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lundi 4 juillet 2016

Blog de la CGT FERC Sup Paris3

Le CHSCT ou le monologue social

Le 14 juin 2016 était jour de grève nationale contre la loi travail. L’administration a choisi de maintenir une séance du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ce même jour, alors que CGT et FO, deux des trois organisations représentatives existant à Paris 3, appelaient à la grève avec la FSU, Solidaires, l’Unef, l’UNL, et la FIDL. Les élus CGT ont bien sûr refusé d’ignorer localement une grève nationale par commodité d’agenda, une évidence pour quiconque respecte un tant soit peu les principes du combat syndical. Mais un CHSCT s’est tout de même tenu le 14 juin, et a pris des décisions à la légalité incontestable, mais à la légitimité douteuse.

Au-delà du mépris de l’administration, et de certains syndicalistes apparemment, pour ce que représente un appel national à la grève, l’incident est révélateur d’un dysfonctionnement bien plus profond du CHSCT, et de ce fait d’un "dialogue social" dont les mêmes participants à la réunion du 14 juin se félicitent pourtant si souvent. Dans les textes, le CHSCT est un organe d’expression et de débats des syndicats sur les questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Une circulaire de 2011 lui attribue deux fonctions : un rôle de consultation et avis sur tout projet affectant les conditions de travail ou la santé des salariés, et une mission de proposition, de contrôle par visite sur place, et d’enquête ou de demande d’expertise, pour tout ce qui concerne la prévention et la sécurité par rapport aux risques de tous types sur le lieu de travail (on trouvera le détail en Annexe). Le CHSCT est censé également examiner chaque année un rapport soumis par l’administration sur l’état de la prévention et de la sécurité, et discuter du plan de prévention pour l’année suivante.

Consultation, avis, proposition, examen... Ce sont bien les représentants syndicaux qui doivent s’exprimer en séance, et non l’administration. Tout dans les textes le confirme : le CHSCT n’est constitué que de membres représentant les personnels, et d’un-e seul-e représentant-e de l’administration, dont le rôle est d’"animer le dialogue social sur les questions de santé et de sécurité au travail" ; cette personne préside le comité et assure la police des débats, mais ne vote pas ; elle doit inscrire à l’ordre du jour tout point réclamé par au moins 3 représentant-e-s du personnel ; elle ne devrait pas s’opposer à une visite, une enquête ou une demande d’expertise qui rentrerait dans les attributions du Comité. L’administration est en revanche tenue de s’exprimer en amont du Comité, en fournissant les informations nécessaires aux débats deux semaines à l’avance, et en aval, en répondant au Comité dans un délai de deux mois, et bien sûr par l’intermédiaire des bilans et plans d’action annuels qu’elle doit soumettre à celui-ci.

Or le CHSCT de notre établissement est bien loin de correspondre à ce cadre réglementaire. Prenons pour exemple le compte rendu le plus récent publié, en date du 2 novembre 2015 (il se trouve sur l’intranet, "Vie des personnels" / "Prévention et sécurité" / "CHSCT" / "Relevés d’avis" / "2015" -on ne peut pas dire que le travail du CHSCT soit excessivement valorisé à Paris 3...). Les "avis" formels votés par les représentant-e-s des personnels sont reproduits, mais sans réponse, contrevenant ainsi aux textes (voir plus bas). Pour le reste, force est de constater que le relevé consacre 221 lignes aux interventions de l’administration, et 90, et encore en comptant très très large, à celles des syndicats. Même en rajoutant les 30 lignes d’avis formels reproduits, le relevé porte d’abord la parole de la Présidence et de ses représentant-e-s, seuls nommé-e-s d’ailleurs puisque les interventions syndicales sont attribuées à un groupe anonyme baptisé "les membres du CHSCT".

Rien d’étonnant à cela. Les 3 séances annuelles du CHSCT sont largement consacrées à entendre des points d’information développés, parfois longuement, par des membres de l’administration. Les représentants syndicaux posent des questions et présentent des points de vue divers, mais les débats sont très limités, l’ordre du jour étant extrêmement chargé - souvent 12 ou 15 points pour une séance d’une demi-journée. Les demandes tendant à étendre le CHSCT sur une journée ont été rejetées. Et les relevés d’avis officiels résument encore en les amalgamant entre elles ces interventions syndicales limitées, quand ils ne les omettent pas entièrement.

La direction de Paris 3 rend ses bilans épisodiquement, et se passe de plan d’action. Elle ne répond pas non plus par écrit après les séances comme prévu dans les textes, mais se contente de renseigner plus ou moins bien un "tableau de suivi" Excel communiqué aux seuls membres du comité, et dans laquelle elle récapitule ses réactions aux demandes, avec une case par demande et généralement une ou deux lignes par case, sans développer les motifs de ses réponses. Elle occupe en revanche une bonne partie des séances à distribuer ses propres informations (qui devraient en principe être communiquées par écrit deux semaines à l’avance). Et elle expose toujours longuement son avis à elle, avis pieusement consigné ensuite ; cet avis peut parfois rejoindre les positions syndicales, mais dans le cas contraire ces dernières restent souvent sans écho si elles ne peuvent pas être justifiées par une obligation légale (cf. l’Annexe II ; les deux-tiers des avis du CHSCT actuel sont restés sans réponse, ou avec une réponse partielle).

Les dirigeants de Paris 3 miment donc un "dialogue social", mais omettent l’essentiel, puisque d’après leurs propres relevés, ils accaparent entre les deux-tiers et les trois-quarts de l’espace en principe dévolu aux autres partenaires, à savoir les représentant-e-s des organisations syndicales élu-e-s par l’ensemble de la communauté universitaire, personnels administratif-ve-s, enseignant-e-s-chercheurs, enseignants-e-s, chercheurs. Consulter suppose pourtant de laisser parler. Et aussi sans doute d’accepter de négocier vraiment, de changer d’avis de temps à autres, de concevoir sa propre démarche comme la recherche d’un compromis, d’un point d’équilibre…

Annexe I : Le rôle théorique du CHSCT

Les fonctions du CHSCT ont été décrites en détail dans la circulaire MFPF1122325C du 8 août 2011, Fiche VIII, pages 54-58
1) Rôle de "consultations obligatoires sur certains projets entrant dans son champ de compétence", à savoir tous ceux affectant "les conditions de travail ou la santé des salariés" ;
2) Charge de "missions réalisées dans le cadre de son champ de compétence", missions assurées à travers 4 outils :
a) Le CHSCT a"une capacité de proposition en matière d’actions de prévention" assortie d’un devoir de "coopération" avec les actions de prévention à destination des agents ;
b) Le CHSCT a un droit de "visite des locaux et droit d’accès", "dans le cadre de missions précisément établies par le comité",par une procédure de délibération lors de laquelle la circumlaire précise que "seuls les représentants du personnel titulaires participent au vote".
c) Le CHSCT doit "réaliser des enquêtes sur les accidents de services, de travail et les maladies professionnelles ou à caractère professionnel", enquêtes menées conjointement par un-e représentant-e de l’administration et un-e représentant-e du Comité
d) Le CHSCT peut demander une expertise extérieure "en cas de risque grave", ou de "projet important".
3) Le CHSCT doit se réunir, une fois par an pour "déterminer la politique de prévention et d’amélioration des conditions de travail pour l’année à venir" sur la base d’un rapport sur l’année écoulée et d’un plan d’action pour l’année suivante soumis tous deux au comité par le ou la représentant-e-s de l’administration.

Annexe II : Avis et propositions formellement votés par le CHSCT depuis début 2014 et non suivis d’effet au printemps 2016

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