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mardi 2 février 2016

Syndicat CGT Université de Grenoble

Vote électronique : pourquoi la CGT FERCSup s’y oppose

Nous avons appris que la direction de l’UGA souhaitait organiser les prochaines élections professionnelles par vote électronique.

Nous sommes surpris et assez décontenancés par cette annonce. La raison invoquée (économie de moyens humains et financiers) nous semble contradictoire avec les enjeux mis en avant en faveur de la fusion des universités, surtout après les importants moyens mobilisés pour les élections des conseils de la nouvelle université. La désignation des représentants du personnel au Comité Technique (CT), aux Commissions Paritaires d’Etablissement (CPE) et à la Commission Paritaire Consultative des Agents non Titulaires (CCPANT) de l’UGA ne mérite donc pas les même moyens ?

Absence de fiabilité

Dans l’état actuel des connaissances, aucun système de vote électronique ne peut remplacer le vote usuel « papier ». Nous rappelons que pour être fiable, et donc utilisable, un système de vote doit garantir un certain nombre de propriétés [1] :

  • l’éligibilité : seules les personnes autorisées à voter peuvent le faire, et ne peuvent voter qu’une seule fois
  • l’anonymat (secret du vote) : il ne doit y avoir aucun moyen de connaître le vote d’un électeur
  • la vérifiabilité individuelle : chaque électeur peut vérifier que son propre vote a été correctement comptabilisé
  • la vérifiabilité universelle : toute personne peut vérifier que tous les votes ont été correctement comptabilisés (... sans violer l’anonymat du vote)
  • la résistance à la coercition : le système doit garantir qu’il n’est pas possible de contraindre un électeur, de quelque manière que ce soit, de voter d’une certaine manière.

Ces propriétés apparemment complexes sont assurées par le vote « papier », et chacun peut le vérifier assez simplement. C’est cependant au prix d’un certain nombre de règles : isoloir, bulletins sur papier identique, urnes transparentes, dépouillement public. Ces règles ne doivent rien au hasard, et ont été l’objet de luttes acharnées dans l’histoire !

Or, passer au vote électronique signifie tout simplement passer par-dessus bord toutes ces règles. En effet, aucun protocole de vote électronique habituellement utilisé ne vérifie toutes les propriétés listées ci-dessus. Les rares systèmes de vote électronique assurant ces propriétés reposent sur des hypothèses techniques très fortes [2] : inviolabilité des canaux de communication, confiance absolue dans ce qui est exécuté par la machine personnelle.

De même, aucun système de vote électronique ne remplit les conditions recommandées par la CNIL [3].

En tout état de cause, une personne (électrice ou assesseur) souhaitant vérifier qu’un système de vote électronique est fiable, devrait s’assurer :

  1. que le protocole vérifie bien les propriétés en question (preuves mathématiques à vérifier) ;
  2. que le logiciel implémente bien le protocole ;
  3. que le compilateur ou l’interpréteur du logiciel donne lieu à une exécution fidèle du logiciel ;
  4. que le système informatique exécute bien le bon logiciel.

Ce n’est pas nier la compétence ou l’excellence des personnels UGA que d’affirmer qu’aucun d’entre eux n’est techniquement capable de faire ces vérifications ! En toute hypothèse, dans ces conditions, la CGT FERCSup n’est pas en mesure de désigner des assesseurs pouvant véritablement vérifier le bon déroulement du vote. Dans cette situation, les électeurs doivent faire confiance à une poignée d’experts, organisateurs du vote, ce qui change fondamentalement le sens de l’élection ! Pourquoi dans ce cas ne pas simplement proposer que chaque électeur envoie directement un mail au DGS avec le contenu de son vote, charge à lui de compter les votes et annoncer les résultats ?

Un bilan préoccupant

D’autre part, il faut souligner que la participation tend à décroître fortement partout où le vote électronique est mis en place (de 63% à 40% dans l’éducation nationale, par exemple).

Enfin, il faut rappeler que le vote électronique a déjà été utilisé pour certaines élections professionnelles (CAPN, CAPA, CAPD en 2014). Ce vote électronique a donné lieu à de nombreuses irrégularités : personnels dans l’impossibilité de voter à cause des problèmes techniques de la plateforme de vote, personnes votant à la place d’autres, sans même évoquer l’absence complète de vérifiabilité du résultat. Cette élection a mis en évidence une rupture d’égalité entre électeurs pour le simple exercice du droit de vote, la facilité d’accès et l’aisance d’utilisation du matériel informatique devenant critère discriminatoire.

La récente tentative avortée de vote électronique pour l’élection du président du Conseil Académique (CAC) le mardi 26 janvier, nous a encore démontré les limites matérielles et technologiques de ce type de scrutin. En effet, après plusieurs tests préalables, le nombre de votes était supérieur au nombre de votants… pourtant l’Administration a bel et bien certifié que tout marchait bien le jour d’avant.

De plus, le passage à l’urne et à l’isoloir reste une démarche démocratique et citoyenne qu’il ne faudrait pas sous-estimer et supprimer pour le prétexte d’économie des moyens humains et financiers.

Les élections professionnelles ne doivent pas devenir une désignation au rabais : il faut conserver le vote « papier » à l’urne, actuellement seul système de vote réellement démocratique !


[1Stéphanie Delaune, Steve Kremer, and Mark D. Ryan. Verifying Privacy-type Properties of Electronic Voting Protocols. Journal of Computer Security, 17(4):435–487, IOS Press, July 2009

[2Michael R. Clarkson, Stephen Chong, Andrew C. Myers. Civitas : Toward a Secure Voting System. In Proc. IEEE Symposium on Security and Privacy, pages 354-368, May 2008

[3Délibération n° 2010-371 du 21 octobre 2010 portant adoption d’une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique.