CITOYENS DANS ET HORS TEMPS SCOLAIRE, COHÉRENTS ET LAïQUES POUR TOUS LES JEUNES, CONCERTÉS AVEC L'ENSEMBLE DES ACTEURS ET LES JEUNES EUX-MÊMES
- OUI À LA RELANCE DE L'ÉDUCATION TOUT AU LONG DE LA VIE, ET UNE PROGRAMMATION DE MOYENS POUR LA VIE ASSOCIATIVE, L'AMÉLIORATION DE SES EMPLOIS, DE SES SALAIRES ET DE SES DROITS A LA FORMATION
- OUI À LA RESTAURATION D'UN MINISTÈRE ÉDUCATIF DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS QUI NE SOIT PLUS UN DONNEUR D'ORDRES MAIS SOUTIEN ET ACCOMPAGNATEUR DES PRATIQUES ÉDUCATRICES ET ÉMANCIPATRICES
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Campagne "Vacataires" du collectif Doctorant de la FERC CGT
13 mars, par fred — Actualité, Droits, Libertés et Action Juridique, Enseignement Supérieur et Recherche, Précarités, Dossier du mois, DossiersVous trouverez ici le 4-pages du Collectif Doctorant de la FERC "Vacataires d'enseignement - connaître et défendre nos droits" qui appelle à organiser des actions en justice et à s'organiser pour gagner de nouveaux droits.
Doctorantes, doctorants, post-doctorantes et post-doctorants, syndiquez-vous et ensemble, gagnons un vrai salaire pour les vacataires !