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mercredi 9 décembre 2015

Syndicat CGT Université de Grenoble

Enseignement et recherche : le service public est-il soluble dans l’excellence ?

Le service public de l’enseignement supérieur et la recherche est essentiel pour le progrès social et la construction collective d’une pensée critique et d’une société plus juste, capable de penser la place de l’humain au cœur du développement. L’Université Grenoble Alpes (UGA) fusionnée s’éloigne de ces objectifs, en entraînant la mutualisation de services (bibliothèques, écoles doctorales, services informatiques,…), au détriment des conditions de travail, de la démocratie universitaire, de la qualité du service rendu aux étudiants.

La loi LRU-Pécresse en 2007, puis la loi LRU-Fioraso en 2013, ont bouleversé profondément le paysage universitaire. Le désengagement de l’État, l’éclatement et la mise en concurrence des universités avec le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE) provoquent une balkanisation des établissements avec un renforcement des pouvoirs des directions de services et d’unités.

Dans ce contexte, les présidences des universités ont produit un discours centré sur l’« excellence ». L’effet de ce discours est de concentrer le peu de financement disponible sur un petit nombre de projets. La culture de la compétition intellectuelle, inhérente à l’activité de recherche, est ainsi remplacée insidieusement par la culture de la concurrence sur les moyens.

S’ajoute à cela la métropolisation de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR) avec la ComUE UGA. Toutes les universités doivent se regrouper dans les grandes métropoles : à terme, c’est la couverture territoriale du service public de l’ESR, condition pour une égalité d’accès de tous les étudiants aux études supérieures et à la recherche, qui est remise en cause. Pourquoi ? Au nom d’une « excellence » dont les critères ne sont jamais discutés…

MOINS DE POSTES, PLUS D’ÉTUDIANTS = DÉGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL ET D’ÉTUDE

Dans les universités de Grenoble, on peut déjà mesurer les conséquences concrètes de cette politique sur les carrières (promotions en berne, suppressions et gels de poste, fins de CDD, raréfaction des postes d’ATER, remise en cause des primes statutaires, précarisation), sur les conditions de travail (souffrance, surcharge de travail), et sur les laboratoires, les composantes ou les services (développement supplémentaire de l’emploi précaire, renforcement du recours à la sous-traitance et restrictions sur le fonctionnement des services).

Dans ce contexte, les conditions de travail et d’études se dégradent. En parallèle de la précarisation et des pressions de toutes sortes exercées sur le personnel, du fait de l’appauvrissement des étudiants et la massification de l’enseignement supérieur, l’université n’est plus en mesure de répondre correctement aux besoins des étudiants, qui devraient avoir accès à des conditions favorables pour leur réussite : soutien, accompagnement personnalisé, tutorats, conditions décentes d’accueil (salles en nombre suffisant et suffisamment grandes, moyens mis à disposition des étudiants).

LES ENSEIGNANTS CONTRACTUELS EN PREMIÈRE LIGNE

La baisse du nombre de postes titulaires, malgré le nombre croissant d’étudiants inscrits, et de filières proposées, ont conduit les composantes à faire appel à un nombre toujours plus important d’enseignants sous contrats précaires.

Du fait de cette précarité, ces enseignants sont à la merci de décisions autoritaires, prises par leur composante ou par la présidence de l’université. Ils se voient souvent assignés des charges d’enseignements importantes, voire des responsabilités dont aucun titulaire ne veut. Nous refusons que l’université soit ainsi partagée entre d’un côté, des enseignants-chercheurs titulaires responsables des enseignements ou des filières les plus valorisantes, et de l’autre des enseignants précaires soumis à l’arbitraire.

Tous les efforts doivent être faits en faveur de la résorption de la précarité, et de la titularisation des enseignants contractuels. À l’université, l’enseignement devrait être effectué, à tous les niveaux, principalement par des enseignants-chercheurs ou enseignants titulaires. Dans l’intervalle, les fonctions d’enseignements et les responsabilités doivent être réparties de manière équitable et concertée entre tous les enseignants, quel que soit leur statut.

Enfin, les conditions de travail et de rémunération des contractuels ne doivent pas être différentes des autres enseignants. À l’UGA, la rémunération des enseignants contractuels est définie à partir d’une grille « maison » inspirée de la grille des PRCE. Il s’agit d’une version ralentie d’environ 30% de celle-ci, ainsi s’il faut en moyenne 24 ans pour atteindre l’échelon le plus haut dans la grille des PRCE, cela ne prendra pas moins de 31.5 ans à un enseignant contractuel. De plus, aucune prime n’est prévue pour les enseignants contractuels.

L’EXEMPLE DU CUEF

Le CUEF (Centre Universitaire d’Études Françaises) ouvre 49 semaines avec une forte activité l’été. Du fait de l’histoire particulière du CUEF, les fonctions d’enseignement sont assurées majoritairement par des enseignants contractuels. Ces enseignants subissent des discriminations liées à leur temps de travail (576 HTD au lieu de 384 HTD), la rémunération et les conditions de travail (services et congés imposés, absence d’espace de travail).

Concernant le temps de travail, la FERCSup CGT a soutenu le combat des enseignants du CUEF. Ce combat a permis d’établir un calendrier précis portant le service des enseignants à 384 HTD, même si ce ne sera effectif qu’à la rentrée 2018. Les enseignants du CUEF restent mobilisés pour l’amélioration de leurs conditions de travail.

ENSEIGNANTS ET ENSEIGNANTS-CHERCHEURS : REMETTRE DU SENS DANS NOTRE TRAVAIL

L’intensification et la dégradation des conditions de travail s’accompagnent, pour les enseignants-chercheurs, d’une dénaturation de leur travail. Les critères d’évaluation, concentrés sur certaines activités de recherche, détournent les enseignants-chercheurs de leur mission principale de service public : enseignement et activité de recherche de fond. De plus, la recherche de financement devient une activité qui se fait au détriment de la recherche elle-même.

La concentration des financements, accompagnée d’un discours centré sur l’excellence, induit une concentration des moyens sur les chercheurs les plus « performants », c’est-à-dire sur ceux qui publient dans des revues ayant le plus d’« impact », au détriment de la nouveauté, du temps parfois long pour produire une recherche originale de qualité. Outre une concurrence entre chercheurs, la concentration des financements met en concurrence les équipes et les thématiques de recherche, les recherches valorisables dans l’entreprise et potentiellement « rentables » étant clairement privilégiées.

Il y a bien un risque de dévalorisation de l’activité d’enseignement, pour une survalorisation de la recherche. Cela amène les enseignants-chercheurs qui investissent la pédagogie à être disqualifiés, voire à être pointés du doigt comme étant ou risquant de devenir des « mauvais chercheurs ». Cette dévalorisation se répercute sur l’ensemble des enseignants, dont la charge de travail s’intensifie.

La hiérarchisation entre les activités d’enseignement et les activités de recherche, qui accompagne de fait les modalités d’évaluation actuelles, remet en question le lien fort et la complémentarité entre ces deux activités, qui sont à l’origine de la création même du métier d’enseignant-chercheur.

Cette mise en concurrence généralisée des enseignants, des enseignants-chercheurs, des laboratoires, des équipes, des thématiques de recherche, etc., fragilise les collectifs de travail, entrave la socialisation du savoir et rend très difficile un travail d’équipe serein et efficace pour remplir nos missions de service public d’enseignement et de recherche.

NOS REVENDICATIONS

Harmonisation par le haut des conditions de travail entre composantes (gestion des primes et décharges, attribution des services)
Arrêt des discriminations liées aux conditions de travail et de rémunération
Transparence et équité des procédures de gestion de carrières : notation, recrutements, promotions
Transparence et équité des procédures d’attribution des services d’enseignement
Pour la recherche, privilégier les financements récurrents aux financements par projet à court terme.
Nous refusons la mise en œuvre de la modulation des services d’enseignement, ainsi que toute tentative de contrôle hiérarchique des enseignants et enseignants-chercheurs remettant en cause leurs libertés académiques.
Dans toutes les instances où nous serons, nous défendrons l’idée d’établir des critères d’évaluation multiples, discutés collectivement, en fonction de ce qui fait sens dans notre travail, du point du vue de nos missions de service public.