LA RECHERCHE Quelle loi de programmation faut-il à la France ?

Publié le 12 avr. 2019
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Le 1er février 2019, Edouard Philippe et Frédérique Vidal ont annoncé leur intention de proposer au parlement le vote d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Débattue début 2020, cette loi entrera en vigueur en 2021.

Le gouvernement n’a pas l’air pressé. Pourtant, les retards accumulés par la France en matière de recherche tant publique que privée le mériteraient. En effet, au moment où de nombreux pays investissent massivement dans leur effort de recherche, la dépense intérieure de recherche et développement française stagne depuis des années autour de 2,2% du PIB, toujours en deçà de l’objectif européen de 3% – engagement pris par notre pays en 2002 – et en dessous de la moyenne de l’OCDE. Si loi de programmation il y a, alors  l’atteinte de cet objectif ne peut encore être différée.
Après avoir imposé l’austérité aux laboratoires publics, fait baisser le nombre de postes de titulaires dans les organismes de recherche, contraint les universités à geler nombre d’emplois d’enseignants et de personnels techniques, tout en créant une précarité massive, le gouvernement clame maintenant que la recherche est une de ses priorités. Comment lui faire confiance quand, au même moment, il annonce la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires et une attaque sans précédent contre la fonction publique avec le développent massif des CDD et des contrats de projets, d’une durée de 6 ans au maximum, que l’employeur peut rompre à sa guise ?
Pour la recherche comme pour l’enseignement supérieur, le gouvernement actuel, à la suite des précédents, a déjà fixé ses choix : encore plus de dérégulation ; en créant des grands établissements universitaires dérogatoires, il pousse à l’émergence de zones de non-droits et cherche à liquider les organismes nationaux de recherche, comme le montre la disparition sans débat de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux, dans la future université expérimentale Gustave Eiffel.
Pour la CGT, face aux défis mondiaux, européens et nationaux que notre pays doit affronter et pour lesquels la recherche joue un rôle déterminant, une loi de programmation doit définir une perspective claire. Son approbation par tous les acteurs sera un gage d’efficacité. La recherche articulée à une stratégie de développement industriel nécessite d’être consolidée par des efforts financiers et des investissements sans précédent.
L’Etat doit abonder le budget de la recherche publique de 5 milliards d’euros pour le porter de 0,8 à 1% du PIB. Pour l’enseignement supérieur, il faut 10 milliards de plus pour le porter de 1,5 à 2% du PIB. Le financement des laboratoires doit passer par une augmentation massive des crédits récurrents. La course actuelle aux appels à projets dits « compétitifs », ceux de l’Agence Nationale de la Recherche comme du Programme Investissements d’Avenir, laisse de nombreuses thématiques à l’abandon et épuise les équipes dans une course aux financements souvent stérile.
Résorber la précarité qui concerne plus de 30% des emplois doit être une priorité. La création de 10000 postes de titulaires par an sur 6 ans permettrait d’y parvenir.
Il faut aussi en finir avec le niveau indigne des salaires et revaloriser les carrières de tous les personnels de la recherche comme des universités pour tenir compte de leur qualification et du retard pris par rapport à de nombreux pays développés.
Quant au secteur privé, les entreprises ne jouent pas le jeu dans l’effort de recherche national. La rentabilité à très court terme, sous la pression des actionnaires, antinomique d’un effort de recherche soutenu, le poids des logiques financières à l’œuvre pèsent sur l’engagement des entreprises dans les activités de recherche et entraînent leur réduction dans de nombreux secteurs. C’est un des handicaps de la France, corrélé en grande partie à l’absence d’une véritable stratégie industrielle.
Dans le secteur manufacturier, le décrochage est préoccupant, malgré les aides publiques conséquentes. En dépit d’un Crédit d’Impôt Recherche (CIR) de 6 milliards d’euros, l’effort de recherche des entreprises n’a ainsi pas notoirement augmenté. Fortement critiqué par de nombreux rapports, ce dispositif fiscal – qui n’est conditionné à aucun résultat – ne peut demeurer dans sa forme actuelle.  
La CGT préconise de revenir à de grands programmes mobilisateurs utiles au bien commun qui associeront de façon équitable les entreprises et la recherche publique. Sans une volonté politique réaffirmée de développement de la recherche, sans un investissement R&D important du secteur privé, le risque est grand de compromettre les opportunités de développement économique de notre  pays.

Montreuil, le 12 avril 2019