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samedi 20 mai 2017

Assises des métiers du livre, CGT Filpac · Les bibliothèques à l’heure du numérique

Assises des métiers du livre, CGT Filpac – 18 mai 17 - Montreuil

Intervention de Simon Beck et Marc Morvan de la CGT FERC Sup

bibliothèques Les bibliothèques à l’heure du numérique, quid de nos métiers, de nos postes et de nos carrières ?

Chers camarades,

Merci d’avoir fait appel à la CGT FERC Sup pour apporter à votre/notre réflexion, la contribution de représentants des métiers des bibliothèques d’Etat.
Dans les bibliothèques de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), établissements universitaires, de recherche, de la culture et des grands établissements, pas moins de 6034 (Source DGRH – MENESR [1]) fonctionnaires y interviennent chaque jour au service des lecteurs. A ces titulaires s’adjoignent plus de 1100 (Source DGRH – MENESR) contractuels et des centaines de contractuels étudiants dont la précarité d’emploi est un sujet majeur de nos luttes. Nos établissements, dans un contexte d’autonomie des universités qui entraine une baisse des crédits de fonctionnement, doivent affronter également les défis de la révolution numérique, qui notamment transforme la bibliothèque de collection en un espace d’accès à l’information.

Cette grande mutation opérée depuis une dizaine d’années, a eu des impacts très importants sur les méthodes de travail, notamment des bibliothécaires et conservateurs, acquéreurs des fonds documentaires. Une très grande partie des ressources d’acquisition a été orientée vers les ressources électroniques, contrôlées par des multinationales de l’édition à forte concentration capitaliste (Elsevier, Wiley, Springer…), fixant des prix très élevés à l’accès à l’information
scientifique. Ce qui pose notamment problème, c’est que la bibliothèque n’a plus la jouissance de ces accès dès lors qu’elle ne paye plus, contrairement aux acquisitions classiques (matérielles) dont elle est propriétaire et qui lui permet de constituer un fonds.

La puissance publique, et ses professionnels, tentent de s’organiser en pôles d’acquisitions mutualisés pour les abonnements de périodiques et des livres électroniques (COUPERIN [2]) ou négocier des licences nationales au niveau du ministère, mais cela n’empêchent pas des masses budgétaires colossales d’être orientées vers ces opérateurs-concentrateurs de l’édition numérique. Et ce, au détriment des acquisitions papier, de la diversité des choix en termes de politique documentaire.

De plus, la logique de regroupements/fusions d’universités ne permet pas la baisse des prix, car le modèle économique imposé par les éditeurs fixe le prix en fonction du nombre d’utilisateurs potentiels, pas de l’utilisation réelle, si bien qu’entre une université de 20000 étudiants et une université de 100000 étudiants, le montant ne baisse pas, il explose !

Entre 2002 et 2014 (source ADBU), enquête réalisées auprès de 57 BU, soit 59% du parc), les courbes budgétaires se sont croisées. Ainsi en 2002, les acquisitions d’imprimés (périodiques et monographies) représentaient un totale de 40M€, contre 8M€ aux ressources électroniques (RE) et bases de données en ligne (BDD) ; 12 années plus tard, 40M€ sont consacrés au RE et BDD contre seulement 27M€ au papier ! Sachant qu’entre 2012 et 2014, les budgets globaux d’acquisition papier ont régressés de 3.3%, après une croissance (+43.5%) entre 2002 et 2010, puis une stagnation sur 2011-2012 ! Sur l’ensemble de la période, les dépenses d’acquisition des RE et BDD ont explosées à +457%, alors que pour les imprimés c’est une chute de 53% ! Ceci dit, les usages de nos publics changent : omniprésence de l’emploi de l’ordinateur portable et des technologies liées, au détriment du support papier. Aussi l’indépendance et la liberté de choix dans le cadre des politiques documentaires fixées par les conservateurs et les bibliothécaires, est écornée par l’emprise croissante des ressources électroniques et de leur coût. L’ADBU et l’ensemble des organisations syndicales présentes en bibliothèques, CGT en tête dénonçons « un appauvrissement des fonds documentaires à destination principalement des étudiants » (enquête ADBU mars 2014).

Autre aspect des mutations, le développement de la numérisation des collections documentaires, principalement patrimoniales et anciennes, et leur versement en accès libre sur les portails des établissements : si cela permet de faire travailler tous les corps de métier et des prestataires professionnels qualifiés, cela entraine un changement dans l’accomplissement des missions de service public. Ainsi les lecteurs acquièrent une plus grande autonomie d’accès aux ressources documentaires. Les collections patrimoniales sont ainsi mieux protégées et mieux communiquées.

Mais le revers de la médaille est une baisse tendancielle :

  • de la fréquentation des bibliothèques,
  • des communications physiques aux lecteurs,
  • des statistiques de prêt, que ce soit au sein de nos établissements, ou par le biais du prêt entre bibliothèques.

L’architecture conventionnelle de nos métiers, organisée autour des supports matériels traditionnels, se trouve ne plus être en adéquation avec la dématérialisation. On parle, d’ ores et déjà de fin du catalogage ! Aussi le métier de magasinier (Catégorie C, niveau brevet) est très impacté par ces baisses de communications de documents, et modifient en profondeur les taches qui évoluent plus vers des fonctions d’accueil, d’orientation, de surveillance des collections et des espaces publics, que de partage des savoirs bibliothéconomiques…

Le numérique en bibliothèque modifie les métiers en profondeur : la traditionnelle bibliothéconomie est supplantée par l’informatique documentaire. Ces fonctions nouvelles ou modifiées, bouleversent nos quotidiens. Par exemple les magasiniers (taches d’exécution), voient leurs fonctions progresser de plus en plus vers le travail des bibliothécaires assistants (taches techniques sur les collections), sans en avoir le statut ni la rémunération.
Les conservateurs, formés à l’ENSSIB deviennent de plus en plus des gestionnaires de politiques documentaires sur lesquelles ils ont de moins en moins la main, le ministère imposant des critères communs aux établissements via les fusions !

Notre inquiétude est double, d’ une part s’agissant de l’avenir des métiers de bibliothèque, tels que nous les connaissons et d’autre part concernant l’impact des politiques documentaires et d’acquisitions sur les métiers du livre, les éditeurs, leur diversité, les droits d’auteurs et l’accès à la culture pour tous, …

Enfin, la gestion libérale de l’emploi public, par l’utilisation massive de personnels précaires, fragilise considérablement, la stabilité des métiers et des carrières, obérant la qualité du Service Public que nous défendons !

La CGT FERC Sup défend la qualité de travail et les emplois des personnels en bibliothèques, pour un Service Public moderne et gratuit !


Vive la CGT, vive le livre sous toutes ses formes, vive la culture pour tous !

Merci, chers camarades, de votre attention.

Montreuil, le 18 mai 2017


[1*DGRH-MENESR : Direction Générale des Ressources Humaines du Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

[2Consortium unifié des établissements universitaires et de recherche pour l’accès aux publications numériques : https://www.couperin.org/