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vendredi 2 décembre 2005

Déclaration CGT au CNESER du 9 novembre 2005

Loi sur la Recherche - Déclaration FERC SUP

Séance du CNESER du 9 novembre 2005

Débats et avis sur l’avant-projet de Loi sur la Recherche
en présence de François GOULARD, Ministre délégué à la Recherche

Cette déclaration est faite au nom de la Confédération et des syndicats CGT, directement concernés par l’avant-projet de Loi sur la Recherche.

Voilà deux ans, ceux-ci ont été les premiers à s’opposer aux décisions désastreuses du ministère, sur l’emploi et les crédits concernant la Recherche. Depuis, ils ont largement participés, avec d’autres, aux mobilisations, aux débats, à la réflexion. Ils ont fait des propositions qui vous ont été communiquées dès le mois de mai et largement reprises dans le mémorandum des organisations syndicales.

Aujourd’hui, pour sa première et sans doute seule réunion sur l’avant-projet de Loi sur la Recherche, rendue publique le 5
octobre, le CNESER doit donner son avis dans des conditions qui reflètent bien votre conception du « dialogue social ». Suite au changement de Gouvernement en juin, conséquence du résultat du 29 mai sur le TCE, on pouvait légitimement espérer que celui-ci serait au coeur des préoccupations des nouveaux ministres.

Dans cette même salle, fin juillet, vous et le Ministre de l’Education Nationale de l’Enseignement Supérieur et de la
Recherche, vous vous êtes engagés à ce que certaines des propositions des organisations syndicales soient intégrées dans votre projet, suite à la réflexion menée début juillet sous la direction de Jean-Marc Monteil (cf. verbatim). Or, le texte que vous nous présentez aujourd’hui ne correspond ni aux exigences formulées majoritairement par les organisations syndicales et associations, ni aux nécessités sociales, culturelles, de développement économique et d’aménagement du territoire, répondant à l’ensemble des besoins sociaux de notre pays et de ses habitants en ce début de troisième millénaire.

La CGT dans ses interventions, se place résolument d’un point de vue des enjeux pour la société, dans son ensemble, et non
d’un point de vue corporatiste :

- au CES : en insistant sur l’importance du rapport recherche/société, de l’articulation et des synergies entre recherche
publique et recherche privée dans sa dimension partenariale et ceci dans le respect des missions de chaque secteur
- au CSRT : en montrant le rôle majeur que peuvent et doivent jouer les EPST dans la recherche publique, avec ses
prolongements dans l’innovation technologique
- au CNESER aujourd’hui : en dégageant le rôle incontournable des universités, de la recherche publique, dans la
formation par et à la recherche, en particulier dans un souci de démocratisation
- auprès des groupes parlementaires : en les sensibilisant au rôle que doit jouer la Recherche dans les formations,
pour l’emploi, sans oublier l’image de la France, notamment en s’impliquant dans les grands programmes et dans la
coopération internationale.

Sans rentrer dans le détail des éléments du « Pacte pour la Recherche », il ressort d’une lecture attentive de « l’Exposé des motifs », de « l’avant-projet de Loi de Programme pour la Recherche », de son annexe 1 sur « la Programmation », « des 17 fiches du Pacte » et du contenu de votre « Conférence de presse », que vous présentez un projet avec des orientations
politiques très cohérentes qui, selon nous, vont à l’encontre d’une amélioration et d’un développement du Service Public de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (SPESR ) susceptible de répondre :

- à l’ensemble des besoins sociaux pour notre pays
- de réévaluer la place de la Recherche française dans le cadre de l’Europe (cf. stratégie de Lisbonne)
- et de permettre à la France, dans le cadre de l’UE , de jouer un rôle moteur dans la coopération internationale pour
répondre aux besoins vitaux des pays en voie de développement (cf. objectif du millénaire pour le développement.
de l’ONU).

Compte-tenu des prérogatives du CNESER (cf. Loi du 26 janvier 1984), il est important de voir aujourd’hui quelles sont les
répercussions de votre « Pacte » sur le SPESR et, en particulier, sur la recherche universitaire autour des cinq points suivants :

- les finalités du SPESR
- les moyens du fonctionnement du SPESR
- la démocratie au sein du SPESR
- les conséquences sur l’aménagement du territoire
- la dimension européenne et internationale

et en conclusion de cette intervention, quelques réflexions sur l’utilisation qui est faite du terme « d’excellence ».

I - Sur les finalités du SPESR

Votre « Pacte » est passé surtout avec le privé et les industriels, avec le risque d’une instrumentalisation de la recherche publique par les milieux économiques au détriment de la recherche fondamentale et tout particulièrement des Sciences Humaines et Sociales.

En effet, le risque est grand que le SPESR ne puisse plus répondre correctement à l’ensemble de ses missions prévues par
les Lois de 1982 et 1984, en particulier par la mise en place d’une coupure entre la formation et la recherche et donc le risque
de « collèges universitaires », avec comme conséquence un coup de frein sur la démocratisation de l’accès et de la réussite
dans le supérieur et donc la remise en cause d’une mission essentielle de l’université : la formation au plus haut niveau de la
jeunesse et des salariés de notre pays dans sa dimension scientifique, culturelle, professionnelle, tchnologique.

II -Sur les moyens de fonctionnement du SPESR

L’insuffisance des moyens est notoire et ne permettra pas d’atteindre les 3% du PIB en 2010 prévus dan la « stratégie de Lisbonne » (à ce sujet, où en est le groupe d’étude sur le pourcentage réel en 2005 du BCRD en comparaison avec les autres pays de l’UE ?)

Le Gouvernement annonce un milliard, mais il y à manipulation car dans celui-ci nous trouvons :

- 399 millions d’euros pour la recherche publique
- 280 millions d’euros pour l’ANR et l’OSEO-ANVAR (ponctionnés sur le montant des privatisations)

- 240 millions d’euros de mesures fiscales proposées aux entreprises.

Par ailleurs, la mise en place de la LOLF, permet des effets d’annonce, car la Mission Interministérielle Recherche et
Enseignement Supérieur (MIRES) recouvre 13 programmes.

En fait, il y a baisse drastique des crédits de base et forte augmentation des crédits incitatifs gérés par les agences déjà mises
en place (ANR et AII) avec comme conséquence une généralisation des contrats, la mise en concurrence des établissements
et des équipes ; la marginalisation de certains de ceux-ci, suite à des évaluations technocratiques prévues dans la LOLF.

Toujours dans le cadre de la LOLF, par le biais de la « fongibilité asymétrique », malgré les créations annoncées, il y a des menaces sur le stock des emplois découlant de la vague de départs en retraite avec le risque de non-remplacement.

Enfin aucun dispositif n’est prévu dans cet avant-projet pour la résorption de la précarité, alors que celle-ci est très importante
dans les universités, en particulier chez les IATOS.

III - Sur la démocratie au sein du Service Public

En ne retenant aucune proposition des organisations syndicales représentatives et des associations, dans le projet de Loi,
vous manifestez votre refus d’une réelle démocratie, ce qui est préjudiciable pour l’avenir car l’expérience montre que l’on ne
peut réformer efficacement sans les principaux acteurs du secteur et encore moins contre eux.

Par ailleurs, toutes les nouvelles structures proposées (HCST, AER, PRES, CAMPUS...), notamment dans leur composition
et leur fonctionnement, tournent le dos à un élargissement de la démocratie dans les EPCSCP, les EPA , les EPST et les
EPIC.

Votre choix de piloter la recherche publique, au bénéfice des industriels et en lien avec le MEDEF, vous amène à faire ce type
de propositions. Cette remise en cause de la démocratie se retrouve, à tous les niveaux de la recherche, avec une montée en force d’experts nommés, chaque fois au détriment des élus des personnels.

Cette limitation au droit démocratique se faisant en parallèle à l’application de la LOLF, avec ses critères d’évaluation
technocratiques imposés aux établissements, aux équipes et aux personnels de la recherche publique, tout en épargnant les
industriels du privé qui bénéficient pourtant de crédits d’impôt recherche.

IV - Les conséquences sur l’aménagement du territoire

La CGT est très attachée à la conception française du Service Public comme garant de la cohésion sociale, de l’intégration de tous les citoyens, du droit à des formations supérieures adossées, à tous les niveaux (LMD), à la recherche. Vos orientations qui se trouvent dans le « Pacte » vont à l’encontre de cette conception. Celui-ci va renforcer les côtés négatifs et malthusiens du Schéma de Service Collectif de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, à la fois dans sa dimension programmatique (CPER arrivant à leurs termes en 2006, sans que l’Etat n’ait respecté tous ses engagements) et dans sa dimension prospective à l’horizon 2020 :

- système de recherche, organisé autour de priorités essentiellement finalisées, concentré dans des « pôles
d’excellence », au détriment d’un lien renforcé entre formation et recherche sur tout le territoire, grâce à des
coopérations au bénéfice de tous, et non à une mise en concurrence entre établissements,
- avec le risque d’une carte universitaire présentant une hiérarchisation des établissements (pôles de taille
européenne, universités de seconde zone et antennes universitaires) au détriment du maillage actuel qui jusqu’à
maintenant, malgré quelques imperfections, a répondu à la démocratisation de l’accès à l’université et favorisé la
réussite de jeunes de milieux modestes.

V - La dimension européenne et internationale

Votre projet (cf. fiches 16 et 17) est largement insuffisant dans sa dynamique européenne et internationale ; il ne porte
que sur les échanges entre scientifiques et experts et sur les aspects administratifs des « appels à projets » avec des
structures de pilotage au niveau européen tout aussi technocratique et peu démocratique que ceux du « Pacte ». On
retrouve également une généralisation « d’appel à projets » sur des thématiques qui ne répondent qu’aux seules attentes
des milieux économiques et industriels.

Rien n’est dit sur l’effet levier que peuvent avoir les financements communautaires, notamment dans la coopération
internationale. Le gouvernement français et vous-mêmes devez mettre tout votre poids pour que le programme INCO du
6ème PCRDT soit prolongé dans le 7ème PCRDT, afin que le partenariat avec les pays en voie de développement se fasse
sur des thématiques qui répondent à leurs besoins spécifiques et non pour piller leur faible potentiel scientifique et aliéner
leurs chercheurs aux objectifs de l’UE dans la seule perspective de concurrencer les Etats-Unis et le Japon.

Cette position répond au souhait formulé par Janez Potocnik, Commissaire européen chargé de la Science et de la
Recherche et par Louis Michel, Commissaire européen chargé du Développement, lors d’une conférence les 6 et 7
octobre à Bruxelles sur les enjeux internationaux du 7ème PCRDT.

En conclusion

La CGT est pour l’excellence qui valorise et promeut les établissements, les équipes et les personnels, grâce à la coopération.
Cela suppose des moyens en crédits et en personnels pour un développement et une rénovation du Service Public de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et non comme le propose l’avant-projet de Loi, « l’excellence » qui
marginalise et qui exclut, en mettant en concurrence les établissements, les équipes et les personnels et qui va donc
démanteler le Service Public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Depuis plusieurs mois et encore aujourd’hui votre ministère, et au-delà le Gouvernement, ne propose pas de conditions
normales au débat et à la négociation :

- refus dès le départ d’un réel dialogue social, permettant de prendre en compte certaines propositions des
organisations représentatives du secteur. Seul, le contenu des « fiches Monteil » rédigé en avril-mai 2005, sans que
les organisations syndicales soient parties prenantes, se retrouve dans ce qui est proposé actuellement et va dans le
sens contraire à ce que souhaite majoritairement la communauté,
- en plus, le débat sur le contenu de l’avant-projet se fait dans un contexte largement balisé et encadré par des
décisions qui s’avèrent déjà très structurantes au niveau des établissements de l’Enseignement Supérieur et de la
Recherche, comme les « pôles de compétitivité », la mise en place des deux agences (ANR, AII) et les anticipations
faites par certains responsables d’établissements universitaires et de recherche pour la mise en place de PRES et de « campus ».

Dans ces conditions, la CGT et ses syndicats formulent leur profonde opposition à cet avant-projet de Loi pour la Recherche, et appellent les élus du CNESER à rejeter ce texte.

Jean-Pierre ADAMI, le 9 novembre 2005.