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dimanche 9 octobre 2016

Blog de la CGT FERC Sup Paris3

Le coup d’état permanent

Ce matin, le Président de notre Université, Carle Bonafous-Murat, a proclamé que "sa conception de la démocratie n’était pas la même" que la nôtre.

C’est exact.

Il est temps de clarifier le vocabulaire des uns et des autres. Carle Bonafous-Murat souhaite organiser des groupes de travail sur l’avenir que l’Université doit donner à la COMUE, le regroupement d’Universités dont Paris 3 fait partie, et souhaite faire voter en Conseil d’administration un mandat de négociation éventuel cet hiver.

Il ne s’agit pas de démocratie. Il ne s’agit pas d’une procédure démocratique. Il s’agit même du contraire d’une procédure démocratique.

Tout d’abord, un processus démocratique soumet une décision aux électeurs ou à leurs représentants. Réunir des groupes de travail, c’est tout autre chose. Les groupes de travail ne décident rien, ils font des propositions. Ces propositions peuvent être retenues, ou non ; elles ne s’imposent pas aux dirigeants. Il s’agit donc de conseils privés du prince, sans aucun pouvoir décisionnel qui s’impose à ce dernier. Qu’ils soient constitués de volontaires importe peu, leur activité ne relève absolument pas d’un processus démocratique. Écouter des personnels n’est pas un processus démocratique, c’est le minimum qu’un dirigeant doive faire au quotidien, rien de plus. Que Carle Bonafous-Murat s’imagine que proposer aux personnels de s’exprimer dans le cadre de groupes de travail suffit à constituer un processus démocratique prouve qu’il a perdu tout notion de ce qu’est la démocratie. À sa décharge, il n’est pas le seul.

Ensuite, faire voter le seul Conseil d’administration cet hiver sur les projets de COMUE est également profondément anti-démocratique. Une démocratie ne se limite pas à l’élection de dirigeants. Un ingrédient essentiel est l’existence d’un contrôle de ces dirigeants pendant leur mandat, contrôle qui puisse les empêcher de s’arroger tous les pouvoirs. Cela s’appelle une Constitution, notion que Carle Bonafous-Murat semble ignorer. Il propose de lancer une procédure de changement constitutionnel de notre Université par vote à la majorité simple d’un seul conseil central. Le Conseil d’administration est certes le principal conseil, et aussi, soulignons-le au passage, le seul dans lequel le Président dispose d’une majorité. Mais lui donner les pleins pouvoirs constitutionnels, sans le moindre mandat des électeurs (la majorité actuelle s’était au contraire engagée à ne pas réaliser la fusion), et sans les garde-fous d’usage comme le vote à la majorité des 2/3, constitue un déni de démocratie ; un coup d’état légal.

Légal, parce que les Ministères successifs ont veillé à saper la démocratie universitaire, et à confier des pouvoirs exorbitants, y compris celui de changer des statuts à la majorité simple, au seul conseil d’administration. Légal, parce que les lois récentes ont créé dans les Universités une dictature plébiscitaire, dans lesquels une majorité simple d’un conseil peut bouleverser de fond en comble l’ordre constitutionnel dont il dépend, en complète contradiction avec les règles usuelles des démocraties.

C’est légal. Mais ce n’est pas obligatoire. Rien ne force Carle Bonafous-Murat à rejeter les fonctionnements démocratiques, la loi le laisse libre d’adopter des comportements plus conformes aux règles usuelles en ce domaine. Il ne le fait pas, et semble s’imaginer, peut-être même de bonne foi, que quelques consultations de groupes de travail sans pouvoir suffiront à donner un cachet démocratique à un processus qui ne l’est aucunement.

Nous sommes dans la pénible obligation de le détromper. Et de lui faire observer que les gouvernements autoritaires, même plébiscitaires, ont rarement suscité l’adhésion des groupes qui y étaient soumis.

Pierre (CGT FERC Sup), le 6 octobre 2016